Chronique hebdomadaire de Philippe Randa
Que serait le festival de Cannes sans la propagande politique ? Pas grand chose. Juste du cinéma, sans doute… et alors, cette manifestation à l’origine dédié au 7e Art, qui pourrait-elle bien intéresser ? Quelques millions de spectateurs, à peine… Alors que depuis tant d’années, elle ne cesse de complaire aux Grands Gourous contemporains qui rendent leurs verdicts dans les colonnes du Monde, de Libération ou de Télérama, tout comme Saint Louis rendait la justice sous son chêne de Vincennes… ou peut-être bien est-ce le contraire, les choix de sélections, puis de récompenses étant plus sûrement encore dictés par ces derniers.
Nicolas Bonnal rappelle fort à propos que « le grand critique Jacques Lourcelles, auteur du merveilleux “Dictionnaire des films”, a bien vu la transition dans les années 60, lorsque les festivals ont pris le pouvoir culturel et précipité la disparition du grand cinéma traditionnel, qui conciliait le commerce et la qualité. Lourcelles dénonce des auteurs tels que Resnais, Godard, Leone ou bien Bergman et Antonioni. Depuis, le cinéma a décliné et a perdu même pour notre auteur son innocence et sa candeur.
Chaque année, les jurys du festival de Cannes consacrent un film nul, politiquement correct jusqu’à la caricature, et oublié quelques mois plus tard, alors que toutes les vidéothèques familiales sont pleines de Walt Disney ou de westerns de John Wayne. »(1)
Cette année, la palme d’or a été décerné au film de Laurent Cantet Entre les murs, dans la droite ligne de cette obligation de bien-pensance politique. Il raconte la vie d’un collège dans un quartier difficile et, colossale finesse, est interprété par de « vrais » élèves et de « vrais » professeurs. Aucun d’eux n’est acteur professionnel. C’est donc un documentaire avant tout… et n’aura au moins pas coûté cher, c’est déjà ça !
Ne l’ayant pas vu (sortie en salles seulement le 15 octobre prochain), je me garderai bien d’émettre le moindre jugement sur son intérêt artistique.
Yves Daoudal, éditorialiste de l’hebdomadaire National Hebdo rappelle toutefois(2) que le sujet s’inspire du livre de François Bégaudeau et de son expérience de professeur dans un collège multiethnique. Il cite un passage du livre – un dialogue entre l’auteur et ses élèves – qui laisse pantois. Non, sur le différend portant sur la définition du terme « pétasse », mais sur le « langage » du professeur, identique en tout point à celui du troupeau qu’il a en charge – en tout cas sur le papier – d’éduquer : « Je vous ai pas traité de pétasses, j’ai dit qu’à un moment donné, vous aviez eu une attitude de pétasses, si tu comprends pas ça la différence t’es complètement à la rue ma pauvre. »
Ça y’en a être de la bonne jactance académique, y’à pas !
De mauvais esprits pourraient penser qu’avec des professeurs d’une telle qualité, on comprend mieux l’absentéisme fort élevé dans leurs collèges.
Ah oui, au fait, monsieur Bégaudeau est… professeur de français ! Mais on l’avait deviné.
NOTES
(1) « Cannes ou le scandale permanent », chronique internet disponible sur www.philipperanda.com.
(2) National hebdo, n°1245, 29 mai-4 juin 2008.
© Philippe Randa est écrivain et éditeur (www.dualpha.com). Ses chroniques sont libres de reproduction à la seule condition que soit indiquée leurs origines, c’est-à-dire le site www.philipperanda.com.
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30 mai 2008