12/02/2016 – FRANCE (NOVOpress)
La scène, racontée par Barrès dans L’Appel au Soldat, est inoubliable. Le parti boulangiste en complète déroute au premier tour des élections municipales de 1890, les animateurs du Comité politique vont en délégation à Jersey, où Boulanger s’est enfui parce qu’il avait peur d’être arrêté. Ils veulent convaincre le Général Revanche de rentrer en France : « Son arrestation sensationnelle peut seule galvaniser les électeurs pour le second tour. Son procès, où nous serions impliqués, ressusciterait le parti. » Ils plaident en vain pendant des heures : Boulanger refuse de quitter son confortable exil, auprès de la femme qu’il aime. « Dieu lui-même, vous m’entendez, messieurs, viendrait me chercher que je ne rentrerai pas ». C’est alors que Déroulède, désespéré « et peut-être heureux de blesser », jette au héros déchu :
Général, on vous sait le courage militaire, mais vous manquez du courage civil.
Il était difficile de ne pas penser à ce mot terrible en voyant des généraux en retraite se hâter de prendre leurs distances avec le général Piquemal, puis surtout, hélas, en écoutant les palinodies du général Piquemal lui-même. Le grotesque (quand le brave général explique s’être trouvé à la manifestation de Calais par « une rencontre fortuite ») l’y dispute à l’odieux (quand il dénonce comme « racistes, xénophobes, islamophobes », « extrêmement intolérants voire un peu fascistes » ceux qu’il avait encouragés à manifester derrière lui). Mais le sommet de la lâcheté est ce mensonge délibéré, ce déni froid et conscient, de ses propres propos et de la réalité – à Jean-Jacques Bourdin qui lui reprochait d’avoir parlé « d’immigration de peuplement et de remplacement » : « On est très loin du Grand Remplacement, c’est une évidence ».
Que le général Piquemal ait des circonstances atténuantes, c’est possible. Des hommes plus âgés que lui, et qui couraient infiniment plus de risques, ont pourtant été capables de tenir tête à leurs accusateurs et de transformer leur procès en tribune. Maurras avait soixante-seize ans quand il lançait à « Monsieur l’avocat de la femme sans tête » :
La violence n’est pas du tout dans mes paroles, comme il y paraît : elle est dans la situation. La violence, c’est que vous soyez à la place où vous êtes et que je n’y sois pas !
Comme on aurait voulu que le général Piquemal osât tenir de tels propos : osât dire que la violence, la vraie, la seule qui compte, est celle du déferlement migratoire, du génocide organisé des Français de souche.
Une certaine droite, la même qui crie « CRS avec nous », est fascinée par les généraux. Elle devrait pourtant savoir que, en temps de paix, le moyen le plus ordinaire de devenir général, a fortiori général quatre ou cinq étoiles, est de courtiser les politiciens. Le parcours du général Piquemal, successivement membre du cabinet des premiers ministres Rocard, Cresson et Bérégovoy, est typique. Ce n’est certes pas l’indépendance d’esprit qui est recherchée dans ces nominations, ce ne sont pas même, ou assez rarement, les talents militaires. Quand vient l’heure de vérité, on s’aperçoit que les généraux sont nus. Dans les premiers mois de la guerre de 14, il fallut, d’un mot nouveau forgé pour l’occasion, en limoger pas moins de 162, qui avaient été nommés pour leur dévouement aux principes républicains : cent soixante-deux ! L’historien militaire Pierre Rocolle en a tiré un livre, L’hécatombe des généraux. À combien de dizaines de milliers de jeunes Français leur incompétence coûta-t-elle la vie ?
Pareille carrière prépare encore moins au devoir de désobéir. Le chapitre consacré au putsch d’Alger dans les souvenirs du colonel Argoud (La décadence, l’imposture et la tragédie) est – quoi qu’on puisse penser, avec le recul du temps, du fond de la question –, accablant à cet égard. Il y décrit « ces nombreux officiers généraux de l’armée française, dont la prime attribuée par le régime au manque de caractère a favorisé la carrière et qui ne s’imposent que par leurs insignes de grade. » Quelques retraités sauvèrent alors l’honneur des généraux, mais ils furent bien peu nombreux. S’en retrouverait-il au moins autant aujourd’hui ? Ce qu’on a vu ces derniers jours n’incite guère à le penser.
Certains journaleux s’excitent tout seuls à faire trembler le bobo en évoquant tout de go, à propos du général Piquemal, le spectre du militaire putschiste. Croient-ils vraiment à ce qu’ils écrivent ? Putschiste bien plausible, vraiment, que le général Piquemal ! La vérité est qu’un putsch militaire pour arrêter l’invasion est encore moins probable que la victoire de Marine Le Pen à la présidentielle de 2017. Le système, s’il n’avait que cela à craindre, pourrait dormir tranquille.
L’histoire de France, pourtant, n’est peut-être pas terminée. Lorsque le peuple aura compris qu’on l’amuse, qu’aucun général ne sortira de sa retraite pour le sauver et que le système électoral est verrouillé, qui peut assurer que ne s’accomplira pas la menace – puisque l’on tient à évoquer la guerre d’Algérie –, de Michel Debré en 1958 :
Nos dirigeants, prenez garde qu’au jour du désespoir et de la honte, le jour où nous aurons bu le calice jusqu’à la lie, ne naisse un FLN français !
Flavien Blanchon
Commentaires
Un horrible soupçon me vient à l'esprit,à savoir que dès le départ,il y avait connivence entre ce général et le pouvoir dans une nouvelle mise en scène destinée à déconsidérer ceux qui s'opposent aux envahisseurs.
Je vous avoue que c'est ce que je pense personnellement.
la pseudo action et intervention du Gal n,est plus qu,à jeter aux oubliettes . . .!!
salutations.
Ce Général Piquemal aurait fait partie de la charrette des 162 généraux limogés en 1914 parce que nommés sur la seule base de leur soumission aux "valeurs républicaines".
Son sketch à Calais, invitant la police à chanter la Marseillaise, n'était que de l'esbroufe pour les caméras !
La résistance qui se renforcera contre l'invasion sera plus discrète et plus terrible ! Relisons la citation de Michel Debré !