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Alain de Benoist : « Les journalistes ne sont pas les victimes de la censure mais les vecteurs »

 

 

Alain de Benoist , auteur, essayiste, éditorialiste à Éléments, directeur de Krisis et Nouvelle École ♦

Entretien réalisé par Nicolas Gauthier

Nicolas Gauthier : La presse, en France tout au moins, se porte de plus en plus mal. Pourquoi ?
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Alain de Benoist : La mauvaise santé de la presse, longtemps maintenue sous perfusion étatique et subventions publicitaires, est aujourd’hui à peu près générale : baisse du tirage et de la diffusion, plans sociaux et licenciements, réductions de la pagination, cessions de titres, concentrations tous azimuts. Avec l’explosion du numérique, les gens lisent de moins en moins. Mais la principale raison de la crise est que la presse est discréditée. Les gens ne croient plus ce qu’ils lisent, parce qu’ils constatent un trop grand écart avec ce qu’ils constatent autour d’eux. Ils ont cessé de croire les journalistes comme ils ont cessé de croire les hommes politiques. Alors, ils arrêtent de lire – sans pour autant cesser d’être vulnérables. Dans L’Enracinement, Simone Weil écrivait déjà : « Le public se défie des journaux, mais sa méfiance ne le protège pas. »

La France n’arrive plus qu’en 45e position au classement sur la liberté de la presse publié depuis 2002 par Reporters sans frontières (RSF), où l’on n’hésite plus à parler de « disparition du pluralisme ». Cela vous étonne ?
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Autrefois, la pensée unique, c’était un journal unique publié sous le contrôle d’un parti unique. Aujourd’hui, même s’il ne faut pas généraliser (il y a toujours des exceptions), il y a une foule de journaux, mais qui disent tous plus ou moins la même chose. On peut en dire autant des chaînes de radio ou de télévision. L’emprise déformante des médias résulte en grande partie de cette unicité de discours, qui trouve son parallèle dans le recentrage des discours politiques. La raison en est que la plupart des journalistes appartiennent au même milieu, où l’information, la politique et le show-business s’interpénètrent. Ils y multiplient les relations incestueuses, si bien que leurs opinions, plus ou moins identiques, se renforcent mutuellement.
Nous ne sommes plus, par ailleurs, à l’époque où les journaux étaient dirigés par des journalistes, et les maisons d’édition par des éditeurs. Aujourd’hui, les grands journaux sont dirigés par des banquiers, des hommes d’affaires, des industriels de l’armement, tous personnages qui ne s’intéressent à l’information que parce qu’elle leur permet d’orienter les esprits dans un sens conforme à leurs intérêts. L’homogénéité mentale des journalistes est en adéquation avec les bases matérielles de la production. Le pluralisme n’est plus, dès lors, qu’affaire d’apparence. Un seul exemple : au cours de son récent voyage en Israël, Manuel Valls était interviewé par quatre journalistes différents (Paul Amar, Christophe Barbier, Laurent Joffrin et Apolline de Malherbe) représentant quatre médias différents : i24news, BFM TV, L’Express et Libération. Or, ces quatre médias ont un seul et unique propriétaire : Patrick Drahi !

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Les gens sont de plus en plus conscients de la désinformation. Mais ils l’interprètent mal. En dehors de quelques désinformateurs professionnels, généralement payés pour faire passer des informations qu’ils savent être mensongères, la grande majorité des journalistes est parfaitement sincère. Elle croit ce qu’elle dit, parce qu’elle est prisonnière de ce qu’elle propage. Les journalistes sont persuadés d’être toujours dans le vrai parce qu’ils sont eux-mêmes victimes des stratégies de persuasion qu’ils relaient.

Il n’y a que la droite la plus ringarde pour croire que les journalistes sont des « gaucho-communistes » ou d’affreux « trotskistes ». L’immense majorité d’entre eux adhèrent en fait à la vulgate libérale-libertaire, ce mélange d’idéologie des droits de l’homme, d’antiracisme de convenance, de « progressisme » niais, de révérence au marché et de politiquement correct. Ils en reprennent tous les mantras, unanimes à condamner le populisme, le protectionnisme, l’identité, la souveraineté, tous persuadés que les hommes sont partout les mêmes et que leur avenir est de se convertir au grand marché mondial. Résultat : alors que dans la plupart des pays les journalistes sont les premières victimes de la censure, en France ils en sont les vecteurs.

Le journalisme n’est pas un métier facile. Il demande de l’humilité. Aujourd’hui, c’est un surcroît de prétention qui y règne. Il suffit de voir l’arrogance des journalistes face aux hommes politiques et leur complaisance face aux vedettes du star system pour comprendre que l’idée s’est répandue chez eux que la fonction qu’ils occupent leur donne une supériorité intrinsèque sur leurs interlocuteurs et un droit absolu de diriger les consciences. Ingrid Riocreux décrit très bien cela dans son livre, La Langue des médias.

