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horst rippert

  • Saint-Exupéry: c'est un as de la Lüftwaffe qui l'a abattu

     

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         Maquette de l'avion de St Ex et débris retrouvés en 2003

    Le journaliste Jacques Pradel et le plongeur marseillais Luc Vanrell lèvent le dernier coin de voile

     Luc Vanrell, le découvreur des débris de l'avion d'Antoine de Saint Exupéry révéle dans son dernier livre l'identité du pilote allemand qui aurait abattu l'auteur du Petit Prince dans la rade de Marseille.

    Il s’appelle Horst Rippert et vit toujours, quelque part en Allemagne. À l’été 1944, il avait 24 ans et déjà plusieurs victoires aériennes à son actif. Affecté au groupe de chasse Jgr.200 de la Lüftwaffe, il faisait partie des rares pilotes encore présents dans le sud-est de la France.
    Le 31 juillet 1944
    , deux semaines avant le débarquement des alliés en Provence, Horst Rippert est en alerte sur l’aérodrome des Milles. À la mi-journée, il reçoit l’ordre de décoller: les radars ont repéré un avion ennemi qui croisait à très haute altitude au-dessus d’Annecy, avant de mettre le cap au sud et de disparaître des écrans.

    Entre Les Milles et Hyères, le jeune pilote allemand ne rencontre personne. Il oblique alors vers Toulon pour rentrer à la base. C’est là qu’il aperçoit un Lightning volant vers Marseille, 3000 m plus bas. Il le suit à distance, le voit amorcer un virage vers le large, puis un autre vers la terre.

    Lino von Gartzen, qui a enquêté avec Luc Vanrell sur la disparition de Saint-Ex, a recueilli les souvenirs du pilote. C’est Horst Rippert qui raconte : "Après l’avoir suivi, je me suis dit, mon gars, si tu ne fous pas le camp, je vais te canarder. J'ai plongé dans sa direction et j'ai tiré, non pas sur le fuselage, mais sur les ailes. Je l’ai touché. Le zinc s’est abîmé. Droit dans l’eau. Il s’est écrasé en mer. Personne n’a sauté. Le pilote, je ne l’ai pas vu. J’ai appris quelques jours après que c’était Saint-Exupéry. J’ai espéré, et j’espère toujours, que ce n’était pas lui. Dans notre jeunesse, nous l’avions tous lu, on adorait ses bouquins. Il savait admirablement décrire le ciel, les pensées et les sentiments des pilotes. Son œuvre a suscité la vocation de nombre d’entre nous. J’aimais le personnage. Si j’avais su, je n’aurais pas tiré. Pas sur lui."

    Ce jour là, Horst Rippert a donc tué son héros, celui qui sans le savoir lui avait donné envie de tutoyer les nuages. C’est en partie ce qui explique les 64 ans de silence qu’il s’est imposé.

    Après la guerre, le jeune pilote se reconvertit. Il devient journaliste et entre à la ZDF, la 2e chaîne de télévision allemande. Il finira par diriger le service des sports. En 1972, il faisait d’ailleurs partie de l’organisation des JO de Münich, au cours desquels un commando de huit palestiniens prit en otage et assassina onze athlètes israéliens. "Vous imaginez ce que serait devenue ma carrière si on avait su ce que j’avais fait pendant la guerre", confiera-t-il à Lino von Gartzen au cours de leurs entrevues pour justifier son mutisme.

    Depuis avril 2004 et l’identification formelle de l’épave du Lightning que pilotait Saint-Ex, Horst Rippert s’attendait à voir débarquer quelqu’un d’un jour à l’autre. Quelqu’un qui lui demanderait : "Que savez-vous de la disparition de Saint-Exupéry ?" C’est désormais chose faite.

    L’enquête

    Un moteur pour seul indice

    Comment Luc Vanrell a-t-il fini par retrouver Horst Rippert ? En 2000, c’est lui qui avait repéré des débris de Lightning par près de 80m de fond, au pied de l’île de Riou. Remontés par la Comex, ils furent identifiés grâce à un numéro de série en avril 2004. Chose étrange : à côté de ses bouts de tôle épars, Luc avait retrouvé un moteur V12. Comme ceux du Lightning de l’écrivain-aviateur. Mais celui-ci appartenait à un Messerschmitt Bf 109.

    D’où l’hypothèse d’un téléscopage entre un chasseur allemand et l’auteur de Pilote de guerre. Ramené à la surface en 2006, l’engin a été envoyé en Allemagne pour identification. C’est Lino von Gartzen, un jeune aristocrate bavarois, fondateur d’une association de recherches d’avions perdus pendant la guerre, qui s’en est chargé.

    Après plusieurs mois de recherches, il a acquis la certitude que ce moteur appartenait à l’avion que pilotait le prince Alexis, fürst von Bentheim und Steinfurt, abattu le 2 décembre 1943 par un chasseur américain qui protégeait les bombardiers lourds chargés de pilonner la base des sous-marins de Marseille. Il tenait ainsi la preuve que Saint-Ex n’était pas mort dans une collision aérienne.

    En Bavière, Lino retrouvera facilement Christian, le frère cadet d’Alexis von Bentheim, qui hérita du titre de fürst à la mort de son frère. Les von Bentheim und Steinfurt sont en effet une des plus vieilles et des plus respectées familles régnantes d’Allemagne. Et son nom un formidable passeport pour ouvrir la porte aux souvenirs des pilotes survivants du Jgr.200, auquel appartenait Alexis.

    Cinq furent identifiés, tous susceptibles d’avoir été en poste en Provence à l’été 44. Lino von Gartzen les a contactés un par un. Jusqu’à Horst Rippert, qui lui lâcha au téléphone "vous pouvez arrêter de chercher, c’est moi qui ai abattu Exupéry."

    (La Provence -15 mars 08)