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  • TAREK AZIZ : le silence de la France

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    Tarek Aziz en juin 2008

    Juin 2008

    Tarek Aziz - huit de pique du jeu de cartes du Pentagone - est la personnalité irakienne la plus connue, avec Saddam Hussein. Il est né en 1936 à Tel Keyf, près de Mossoul, dans une famille chrétienne chaldéenne. Peu pratiquant, il se considère comme Arabe avant tout, son prénom ayant été choisi en mémoire de Tariq Ibn Ziad, conquérant de l’Andalousie au 8ème siècle.

    Un nationaliste arabe de la génération 58

    Lecteur dans sa jeunesse d’Hegel, de Marx et de Nietzsche, féru d’histoire arabe, il a adhéré tôt au parti Baas. Fidèle au courant originel dirigé par Michel Aflak, il a été emprisonné un an en Syrie, en 1966, après le coup d’Etat d’Hafez al-Assad.

    Après la Révolution baasiste en Irak de 1968, il a été directeur d’Al-Thawra - quotidien du parti - ministre de l’Information et de la Culture, des Affaires étrangères, et vice-Premier ministre à deux reprises. Il est membre du Commandement régional (irakien) du parti depuis 1974, et du Conseil de Commandement de la Révolution depuis 1977.

    Le 1er avril 1980, il a été blessé lors d’un attentat faisant plusieurs morts à l’Université Moustansirya de Bagdad. Les terroristes d’Al-Dawa, basé à Téhéran, voyait déjà en lui un de ses principaux ennemis.


    Tarek Aziz est un des plus grands diplomates arabes contemporains. Il a été de tous les combats : pour la libération de la Palestine, contre l’apartheid et l’impérialisme américain dans le Tiers monde. Les Anglo-saxons lui reprochent d’être un des artisans de la « politique française de l’Irak ». Il a présidé la Conférence de Bagdad qui réunissait tous les 6 mois plusieurs centaines de partis et d’organisations luttant pour la levée de l’embargo.

    Les Américains ne veulent pas que Tarek Aziz parle des relations irako-américaines sous Reagan et au début du mandat de Bush père. Les Iraniens et leurs alliés miliciens se vengent d’un baasiste emblématique et d’un chrétien indocile

    Le 29 avril 2008, dans le box du Haut tribunal pénal de la Zone verte, le vice-Premier ministre irakien Tarek Aziz est apparu fatigué, malade, amaigri par 5 ans d’incarcération au Camp Cropper, près de l’aéroport de Bagdad . Le juge kurde Raouf Abdel Rahmane, connu pour avoir condamné à mort Saddam Hussein, l’accuse d’avoir participé, en 1992, à la décision d’exécuter 42 grossistes qui spéculaient sur le prix des denrées alimentaires. Ceux qui sont allé à Bagdad cette année là savent dans quelle situation dramatique se débattaient les Irakiens. En raison de l’embargo, le dollar dépassait les 3000 dinars, alors qu’en 1990 il en fallait trois pour avoir un dinar. Les denrées alimentaires et les médicaments manquaient ou étaient hors de prix.

    Cela dit - et quelle que soit l’opinion portée sur la rigueur de la justice irakienne en temps de guerre - il faut préciser que Tarek Aziz ne s’occupait ni des questions de sécurité, ni du commerce. De plus, il n’a pas participé - selon son fils Ziad, réfugié en Jordanie - à la réunion du Conseil de Commandement de la Révolution – organe suprême du pays, dont il était membre - qui a étudié le dossier des grossistes. Le vice-Premier ministre avait en charge les relations internationales et la levée du blocus. Les accusations portées aujourd’hui contre lui ne sont pas crédibles. Personne n’a d’ailleurs jamais déposé de plainte contre lui. Tarek Aziz, dit-on en Irak, « n’a pas de sang sur les mains ».

    Incarcéré dans la « cellule des chiens »

    Depuis sa reddition, en avril 2003, son dossier en justice était vide. Il n’était accusé de crime, périodiquement, que lorsqu’il était question de le libérer pour raisons de santé. Le régime de Bagdad, s’y refusant obstinément, l’a ainsi accusé d’avoir participé à la condamnation à mort, en avril 1980, de l’Ayatollah Muhammad Baqer al-Sadr, fondateur d’Al-Dawa, puis à la répression de complots internes au parti Baas dans les années 70 et 80, et enfin à celle du soulèvement sudiste de 1991, après la première guerre du Golfe.

