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Quoi, Poutine ?

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On peut certes admirer Vladimir Poutine, si l’on veut — mais comme un excellent joueur d’une équipe adverse.

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C’est curieux, cette fascination, tout de même… Maintenant, pour vénérer Vladimir Poutine, il n’y a plus seulement la droite antiremplaciste (celle que les journalistes remplacistes, si l’on veut bien excuser le quasi-pléonasme, appellent l’extrême droite). Il y a aussi la droite remplaciste (celle que les mêmes nomment bêtement, mais tout ce qu’ils font est un peu bête, républicaine). Et quand ce n’est pas Poutine, c’est la Russie. Mais la plupart du temps ce sont les deux.

M. Thierry Mariani est rentré presque saoul de son voyage là-bas — saoul d’enthousiasme, je veux dire, et si l’on peut en juger par les jolies photographies qu’il nous a rapportées. Ah, la Pâques orthodoxe, c’est autre chose que par chez nous ! Le président Poutine et madame en grande toilette, le Premier ministre et la sienne aux côtés de l’archimandrite, office solennel, communions, embrassades : on est loin des tweets aux épaules étroites dont se sont fendus finalement, pour notre Pâques à nous, MM. Hollande et Valls, un peu sous le contrainte. À ce propos, et entre parenthèses, je ne suis pas sûr que les chrétiens de France n’aient pas fait un marché de dupes, en exigeant ces messages.

Jusqu’à présent les autorités françaises envoyaient des phrases de félicitations aux représentants des religions tard-venues dans le pays : c’était la politesse d’un hôte à ses hôtes. Complimenter les chrétiens, de la part d’un chef d’État français, c’eût été un peu se complimenter lui-même, même s’il était incroyant ou anticlérical. Tout ce que les catholiques ont obtenu pour cette fois, c’est d’être mis à égalité, en France, avec les autres religions — un fameux recul, au regard de l’histoire ; et cette égalité, puisqu’ils la voulaient, puissent-ils encore la garder longtemps. L’égalité, hélas, pour les religions comme pour les monarchies, pour les classes sociales comme pour l’éducation, pour la culture comme pour les différentes cultures, c’est souvent le début de la fin.

Mais passons : Vladimir Poutine et la Russie sont chrétiens et défendent les valeurs chrétiennes, Vladimir Poutine et la Russie ne se laissent pas marcher sur les pieds, Vladimir Poutine et la Russie n’aiment pas trop les homosexuels, Vladimir Poutine et la Russie sont attachés à la vie, à la dignité humaine, à la décence, à leurs traditions, et ils ont la force de résister d’une main à la marchandisation américano-occidentale du monde, de l’autre à la pression terroriste ou convertisseuse de l’islam…

Et certes il y a du vrai dans tout cela, même s’il n’y a pas que du bon (ni même que du vrai…). Vladimir Poutine et la Russie défendent leurs traditions, sans doute, mais il convient de se souvenir, à mon sens, que ces traditions, d’une part, ne sont pas les nôtres, même si le christianisme constitue un lien, un demi-lien ; et d’autre part qu’elles sont extrêmement brutales. Cet éternel retour de l’insubmersible despotisme oriental, prévaricateur, arbitraire et volontiers assassin, passablement terroriste lui-même (au sens premier) nonobstant ses combats contre le terrorisme, est-ce bien le modèle que nous cherchons ? Il me semble que l’Europe a dans son propre répertoire, si elle voulait bien s’en souvenir, autrement mieux à nous offrir.

Je ne dis pas que la Russie, ce n’est pas l’Europe. Je ne dis pas que Lermontov, Tourgueniev, Tolstoï, Dostoïevski, Moussorgski, Tchékhov , Tsvetaïeva, Nabokov, Scriabine, Stravinski, les Ballets russes, Malevitch, Eisenstein, Schnittke, tant d’autres, ce n’est pas la culture européenne, la civilisation européenne, la sensibilité européenne (je ne dis pas non plus que ça l’est). Si la Russie voulait faire partie de l’Europe (avec tout ce que cela implique de liberté et d’État de droit — théoriquement, certes, de plus en plus théoriquement), ce n’est pas moi qui trouverais à y redire. Mais ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit, on le sent bien. Ce dont rêvent bon nombre de poutinomanes et d’actuels russolâtres, c’est plutôt que l’Europe devienne russe, dirait-on, se mette à la remorque de la Russie.

Ils ressemblent à des chiens perdus sans collier, avides de se trouver un maître, et qui se verraient bien une niche au Kremlin. Or, loin de moi de prétendre que Poutine n’est pas un habile praticien des relations internationales et de leurs rapports de force, ni qu’il ne sert pas bien son pays (encore que j’aie plus de réserve sur ce point). Tout ce que je rappelle, c’est que son pays n’est pas le nôtre, que la Russie a opprimé affreusement la moitié de l’Europe pendant un demi-siècle, que leurs intérêts à elle et à lui, sur de très nombreux points, ne sont pas ceux de la France et des autres nations du continent (même si des alliances sont toujours possibles, en de certaines circonstances graves).

On peut certes admirer Vladimir Poutine, si l’on veut — mais comme un excellent joueur d’une équipe adverse.

 

Commentaires

  • En 1884 Friedrich Nietzsche définit une politique européenne toujours d'actualité . Jugez-en plutôt :
    " nous avons besoin d'une collaboration absolue avec la Russie , avec un nouveau programme commun qui empêche , en Russie , une venue au pouvoir de tout simulacre anglais . Pas d'avenir américain ".
    Ce qui décidera de notre avenir ce sont les orientations du patronat allemand . Puisse-t-il entendre Poutine et se libérer de l'emprise US !

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