Tandis que la presse papier se vend de moins en moins, les médias alternatifs, de Mediapart à Boulevard Voltaire, connaissent de plus en plus de succès sur Internet. Est-ce à dire que l’avenir de la « réinformation » passe par le numérique ?
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Marcel Proust écrivait, dans Jean Santeuil : « Les journalistes ne sont pas seulement injustes, ils rendent ceux qui les lisent injustes. » La contre-information, ou réinformation, que l’on trouve sur Internet constitue certes un utile contrepoids au « faux sans réplique » (Guy Debord) de la propagande officielle. Mais ce contrepoids s’exerce trop souvent par recours à une propagande en sens inverse, où le besoin de vérité ne trouve pas son compte. Un parti pris et son contraire, cela fait deux partis pris. Le grand problème des médias alternatifs est que, sur Internet, il n’y a pas de responsabilité de la part de ceux qui écrivent, et que le scepticisme peut y être facilement exploité par des détraqués : les réseaux sociaux sont un amplificateur naturel de fausses nouvelles. La « réinfosphère » vise à satisfaire ceux qui refusent la partialité des médias dominants, mais elle ne donne pas plus que les grands médias la possibilité de vérifier les informations qu’elle propose. Cela ne peut satisfaire ceux qui aspirent, non pas seulement à trouver quelque part le reflet de ce qu’ils pensent, mais à l’existence d’une vraie presse d’information.

(merci à Dirk)

Commentaires

  • "Un démocrate de la vieille école n’exigera plus la liberté de la presse, mais la réclamera à la presse." Oswald SPENGLER

    Excellent article d'AdB qui démasque le caractère totalitaire du "Régime" et de la quasi totalité de la presse à son service.
    Je suis d'accord avec ce qu'il dit sur l'adhésion de la plupart des journalistes à la vulgate libérale-libertaire. 'Robert Ménard, JY Le Gallou et Guillaume FAYE (entre autres) disent la même chose, ce qu'une "droite ringarde" (SIC) prisonnière de son inculture politique et de ses schémas de pensée obsolètes n'est pas en état de comprendre (la droite justement nommée "la plus bête du monde", représentée par l'UMP principalement)
    Mais il y a l'épaisseur d'une feuille à cigarettes entre les deux idéologies.

    "Je regarde vraiment avec commisération la grande masse de mes concitoyens qui, lisant les journaux, vivent et meurent dans la croyance qu’ils ont su quelque chose de ce qui s’est passé dans le monde à leur époque." Thomas JEFFERSON

  • J'aime bien cette image de Tintin "ose désigner l'ennemi" car irrésistiblement cela me fait penser à Alain Escada,je m'étonne seulement de ne pas voir apparaître Milou,c'est un éloge.

  • Il n'y a qu'un seul hebdomadaire courageux et inflexible, bien sûr attaqué de toutes parts, même ici, qui crie chaque semaine les noms et origines de ceux qui martyrisent la France.
    Ses chroniqueurs, Bourbon, Peltier, Reeves, Camus, Spieler, Fromentoux... doivent être soutenus même s'ils paraissent durs pour le FN de Marine et des autres.
    Je voterai quoi qu'il arrive pour le front National mais je garde toute ma confiance à RIVAROL auquel je suis abonné depuis de très nombreuses années.

  • Camille GALIC, l'ancienne directrice de RIV, avait sans cesse des procès parce que "non politiquement correcte" dans ses écrits. Mais Bourbon n'en a pas... C'est curieux.

    J'étais moi aussi abonnée depuis longtemps à Rivarol. Mais ce n'est plus le même hebdo.

    Qui finance Bourbon? Rivarol ne vit pas que de ses abonnements. Un conseil: ne soyez pas trop naïf.

  • ADB se trompe, c'est bien le troskisme qui est aux manettes. Bien sûr il a d ' autres formes, mais le fond est le même.
    Et non l' idéologie " libérale - libertaire ". Qui a t il de libéral et de libertaire dans l ' idéologie de la pensée unique qui persécute ses opposants.
    Pour ma part j'ai toujours trouvé les discours d ' ADB d ' une platitude effarante. Il s ' est toujours soigneusement gardé de mettre en cause les véritables auteurs de la mise en place de la dictature en Europe et donc des raisons de sa mise en place. Il parle de mise en place d ' " un grand marché mondial ". Quel rapport obligatoire entre le " grand marché mondial " et la dictature de la pensée unique ?
    Et il considère " Mediapart " de Plenel comme un média " alternatif " donc d ' opposition au système....

  • je ne pense pas être trop naïf ni naïf.
    Il n'y a qu'à aller voir ici par exemple pour connaître les procès faits à Rivarol et Bourbon.

    https://www.google.fr/webhp?hl=fr&gws_rd=cr&ei=uxSCV5TnLs6Ta4agpvgK#hl=fr&q=proc%C3%A8s+rivarol

    De quoi vit Rivarol? certainement pas des subventions d'état distribuées généreusement à la plupart des journaux et même, tant mieux pour lui, à Présent.
    Le Rivarol d'aujourd'hui doit vivre de ses abonnés, comme du temps heureux de C. Galic, et peut-être peut-on présumer de quelques aides particulières faîtes par des patriotes qui, comme vous et moi, désespèrent de voir l'état actuel de la France.
    Ne nous tirons pas dessus les uns les autres! l'ennemi plus fort de jour en jour s'en chargera bien...

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