Par Delphine de Mallevoüe
Mis à jour le 23/12/2016 à 19h50
Le Conseil d'État vient de contredire l'interdiction prononcée en 2014 par le tribunal administratif d'appel de Paris.
Condamnées au silence par la justice depuis près de trois ans, les cloches de l'église de Boissettes, une bourgade de Seine-et-Marne de 450 habitants, vont à nouveau pouvoir sonner les heures civiles. La justice vient de rendre aux sonneries litigieuses leur légalité, après dix ans de procédure.
L'affaire remonte à 2006, date où un couple de citadins, installé depuis 2004 dans le village, face à l'église, porte plainte. Les néoruraux découvrent que leur rêve de campagne sur papier glacé a, en s'incarnant dans la réalité du terroir, plus de relief que prévu, qu'aimer la vie des champs sans ses parfums, le bruit de ses coqs ou de ses ragots, c'est compliqué.
L'objet de leur gêne: l'outrecuidant clocher du village qui se permet de sonner chaque heure à leurs tympans. Le couple dénonce cette «nuisance sonore» qui «porte atteinte à la tranquillité publique», même si aucun autre habitant ne s'est jamais manifesté pour s'en plaindre, révèle la procédure, et qu'une large part de la population a au contraire signé une pétition pour maintenir les sonneries, avère-t-elle encore.
Le couple poursuit alors la mairie de Boissettes qui, en vertu de l'article 27 de la loi de séparation des Églises et de l'État de 1905 et de l'article 50 du décret du 16 mars 1906, a compétence à régler - par arrêté municipal - l'usage des cloches dans l'intérêt de l'ordre public et de concilier ce pouvoir avec le respect de la liberté des cultes. Les époux obtiennent gain de cause devant le tribunal administratif de Melun, par un jugement de juillet 2010. Le clocher ne devra plus sonner les heures, à l'exception de celles «employées dans les cas de péril imminent exigeant des secours immédiats ou prescrites par les lois et règlements».
La municipalité fait appel, fondée à démontrer ce qu'exige la loi en l'espèce: l'existence d'«un usage local» antérieur à la loi de 1905 et d'«un intérêt collectif». Mais la cour administrative d'appel de Paris la déboute le 5 novembre 2013 et ordonne l'arrêt des sonneries au 1er janvier 2014 (nos éditions du 26 mars 2014). D'un tribunal l'autre, les débats donnent lieu à des drôleries. Comme lors de cette plaidoirie de l'avocat des plaignants: «Quand je me promène en montagne et que j'entends les cloches des églises sonner, c'est horrible !», s'était-il outragé devant le juge, alors qu'il est l'auteur d'un traité sur les sonneries des cloches d'église.
Une décision qui fera «jurisprudence»
La mairie de Boissettes ne veut pas en rester là. Son avocat, Pierre de Montalembert, saisit le Conseil d'État, qui, cette fois, donne raison à la municipalité. Le 14 octobre 2015, la plus haute juridiction administrative annule l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris et renvoie l'affaire à cette dernière qui, le 13 décembre dernier, confirme la décision du Conseil d'État. Celle-ci constitue une première car le Conseil d'État avait jugé que «l'usage de sonnerie des cloches n'avait pas nécessairement à être antérieur à la loi de 1905», alors que les premiers juges faisaient valoir que l'usage à Boissettes n'était pas établi avant 1967.
Pour le Conseil d'État, l'«usage local s'entend de la pratique régulière et suffisamment durable dans la commune, à la condition que cette pratique n'ait pas été interrompue dans des conditions telles qu'il y ait lieu de la regarder comme abandonnée». Or, juge-t-il, «aucun élément n'a permis de penser à quelque moment que ce soit que cet usage aurait été interrompu». C'est donc «à tort», selon le Conseil d'État, que le tribunal avait jugé qu'«un usage local des sonneries civiles ne pouvait procéder que d'une pratique qui existait lors de l'entrée en vigueur de la loi de 1905».
Une décision «importante» qui «fera jurisprudence pour les affaires similaires», se réjouit un élu qui a été confronté à cette question dans son village. Désormais, «il ne sera plus nécessaire de prouver un usage antérieur à 1905», dit-il.
«C'est une vraie victoire juridique, confirme un proche du dossier, mais aussi un joli cadeau de Noël pour les habitants du village de Boissettes». De son côté, Bernard Fabre, l'actuel maire de la commune, avoue sa «grande satisfaction de retrouver ces cloches qui rythment notre quotidien et font notre identité rurale. Elles font partie de notre patrimoine, sentimental aussi».
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 24/12/2016. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
Commentaires
Il faut mettre en quarantaine ces bobos néo ruraux qui ne supportent pas les traditions et les coutumes qu'on rencontre dans des dizaines de milliers de villages de France et il faut leur pourrir la vie ! Qu'ils retournent d'où ils viennent et cessent de faire chier leur monde !
Bravo à ce maire pour sa ténacité qui a fini par payer ! Puisse-t-il servir d'exemple à beaucoup de ses collègues, mous, indifférents ou soucieux pour leur réélection de ne pas faire de vagues. Ces maires là sont majoritaires aujourd'hui.
Que ces abrutis de bobos haineux déménagent déménagent à... Clichy-sous-bois ;o)
ces ex-citadins auraient du choisir une île déserte pour s,exiler , bien que le chant des oiseaux des lieux les aurait aussi importuner .
les c. . . restent des c. . .!! fort heureusement ce village va retrouver ses habitudes , grâce aux bons soins de l,équipe municipale .
salutations.