Alors qu'ils jouaient "Kiss The Devil", trois assaillants ont fait irruption dans la salle du Bataclan. Récit d'une panique indescriptible.
Par Claire MeynialLa tournée devait les mener dans toute l'Europe jusqu'à Noël, elle prend fin cette nuit. Ce matin, ils reprendront l'avion pour la Californie. Et tant pis pour leur album, Zipper Down (Braguette ouverte). Les membres du groupe de blues rock Eagles of Death Metal, connus pour leur « humour rabelaisien », n'ont pas envie de rire. En pleine nuit, attablés au Baromètre, un café situé au croisement de la rue Oberkampf et du boulevard Voltaire, dans le 11e arrondissement de Paris, ils éclusent les bières et ont encore du mal à comprendre ce qui leur est arrivé, tandis qu'ils jouaient sur la scène du Bataclan.
Il y a là Dave Catching, le guitariste au crâne rasé et à la longue barbe blanche, Matt McJunkins, le bassiste en chemise, fin et souriant, qui jure qu'il n'a pas besoin d'une couverture de survie et dont seule la recherche frénétique de cigarettes trahit la nervosité, et plusieurs autres, dont un costaud aux phalanges tatouées, en quête d'un chargeur pour son téléphone. Ils n'ont pas tout compris quand les assaillants ont fait irruption, mais ils sont persuadés d'avoir entendu qu'ils parlaient d'un « groupe américain ». Ils parlent de ces trois (ou plus ?) jeunes, sans cagoule, qui ont fait irruption dans la salle. Ironie du sort, le titre du morceau qu'ils jouaient alors était « Kiss The Devil » (« Embrasse le diable »). Ils saluent des amis dont ils n'étaient pas sûrs qu'ils soient en vie, il y a de longues embrassades. Ils parlent à des fans, frigorifiés dans leur couverture de survie, hébétés. « J'ai attendu pendant deux heures dans une salle bondée, nous étions 40, j'ai transpiré, je suis trempée, je suis enceinte et j'ai froid », raconte doucement une jeune femme, en s'enroulant dans la sienne. Son compagnon la prend par la taille pour l'accompagner à la sortie, le dos de sa chemise est taché de sang.
On est passés par un Velux, sur le toit
Les membres du groupe ont compris très vite ce qui leur arrivait, même si, comme d'autres, ils ont cru pendant une fraction de seconde à des pétards. Ensuite, ils disent avoir attendu 2 h 30 avant d'être secourus. « Vous avez remarqué qu'ils disaient : Prenez les guitares et les amplis ? » demande une survivante. Non, ils n'ont pas compris. Personne ne comprend. Ils ne veulent qu'aller dormir, même s'ils pensent qu'ils ne pourront pas. Une autre survivante raconte comment elle s'est retrouvée, avec 70 personnes, dans le local technique. Et qu'entre deux rafales de kalachnikov, elle a suivi quelqu'un qui lui disait qu'il y avait une possibilité de s'enfuir, elle ne sait même pas comment elle a couru.
Dehors, boulevard Richard Lenoir, des silhouettes enveloppées de doré tentent de retrouver leur voiture, de rentrer chez eux. Une femme accompagnée de son compagnon n'en revient toujours pas. « Le concert avait commencé depuis une demi-heure, c'était tellement joyeux. On était à droite de la fosse, on a suivi un vigile. On a vu des corps tomber des balcons… On est montés à l'étage. Et là, on a compris qu'il n'y avait pas d'issue de secours, qu'on était faits comme des rats. On est passés par un Velux, sur le toit, on était une quarantaine. Il y avait un blessé à l'épaule, il saignait énormément, il avait aussi une éraflure au ventre, on a dit qu'il fallait l'évacuer très vite. Entre les premières rafales et l'évacuation, qui s'est faite en même temps que l'assaut, on a attendu deux bonnes heures. Et maintenant, on voudrait rentrer chez nous. » Plus loin, Grégoire, Thomas et Nicolas, trois copains, sortent aussi, ils disent ne même pas être fatigués, être encore sous le coup de la montée d'adrénaline. « On s'est séparés à un moment, mais dans nos textos on s'est pas demandé où on était, juste : Vous êtes vivants ? On était au balcon. Quand les coups de feu ont retenti, on a trouvé une porte qui donnait sur les loges, on est descendus. Les gars, ils sont arrivés par l'entrée, ils ont tué tout ce qu'il y avait au niveau du bar, des stands de tee-shirts. Vu d'en haut, il y avait des mouvements de foule, ça faisait comme un champ de blé quand il y a du vent. Entre les morts qui tombaient, les blessés, les vivants qui se plaquaient à terre… On a eu un bol pas possible. C'était une scène d'horreur, on n'a pas trop regardé quand on est sorti, mais il a bien fallu enjamber des cadavres, des flaques de sang et d'autres choses… »
Les survivants évacués dans des bus
Les survivants sont évacués dans des bus, qui doivent, pour certains, les amener quai des Orfèvres. « Nous allons passer parmi vous et vous demander si vous avez vu des choses », les prévient la police. Ils répartissent les survivants, qui parlent aussi à des membres de la Croix-Rouge. Comme les autres, les Eagles of Death Metal cherchent leur bus, ils rêvent de leur hôtel. À quelques mètres de là, devant le café La Royale, au coin de la rue des Filles du Calvaire et de la rue Commines, les télés font leurs derniers directs. Devant une basket rouge en tissu, oubliée dans une flaque de sang.
Commentaires
J’espère que ce récit sera lu par beaucoup de Français qui continuent à voter pour l’UMPS, grand responsable de ce carnage, car ce récit donne un avant goût de ce qui les attend quand ils seront devenus minoritaires dans leur propre pays. Espérons qu’ils comprendront et qu’ils cesseront de voter pour ceux qui veulent leur disparition !
Là le "death metal" était de calibre 7.62 !