« Le cinéma est venu quand le monde moderne
a commencé à tout détruire, les contes et légendes,
les paysages, les danses folkloriques, les cadres de vie,
tout ! Cette industrie artistique a aidé à comprendre
(même si elle a parfois caricaturé ou recyclé)
la beauté du monde ancien, tellurique et agricole
qui allait disparaître… »
Entretien avec Nicolas Bonnal, auteur de Le paganisme au cinéma (éditions Dualpha)
(propos recueillis par Fabrice Dutilleul).
Pourquoi ce livre ? Par goût du paganisme ou du cinéma ?
Par cinéphilie ! J’étais un jour dans un bus au Pérou, à 4600 mètres, tout près d’Ayacucho. On projetait un film à la télé à bord, et les jeunes indiens se sont comme arrêtés de vivre. Ils ont fusionné avec le film. C’était L’Odyssée. Je me suis dit alors : il y a quelque chose de toujours vrai et de fort ici, puisque les descendants des Incas adorent cette épopée et les voyages d’Ulysse.
Et vos références ?
Je suis un vieux cinéphile et j’ai toujours aimé les films à forte résonnance tellurique ou folklorique. Jeune, j’adorais Excalibur ou Apocalypse now. On se souvient que le colonel Kurtz lit Jamie Weston et Le Rameau d’or. Ensuite, j’ai découvert dans un ciné-club à Grenade (merci Paco !) le cinéma japonais, dont le contenu païen est très fort, avec Inagaki et, bien sûr, Kurosawa. Puis, je me suis plongé grâce à ma belle-famille dans le cinéma populaire soviétique qui s’inspire des contes de fées (skaska) et des récits de chevaliers (bogatyr) ; les grands maîtres sont Rou et Ptouchko. Dans ce cinéma d’ailleurs, des femmes inspirées ont joué aussi un très beau rôle tardif. Voyez la Fleur pourpre (Belle et Bête revisitées) de mon amie Irina Povolotskaya.
Il y a une tonalité nostalgique dans tout le livre.
C’est une des clés du paganisme. Il était lié à une civilisation agricole qui a disparu. Relisez Ovide ou Hésiode. Il est aussi lié à une perception aigüe de la jeunesse du monde. Dans ce livre, on regrette le cinéma muet, expressionniste, le cinémascope, les grands westerns, le cinéma enraciné des Japonais, à l’époque où il y a encore une agriculture avec ses rites. Tout cela est parti maintenant, et on regrette les âges d’or et même la nostalgie évanouie. C’est évident pour le cinéma français des années 30 à 50. On pleure en pensant Pagnol, Renoir, Duvivier. Regain, le Fleuve et Marianne sont des hymnes au monde, quand la France était encore de ce monde.
Il y a aussi une tonalité mondialiste !
Pas mondialiste, mais mondiale. C’est beau d’aimer le monde. On ne peut se limiter à connaître le cinéma américain parce qu’on est colonisé culturellement, ou notre seul cinéma français. Donc vive le Japon, l’Allemagne de Weimar, la Russie enracinée de la Grande Guerre patriotique ! En se basant sur des données traditionnelles, on voit les troncs communs de la spiritualité païenne, qu’on a tant oubliée depuis.
Et le paganisme proprement dit ? Comment le considérez-vous ?
C’est ici une affaire de sensibilité et de culture, pas de pratique religieuse… les héros, l’aventure, les mythes, le crépuscule, l’âge d’or : tout cela donne ses lettres de noblesse au cinéma, avec les couleurs du cinémascope et les cheveux blonds des héros russes. Le paganisme est la source de toute la littérature populaire d’aventure et donc du cinéma. On ne peut pas comprendre Jules Verne ou Conan Doyle si l’on n’est pas au fait de ces croyances, de cette vision poétique du monde.
Vous avez partagé votre livre en cinématographies ?
Pas tout à fait. J’étudie bien sûr les grands moments du cinéma russe ou japonais, ceux du cinéma allemand muet ou moderne (de Fritz Lang à Herzog), les beaux moments du cinéma français (Renoir, Rohmer, Duvivier…). Puis je reviens au cinéma américain, via les grands classiques du western et de la comédie musicale (Brigadoon) et le beau cinéma orangé des années 70. Et je commence mon livre par un aperçu de notre culture païenne expliquée par les spécialistes et réintégrée dans la culture populaire depuis le romantisme !
Si le sujet de ce livre est le paganisme, quel en est l’objet ?
Connaître des cinématographies, les comprendre et les aimer. Le cinéma est venu quand le monde moderne a commencé à tout détruire, les contes et légendes, les paysages, les danses folkloriques, les cadres de vie, tout ! Cette industrie artistique a aidé à comprendre (même si elle a parfois caricaturé ou recyclé) la beauté du monde ancien, tellurique et agricole qui allait disparaître. Le cinéma japonais est magnifique dans ce sens jusqu’au début des années soixante. Et donc l’objet de ce livre est de pousser la jeunesse à redécouvrir l’esprit de la Genèse, la nature, les animaux, les cycles, les hauts faits, les voyages et les grandes aventures initiatiques. Les romains, dit déjà Juvénal dans ses Satires, connurent le même problème, les enfants ne croyant même plus aux enfers ! C’est un livre sur la poésie de la vie et des images qui nous aident à l’affronter aux temps de l’existence zombie et postmoderne.
Quelques films pour commencer ?
Ilya Murometz de Ptouchko. Kochtchei de Rou. Les Trois Trésors d’Inagaki. Les Nibelungen de Fritz Lang. Le Fleuve de Renoir.
Pourquoi toujours ce Fleuve ?
Parce que c’est l’eau, c’est Héraclite et son fleuve où l’on ne se baigne pas deux fois. C’est le chant des bateliers aussi. C’est le Gange avec vie et mort. C’est l’éternité du monde avant l’industrie. C’est la famille aussi. Et c’est la nostalgie.
Le paganisme au cinémade Nicolas Bonnal, 354 pages, 31 euros, éditions Dualpha, collection « Patrimoine du spectacle », dirigée par Philippe Randa.
BON DE COMMANDE
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Commentaires
Je ne suis pas cinéphile, mais je partage sa nostalgie du paganisme, qui n'a rien à voir avec les caricatures qu'on en fait, ni avec certaines clowneries "new age" ou druidiques (au demeurant pas très dangereuses !). S'il est un domaine où le paganisme (et le panthéisme) est omni présent, c'est dans les arts, et principalement la poésie et tout ce qui célèbre la fusion de l'homme avec la nature.
La plus vieille religion de l'Europe n'est pas complètement morte "…les dieux païens, croyez-vous qu'on puisse les mépriser ? Le catholicisme en porte l'empreinte, par ses saints, ses chapelles et ses miracles…" ALAIN
J'ai également retrouvé cette belle citation de CHESTERTON : "Le paganisme est une tentative pour atteindre les divines réalités sans le secours de la raison, et par la seule vertu de l'imagination. " Le contraire absolu de l'athéisme moderne !
Relisons l'Edda,la source primordiale.
"C’était L’Odyssée..." : quelle merveille !
A ce sujet, le gauchiasse Tsipras a-t-il encore une goutte de sang grec ?
Pour moi il a trahi le peuple grec avec son référendum. Il ne vaut rien. Il fait honte à son peuple.
il faut bien constater que le cinéma dit Français depuis des décennies ne produits que des M . . . à tendance boboïde de gauche et aussi sociétale , hormis quelques uns . .
je préfère aussi le cinéma muet , celui des années 30 aux années 70 . .
salutations.