    Les Américains, véritables organisateurs des procès de Bagdad, ne lui pardonnent pas d’avoir refusé de témoigner contre Saddam Hussein - y compris en échange de sa libération - et son intervention en faveur du Président irakien et des autres accusés au procès.

    Washington craint aussi les révélations qu’il pourrait faire sur les dessous de la politique moyen-orientale américaine du temps de Reagan et au début du mandat de Bush père. Il peut évoquer le scandale étouffé de la BCCI, ou l’Iraqgate avec le détournement de subventions agricoles pour vendre des produits chimiques à double emploi, ou encore le versement de commissions aux partis Républicain et Démocrate lors d’achats massifs de blé ! Les Iraniens et Al-Dawa se vengent d’un baasiste emblématique et d’un chrétien indocile. Abdul-Aziz Al-Hakim, chef du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak, a déclaré que la présence de chiites parmi les commerçants exécutés aggravait son cas.

    Au Camp Cropper, au début de sa détention, Tarek Aziz était enfermé dans une pièce d’un mètre sur deux, appelée « « cellule des chiens », réservée jadis à ceux des services de sécurité de l’aéroport. Malgré ses problèmes cardiaques – il a été hospitalisé d’urgence deux fois - malgré les interrogatoires ponctués d’insultes et de menaces, il n’a pas craqué. En 2005, trompant l’attention de ses gardiens, il a griffonné un appel sur le carnet de Badie Aref, son avocat irakien. Il demandait à l’opinion publique internationale un « traitement équitable, un procès équitable précédé d’un enquête équitable ». Depuis, son avocat a été menacé de mort et s’est réfugié à Amman. Les Américains l’ont informé qu’ils n’assuraient plus sa sécurité et un juge a lancé un mandat d’arrêt contre lui, sous prétexte qu’il ne partage pas son avis sur le soulèvement sudiste de 1991.

    « Que sont mes amis devenus ? »

    L’annonce du procès de Tarek Aziz n’a pas encore soulevé de protestations d’importance au niveau mondial, ni ému, semble-t-il, les personnalités qui faisaient des pieds et des mains pour entrer dans son bureau à Bagdad ou pour le rencontrer lors de ses déplacements à l’étranger. A Paris, sa suite à l’hôtel Meurice ne désemplissait pas de solliciteurs, toutes tendances confondues.

    Nicolas Sarközy, interrogé en janvier 1995 sur la visite à Paris de Tarek Aziz – c'est-à-dire après les faits qui lui sont aujourd’hui reprochés – avait déclaré que la France avait le droit « de recevoir qui elle veut, quand elle veut ». Lionel Jospin, Alain Juppé, Charles Pasqua, l’avaient reçu. Il s’était même entretenu discrètement avec le Président Chirac. Que sont tous ses amis devenus ?

    L’appel lancé en mai 2003 pour la libération de Tarek Aziz par les Amitiés franco-irakiennes, relancé en 2005 par le parlementaire britannique George Galloway, a certes réuni plus de 250 signatures - notamment celles de Jean-Pierre Chevènement et du Président Ahmed Ben Bella – mais il est demeuré sans effet. Un Comité de défense de Tarek Aziz et des prisonniers politiques irakiens a été créé fin avril dernier, sans trop d’illusions sur l’attitude que vont adopter ses « amis » politiques français. Certains - comme Roselyne Bachelot qui présidait le Groupe d’Etudes France-Irak à l’Assemblée nationale - sont aujourd’hui au pouvoir… et bien silencieux.

    La France se tait

    La défense de Tarek Aziz, au niveau international, est assurée par Jacques Vergès. L’avocat a demandé un visa pour s’entretenir avec son client. Il veut faire le procès de l’invasion et de ses crimes. Il mettra en cause la légalité du Haut tribunal spécial, notamment au regard des conventions internationales sur le traitement des prisonniers de guerre. On comprend pourquoi les autorités de la Zone verte – comme on dit à Bagdad – font la sourde oreille à sa demande.

