Au premier jour du « congrès anti-islamisation » organisé ce week-end à Cologne, une foule bigarrée a formé une chaîne humaine, hier, devant le siège du Ditib, le syndicat de la communauté turque en Allemagne. De jeunes étudiantes blondes tiennent la main à des femmes voilées d'origine turque. Des sympathisants communistes fraternisent avec des élus du parti libéral (FDP-centre droit). Quelque 500 personnes se sont ainsi rassemblées, pour protester contre la venue dans leur ville de militants d'extrême droite.
Face à une montée du nationalisme, qui commence à inquiéter en Rhénanie-du-Nord-Westphalie (NRW), le message inscrit sur des dizaines de banderoles se veut très ferme. « Nazis dehors ». « Plus jamais de fascisme, non au fondamentalisme ». « Temple, église, synagogue, mosquée, tout est OK ». « Attention à la peste brune. »
Le mouvement Pro Köln (Pour Cologne), qui dénonce « l'islamisation de l'Allemagne » et en particulier la construction d'une grande mosquée à Cologne, a convié des personnalités européennes de la droite la plus radicale à ce « congrès » dont le point d'orgue sera un rassemblement prévu cet après-midi dans le vieux centre-ville, avec des discours sur le thème de la défense des valeurs chrétiennes.
Les autorités, qui redoutent des heurts, ont déployé 3 000 policiers. Quelque 1 500 militants d'extrême droite et 40 000 contre-manifestants de tous bords sont attendus.
« Idées nauséabondes »
Pro Köln a notamment invité Filip Dewinter, le leader du parti flamand Vlaams Belang, Andreas Mölzer, député européen du parti autrichien FPÖ, l'Italien Mario Borghezio, député européen de la Ligue du Nord, des Britanniques et des Espagnols. Le Français Jean-Marie Le Pen, président du Front national (FN), a, quant à lui, décliné l'invitation. Pro Köln a aussi prévu une visite en bus des quartiers « multiculturels » de la ville, dont il dénonce l'extension.
Formé en 2004 pour lutter contre la construction d'une mosquée, Pro Köln compte 4 élus municipaux à Cologne. Et pourrait entrer au Landtag (Parlement) de NRW lors des élections régionales de 2010. « Le populisme de droite s'exprime aujourd'hui dans un soi-disant soulèvement citoyen, c'est très inquiétant », estime Charlotte Knoblauch, présidente du Conseil central juif allemand.
En réaction, 150 bars de Cologne affichent le slogan « pas de Kölsch (bière locale) pour les nazis ». Des groupes de manifestants « anti-extrême droite » sont rassemblés à chaque halte prévue sur le parcours. Le siège de la Ditib dans le quartier d'Erhenfeld, où doit être érigée la grande mosquée, figure au programme. « Les radicaux d'extrême droite de toute l'Europe se sont donné rendez-vous à Cologne, s'indigne le maire du quartier, Josef Wirges. Il était hors de question que nous les laissions nous scruter comme des animaux dans un zoo pendant leur tournée en bus. Nous sommes venus dire qu'ils n'ont pas leur place ici. Ils utilisent le problème des mosquées et de l'intégration, pour propager leurs idées nauséabondes et reprendre pied dans notre société. Nous sommes ici pour leur barrer la route. »
Le maire chrétien-démocrate (CDU, droite) de Cologne, Fritz Schramma, s'est battu, parfois contre les élus municipaux de son parti pour imposer la grande mosquée. Avec deux minarets de 55 mètres de haut et une capacité d'accueil de 2 000 places, elle sera la plus grande du pays, qui en compte 159 pour 3,4 millions de fidèles musulmans. Les travaux doivent commencer en 2010. Les élus de la CDU jugent que l'édifice, trop visible à leur goût, nuit à l'intégration. Mais ils se démarquent clairement des radicaux de Pro Köln, qui veulent empêcher purement et simplement sa construction. « De même que nous sommes fiers de nos églises et de notre cathédrale à Cologne, nous sommes fiers de notre grande mosquée et de nos synagogues, scande Schramma. La liberté religieuse fait partie de la démocratie. Elle est inscrite dans notre loi fondamentale. Vive la tolérance. »
Le Figaro - 20.09.08