Cette élection était le premier test électoral depuis la formation, au niveau fédéral, d'un gouvernement de grande coalition dirigé par le chancelier social-démocrate, Alfred Gusenbauer, allié aux conservateurs. Lors des élections législatives d'octobre 2006, les deux partis placés à l'extrême droite de l'échiquier avaient récolté 15 % des voix, loin des 27 % réunis par Jörg Haider en 1999. Mais les sondages les plus récents attestent d'une nouvelle remontée, créditant les deux formations héritières du FPÖ de M. Haider de 19 % à 20 % des suffrages. Seul le Vlaams Belang, en région flamande, peut prétendre à un meilleur score en Europe.
En 2000, l'entrée du parti de Jörg Haider dans un gouvernement de coalition dirigé par les conservateurs avait soulevé une vague d'indignation en Europe. Si une alliance entre les conservateurs et M. Strache paraît difficile, la situation politique actuelle conduit à une paralysie. La grande coalition est en panne. Et on suppute désormais à Vienne la date d'élections anticipées.
Or, même divisée - Jörg Haider, débordé par l'aile la plus radicale, était sorti du FPÖ en 2005 pour créer une nouvelle formation, le BZÖ -, la droite populiste et nationaliste reste la troisième force politique autrichienne et la première force d'opposition.
SURENCHÈRE ISLAMOPHOBE
Les deux partis rivaux de Heinz-Christian Strache (crédité de 15 % des suffrages par les sondages) et le BZÖ de Jörg Haider (3 à 5 %) se disputent les suffrages d'un électorat essentiellement masculin et de faible niveau d'éducation, touché par la précarité économique. Au niveau du discours, il n'est guère aisé de les différencier. Les deux leaders mobilisent les hantises de l'"homme simple" dont ils se veulent les défenseurs : centralisme européen et corruption des élites, mondialisation, immigration...
Durant la campagne législative de 2006 et l'élection municipale de Graz, la deuxième ville d'Autriche, en 2007, la surenchère islamophobe a atteint des sommets.
"Le FPÖ amalgame avec succès un courant idéologique minoritaire fondé sur une culture d'extrême droite et un populisme d'opposition", selon le politologue Anton Pelinka. Le noyau dur se réfère toujours à une culture extrémiste incorporant des éléments pangermanistes et révisionnistes. Mais le discours officiel, destiné à séduire un électorat protestataire plus vaste, exploite des thèmes populistes. De vieux scandales exhumés éclaboussent la grande coalition, paralysée. Le FPÖ et le BZÖ surfent sur le fort sentiment de frustration des électeurs.
"A la différence de la France et de la Belgique, les hommes politiques autrichiens n'ont pas décrété de cordon sanitaire à l'encontre de la droite populiste et extrémiste", remarque Anton Pelinka. A moins que sociaux-démocrates et conservateurs ne s'accordent pour voter le passage au scrutin majoritaire, ou que les Verts, crédités de 14 % à 15 % des suffrages, créent la surprise, les acteurs politiques autrichiens pourraient se voir contraints de composer à nouveau avec la droite populiste.
Heinz-Christian Strache exclut d'entrer dans une coalition. Mais il pourrait négocier son soutien parlementaire au cas par cas en pesant par sa force électorale.
(Le Monde -20 mars 2008)
A remarquer: les hantises de l'''homme simple". Mais quelles sont les "hantises" de l'homme complexe?