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La réforme des institutions à la mode Sarközy

Avant même d'être élaborée, la réforme des institutions telle que l'imaginait Nicolas Sarkozy a déjà quelques plombs dans l'aile.

 Deux premiers fronts sont ouverts. Primo, la volonté du chef de l'Etat d'être "un président qui gouverne" - et de voir la Constitution lui reconnaître ce rôle - irrite la gauche et provoque un casse-tête juridique ; au point de susciter l'opposition - sur ce point - du président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer (UMP). Secundo, l'accord trouvé entre le Parti socialiste et les centristes de François Bayrou, mercredi 26 septembre, sur plusieurs "principes essentiels" (dont l'introduction d'une dose de proportionnelle aux élections législatives) constitue une autre menace pour M. Sarkozy, l'UMP et ses alliés ne disposant pas de la majorité des trois-cinquièmes requise pour l'adoption d'une révision constitutionnelle.

 


Un objectif clairement signifié dans la lettre de mission

Extrait de la lettre de mission que Nicolas Sarkozy a adressée, le 18 juillet, à Edouard Balladur : "L'importance prise par l'élection présidentielle au suffrage universel direct, le passage au quinquennat et la réforme du calendrier électoral se sont conjugués pour donner au président un pouvoir très large sur l'ensemble de nos institutions et de l'administration, et un rôle essentiel qui - à la différence de celui du premier ministre - n'est pas assorti d'un régime de mise en cause de sa responsabilité. Il convient dès lors :

- En premier lieu, d'examiner dans quelle mesure les articles de la Constitution qui précisent l'articulation des pouvoirs du président de la République et du premier ministre devraient être clarifiés pour prendre acte de l'évolution qui a fait du président de la République le chef de l'exécutif ..."


Délicate réécriture de l'article 20. L'"hyperprésident" Sarkozy verrait d'un bon oeil la loi fondamentale lui reconnaître un rôle à sa mesure. Aussi a-t-il suggéré au comité sur la réforme des institutions, présidé par Edouard Balladur, de réfléchir à une réforme de l'article 20 de la Constitution, qui prévoit que "le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation".

La piste envisagée - "le président détermine" et "le gouvernement conduit" - aurait l'avantage d'accorder le droit avec la réalité. Mais elle se heurte à un obstacle de taille : que se passerait-il si le président qui "détermine la politique de la nation" n'obtenait pas de majorité aux élections législatives ? Comment alors résoudre la crise ? Par une dissolution ? Elle n'a pas toujours les résultats escomptés, comme l'a montré le précédent chiraquien de 1997. Par une démission du président ? A ce jour, aucun des successeurs du général de Gaulle ne l'a envisagée.

Ce qui pouvait paraître comme une évidence, destinée à marquer la fin d'une hypocrisie, suscite de plus en plus de réticences. Jusque-là cantonnées dans le cercle des constitutionnalistes (Le Monde du 13 septembre), elles sont désormais partagées par le président de l'Assemblée nationale : "L'article 20 illustre à la fois la solidité et la plasticité de nos institutions. Quand on les modifie, il faut éviter de créer des situations dont on sait qu'elles pourraient déboucher sur des crises", a indiqué au Monde M. Accoyer. "On ne va pas changer la Constitution parce qu'une personnalité en place à tel trait de caractère ou tel mode d'action. Sinon, où va-t-on !", s'exclame-t-il.

Hostile à tout ce qui, de près ou de loin, pourrait ressembler à une présidentialisation du régime, le bureau national du PS a réclamé une application stricte de l'actuel article 20, s'opposant également à ce que le chef de l'Etat puisse s'exprimer directement devant le Parlement.

L'esquisse d'un front uni de l'opposition. A l'issue d'un tête-à-tête de près d'une heure, François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, et François Bayrou, président du MoDem, ont fait état de plusieurs convergences. Le sujet le plus sensible est l'introduction d'une part de représentation proportionnelle "correctrice" concernant 10 % des députés, permettant aux partis ayant obtenu plus de 5 % des suffrages d'obtenir des élus. M. Hollande juge nécessaire une telle modification même s'il souligne que celle-ci "n'avantagerait pas le PS".

Entendu quelques heures plus tôt devant le comité Balladur, le chef de file des députés UMP, Jean-François Copé, a prévenu qu'"une écrasante majorité (d'entre eux) est totalement hostile à l'instillation d'une dose même minime de proportionnelle".

Socialistes et centristes du MoDem souhaitent également, pour le Sénat, un scrutin "plus juste" accordant davantage de poids aux représentants des grandes villes. "Si ces principes ne sont pas retenus, nous ne voterons pas le texte", a indiqué M. Hollande. "Si nos priorités ne sont pas retenues, nous n'accepterons pas le texte", a renchéri M. Bayrou, en observant que, du fait de la majorité des trois-cinquièmes nécessaire, le PS et le MoDem tenaient "en partie la clé de la réforme institutionnelle".

(Jean-Baptiste de Montvalon et Jean-Michel Normand)
 LE MONDE

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