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Quatre jours à peine après une décision de justice validant l'évacuation d'une partie de la «jungle» de Calais, l'État en a entamé lundi le démantèlement du bidonville, sous haute protection policière et dans un climat de tension.
Devant les affrontements, l'opération a dû être suspendue en fin de journée.
En soirée, quelque 150 migrants, certains armés d'une barre de fer, se sont introduits une heure durant lundi soir sur la rocade portuaire jouxtant la «jungle» de Calais, lançant des pierres ou tapant sur des véhicules en partance vers l'Angleterre. A 19h45, la police avait repris le contrôle de la rocade, jonchée de débris, et l'accès au port depuis l'A16 a été fermé.
Plusieurs camions et voitures ont été bloqués par les migrants sur ce tronçon surplombant une bande de terre de 100 m auparavant incluse dans le périmètre de la «jungle», et rasée en janvier à l'initiative de l'Etat. De nombreux migrants se trouvaient également sur cette portion. Les forces de l'ordre, d'abord présentes en nombre réduit, ont répliqué par des tirs dissuasifs de gaz lacrymogène. La circulation restait néanmoins perturbée.
Des abris de fortune démontés tôt le matin
Une vingtaine de salariés d'une entreprise de travaux publics se sont activés tôt lundi matin dans la partie sud de la «jungle», là où vivent de 800 à 1000 migrants selon la préfecture, mais 3450 selon les associations.
Sous un soleil radieux mais par un vent glacial, ils ont commencé à démonter à la main les abris de fortune, tentes ou cabanes, vides pour la plupart, se débarrassant d'objets divers dans de grandes bennes : planches, cartons, éléments de charpente…
Quatre nouvelles interpellations
Cette opération se déroule sur une zone de 100 m sur 100 m, dûment quadrillée par les forces de l'ordre. Plus de trente véhicules de CRS et deux camions antiémeutes ont été mobilisés à l'entrée ouest du camp. Après une matinée plutôt calme, la situation s'est tendue en début d'après-midi : à la suite d'un départ de feu de cabanes, des projectiles ont été lancés sur les CRS par des migrants et No Border — 150 personnes, selon la préfecture —, qui ont riposté en faisant usage de gaz lacrymogène. Quatre personnes -trois militant No Border et un migrant- ont été interpellées suite à ces incidents. Cinq CRS ont été blessés, d'après le site du «Soir».
Vers 17 heures, le démantèlement a dû être interrompu à cause des violences, précise La Voix du Nord. En tout, une dizaine de cabanes ont brûlé et des bonbonnes de gaz ont explosé.
Le déploiement des forces de l'ordre visait «à sécuriser le travail de l'entreprise» chargée du déblaiement, mais aussi à «permettre aux maraudeurs de travailler sereinement», pour «que les migrants ne soient pas sous le joug des activités de No Border», avait expliqué le préfet du Pas-de-Calais, Fabienne Buccio, présente sur les lieux.
Les «maraudes sociales» de la préfecture, qui tentent de convaincre les migrants de quitter la «jungle» pour rallier l'un des 102 centres d'accueil et d'orientation (CAO) disséminés en France ou rejoindre le Centre d'accueil provisoire (CAP) composé de conteneurs chauffés, ont en effet été sérieusement perturbées vendredi par ces militants radicaux œuvrant à l'abolition des frontières, au lendemain du feu vert du tribunal administratif validant l'évacuation d'une partie du camp. Ils avaient notamment tenté d'empêcher certains migrants de prendre place dans les bus requis pour leur acheminement en CAO.
Les associations surprises par l'ampleur du dispositif policier
L'intervention a visiblement surpris les associations : «Nous n'étions pas au courant de cette opération d'ampleur. Nous ne pensions pas que ça allait se faire avec autant de force de police. C'est d'une tristesse infinie de voir ce gaspillage du travail que nous avons réalisé depuis des mois. Ces gens veulent rejoindre la Grande-Bretagne et ne partiront pas et seront encore plus précarisés, surtout en plein hiver», a dénoncé Maya Konforti, une représentante de l'Auberge des migrants.
«Ces opérations de mise à l'abri, de maraudes sociales et d'enlèvement des logements inoccupés vont se poursuivre durant plusieurs semaines», a indiqué la préfecture, qui avait parlé jeudi d'«un mois, peut-être plus». Jeudi, le gouvernement, qui veut démanteler le plus grand bidonville de France où survivent entre 3700 et 7000 migrants selon les sources, avait obtenu gain de cause auprès de la justice administrative pour une évacuation de la zone sud camp, contestée par migrants et associations, mais les autorités avaient immédiatement assuré qu'elles n'entendaient pas recourir à la force.