L'Anzac day et le front de l'est : l'oubli en faveur des Arméniens
Michel Lhomme
le 26/04/2015
Avril 1915 : les forces australiennes et néo-zélandaises – Anzac – débarquent sur la péninsule de Gallipoli, en Turquie. Ce sera un carnage.
Des dizaines de milliers d’Australiens et de Nouveau-Zélandais ont célébré ce samedi 25 Avril 2015, un Anzac Day, un peu exceptionnel puisque c'est l'Anzac Day du centenaire, du 100ème anniversaire du débarquement des troupes d’Australie et de Nouvelle-Zélande à Gallipoli, plus connu sous le nom de bataille des Dardanelles. Cela s’est passé en 1915 sur le sol de l’Empire Ottoman qui était alors l'allié officieux de l’Allemagne. Gallipoli a été une terrible défaite, un épouvantable massacre pour les troupes australiennes et néo-zélandaises.
Ce fut pour ces deux états du Pacifique le baptême du feu, un baptême du feu fondateur de ces deux jeunes nations. Le plan de la bataille de Gallipoli fut conçu à Whitehall, au ministère de la Marine Britannique, par le général Ian Hamilton, commandant en chef du corps expéditionnaire allié. Face à sa bêtise criminelle, il y aura le génie politique mais aussi militaire d’Atatürk. Ce fut à l'époque la plus grande bataille amphibie, le plus grand débarquement moderne de l’histoire du monde. Le bilan fut catastrophique : plus de cent mille morts dont 53 000 britanniques et français sans compter les mutilés, les survivants renvoyés chez eux soufrant de troubles après ce qu’ils avaient vu et vécu. 14-18, ce ne fut pas en effet que la Marne ou Verdun. Beaucoup de nos poilus furent envoyés sur le front de l'est dont ils ne revinrent pas.
C'est en route vers les Dardanelles qu'on foudroya aussi un poète anglais Rupert Brooke qui mourut le 23 avril d'une septicémie sur le Duguay-Trouin. Son frère décédera aussi un mois plus tard dans la bataille. On raconte qu'il y avait tant de cadavres à Gallipoli qu'ils moisirent sur place dans des tombes hâtivement creusées. Comme souvent dans les plus grands moments de la première guerre mondiale, on a l'impression à Gallipoli d'un gâchis monumental, d'une folie de généraux cinglés, d'une débâcle sanglante et irrationnelle, Gallipoli signant aussi l’incompétence notoire de Churchill qui pensait en finir avec les Turcs en une seule fois et obtenir la victoire en prenant l’ennemi à revers par les Dardanelles. Ce qu'on oublie aussi c'est qu'il y eut aux Dardanelles plus de Français tués que d'Australiens, des Français de la campagne bretonne ou vendéenne mais aussi des Français de l'Outre-mer et en particulier, fait incroyable, des Tahitiens.
Au cinéma, on se souvient de l'excellent Gallipoli du réalisateur australien Peter Weir, de la version turque des événements de Kemal Uzun avec Gürkan Uygun, du Capitaine Conan mais vient aussi de sortir sur nos écrans le film du néo-zélandais, Russel Crowe, La promesse d'une vie.
Ce vendredi 24 avril, la Turquie du président Recep Tayip Erdogan avait organisé en grande pompe les célébrations du centenaire de la bataille des Dardanelles qui débuta le 25 avril 1915 pour s'achever le 9 janvier 1916. La célébration était vouée à la réconciliation . Une vingtaine de dirigeants du monde entier avaient répondu à l'invitation d'Ankara pour honorer le souvenir des soldats de l'Empire ottoman, de l'Empire britannique et de la République française tombés pendant cet épisode, l'un des plus meurtriers de la Première Guerre mondiale.
Sur les rives du détroit des Dardanelles, se sont retrouvés à côté d'Erdogan, le prince Charles, héritier de la Couronne britannique, et les Premiers ministres d'Australie et de Nouvelle-Zélande. «Tous les soldats ayant participé à cette bataille méritent d'être commémorés avec respect et bravoure», a lancé le chef de l'État Recep Tayyip Erdogan. «Nous avons fait la guerre il y a 100 ans, mais nous voici ici réunis pour bâtir ensemble la paix en rejetant la rhétorique de la haine», a renchéri son Premier ministre Ahmet Davutoglu.
Ce message de paix a été brouillé en France par la position d'Ankara sur le génocide arménien que la Turquie refuse toujours de reconnaître. Du coup, le Président français, François Hollande comme de nombreux chefs d'Etat dont Vladimir Poutine a boudé l'invitation de la Turquie et préféré Erevan pour rendre hommage aux centaines de milliers d'Arméniens massacrés par l'Empire ottoman à partir du 24 avril 1915. Pour la Turquie, commémorer Gallipoli permettait d'occulter le génocide arménien.
METAMAG
Commentaires
Etrange cet oubli du rôle de premier plan joué alors par le général allemand Liman von Sanders , d'autant qu'il appartenait à " la race élue " .
Les excellentes idées de Sir Winston sont à l'origine de la situation sans espoir de l'Europe .
Sir Winston , notre fossoyeur . Il en est encore parmi nous qui prennent le sinistre poivrot pour un homme d'Etat .
feu mon grand-père paternel , avait participé à cette opération , le navire qui le transportait lui et ses camarades fut torpillé , il se retrouva à la baille avec bien d,autres . .!!
revenu de la guerre en 1919 , avec blessures et médailles , il dût se battre pendant des années pour avoir droit à une petite pension suite à ses blessures .
je salue ici sa mémoire , ainsi que celles de ses camarades tombés à Gallipoli. .!!
salutations.
Hommage à votre grand-père et à ses compagnons d'armes
A Parvus : nous avons un point commun (avec beaucoup d’autres Français) : mon grand-père est mort aux Dardanelles le 1er juillet 1915. Il partit pour les Dardanelles le 24 décembre 1914, fit une halte à Tunis le 31 décembre et arriva aux Dardanelles en mars-avril 1915. Il y fut gazé en juin car les Allemands, sous les ordres de Fritz Haber envoyèrent les gaz asphyxiants. Grièvement blessé, il mourut sur le transporteur Tchad ; mais le nombre de morts étant trop élevé, le commandant du Tchad fit jeter les cadavres dans la Méditerranée (aujourd’hui, c’est très courant, banal) ! Et ma grand-mère ne vit jamais son corps. On lui remit des médailles (on les épingla sur la poitrine de ma mère, âgée de 8 ans), mais ma grand-mère ne reçut jamais de pension. Cette opération fut un désastre et en août 1916 une commission d’enquête s’ouvrit à Londres pour en déterminer les causes. Churchill qui avait décidé cette opération, y comparut. Mais par chance, Lord Kitchener avait été tué en juin 1916 par un mine, et la responsabilité du désastre lui fut attribuée à si bien que Churchill échappa à toute condamnation.