    Quelle que soit la réponse américaine, se posent déjà des problèmes de sécurité. Au procès de Saddam, des avocats ont été menacés. L’un d’eux a été assassiné. Des témoins de la défense, effrayés, ont refusé de comparaître. La France qui a voté, le 16 octobre 2003, la résolution 1511 du Conseil de sécurité avalisant l’occupation de l’Irak, a plus un mot à dire sur ce qui s’y passe depuis. Elle doit veiller, entre autre, au bon déroulement du procès de Tarek Aziz. Le silence du Quai d’Orsay, en la circonstance, signifierait complicité.

     

     

    Source : Michel Collon
    http://www.michelcollon.info/...

     

  • TAREK AZIZ, le visage chrétien de l'IraK

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    Tarek Aziz le 14 juin 1988 à la tribune de l'ONU

    AFP. 28.04.08. Seul chrétien parmi les proches de Saddam Hussein, Tarek Aziz, dont le procès s'est ouvert mardi à Bagdad, a été pendant vingt ans le porte-parole d'un pays d'abord soutenu par l'Occident, puis cloué au pilori.

    Il s'est rendu aux troupes américaines à la fin du mois d'avril 2003, et est incarcéré depuis cinq ans dans une prison américaine proche de Bagdad, en dépit des appels de sa famille à sa libération pour raisons médicales.

    Amateur de havanes et de bons whiskeys, Tarek Aziz, né en 1936 dans une famille pauvre de la région de Mossoul (nord), s'est rapidement imposé, grace à sa parfaite maitrise de l'anglais et à son art de la répartie comme l'avocat infatigable d'un régime de moins en moins fréquentable.

    Il est devenu le visage de l'Irak en guerre lorsqu'il a été chargé par Saddam Hussein de mobiliser le soutien de l'Occident pour le régime laïc bassiste lancé à l'attaque en 1980 de l'Iran, considéré après la révolution islamique comme une théocratie menaçante.

    Aziz, reçu par le président Ronald Reagan à la Maison Blanche, fut alors l'artisan de la reprise des relations diplomatiques entre Washington et Bagdad en 1984. Il s'est ensuite trouvé tout aussi à son aise à Moscou ou à Paris, qui n'ont jamais refusé leur aide au pouvoir qu'il représentait.

    Le rôle de cet homme, de petite taille, au visage carré derrière des lunettes à grosses montures, s'est avéré plus difficile --voire impossible-- après l'invasion du Koweit par l'armée irakienne, en août 1990.

    Erreur stratégique d'un Saddam Hussein privé de la protection de l'URSS qui se désagrégeait alors, cette décision allait marquer le début du naufrage d'un pays que l'histoire et la géographie destinaient à un rôle régional.

    Tarek Aziz est connu pour avoir eu des doutes sur le bien fondé d'un défi aussi direct au nouvel ordre mondial dominé par les Etats-Unis, mais dans l'Irak d'alors personne ne pouvait s'opposer à la volonté du dictateur.

    Et surtout pas ce représentant d'une minorité tolérée, les Chaldéens, dont la loyauté à Saddam Hussein était légendaire et dont la rumeur voulait qu'il se lève chaque fois que le président irakien l'appelait au téléphone.

    Aziz avait rejoint à la fin des années 50 le parti Baas, une organisation clandestine qui combattait alors la monarchie soutenue par les Britanniques, mais également le Parti communiste très puissant en Irak.

    Il était journaliste et s'occupait de la propagande du Baas, sorti de l'ombre en 1963 lors de l'élimination du colonel Abdelkarim Kassem par un putsch de militaires baassistes et nationalistes, alliés contre les communistes.

    Lorsque les baassistes arriveront finalement aux commandes après le coup d'Etat de 1968, Tarek Aziz gravira les échelons du pouvoir pour se retrouver en 1977, siégeant à l'organe suprême, le Conseil de commandement de la révolution.

    En 1979, il liera définitivement son sort à celui de Saddam Hussein, lorsque celui-ci, alors vice-président, écartera le président Ahmed Hassan al Bakr, et s'installera à la tête du pays.

    Il défendra jusqu'au dernier moment celui qui fut son "maître": lors du procès de Saddam Hussein il viendra à la barre en mai 2006 défendre "un homme bon et généreux, et qui aimait son peuple".

    Tout au long de sa carrière, il aura l'art de la formule, dénonçant "le grand mensonge" des accusation occidentales sur l'arsenal irakien d'armes de destruction massive, ou résumant dans la formule "pétrole et Israël", les raisons pour lesquelles la guerre de 2003 était inévitable...