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Un Prix Nobel dans la spirale du racisme

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James Watson a découvert la structure à double hélice de l'ADN et a été nobelisé pour ses travaux.

James Watson, codécouvreur de l’ADN, Nobel de médecine en 1962, a probablement un gène prédisposant à la provocation. A moins que ce ne soit un autre gène : celui du mépris, dans sa variante la plus pathologique, le racisme – trouble de l’entendement grave et fréquent. C’est la conclusion (préliminaires, les tests ADN doivent encore être menés…) qui s’impose à la lecture des déclarations du généticien publiées dimanche outre-Manche par The Sunday Times et reprises hier par The Independent.

«Les Africains sont moins intelligents que les Occidentaux», lit-on à la une du quotidien, qui cite le «pionnier de l’ADN». Le propos ne mériterait guère l’attention s’ils n’étaient sortis d’une bouche aussi savante, celle du directeur du haut lieu de la recherche en génétique, à Cold Spring Harbor, aux Etats-Unis. L’entretien a été réalisé par la journaliste Charlotte Hunt-Grubbe, une ex-scientifique qui fut hébergée chez les Watson il y a dix ans. Elle l’interroge chez lui alors qu’il s’apprête à partir en Angleterre pour promouvoir son dernier livre.
 Il lui dit être «fondamentalement pessimiste quant à l’avenir de l’Afrique», : «Toutes nos politiques d’aide sont fondées sur le fait que leur intelligence est la même que la nôtre, alors que tous les tests disent que ce n’est pas vraiment le cas.» «Son espoir est que tout le monde soit égal», écrit la journaliste, mais Watson objecte que «les gens qui ont des employés noirs découvrent que ce n’est pas vrai». Et ajoute : «Beaucoup de gens de couleur sont très talentueux, mais ne leur donnez pas de promotion quand ils n’ont pas fait leur preuve à un niveau inférieur.»

Récidiviste notoire. Au plan psychologique comme génétique, il n’existe aujourd’hui, rappelons-le, aucune définition scientifique de l’intelligence – les tests genre QI sont l’objet de controverses infinies. De même, aucun test biologique, génétique ou psychologique ne permet de définir en bloc «les Africains».

Watson, 79 ans, généticien émérite, père d’un enfant atteint d’un retard mental, a-t-il vraiment proféré un tel florilège de propos racistes ? On pourrait en douter s’il n’était un récidiviste notoire. Grand communicateur, il aime à s’attaquer inlassablement au "politiquement correct", sans craindre d’être "scientifiquement incorrect".

Il y a eu le premier scandale, originel et longtemps tu, qui a déchaîné la colère des féministes américaines : sa description méprisante, en 1968, du physique «masculin» de la physicienne Rosalind Franklin… à qui il doit pourtant son Nobel. La jeune scientifique, anglaise d’origine juive, avait réussi à obtenir, en 1953, les premières photos montrant la molécule d’ADN, photos que Watson et Crick ont utilisées . Rosalind Franklin est morte, quelques années après, dans l’ombre.

«Gène de l’homosexualité». En 1997, le programme de séquençage du génome humain (qu’il a conduit à ses débuts) bat son plein. Chaque mois ou presque, de nouveaux gènes de maladie sont découverts ; les bases génétiques des comportements humains sont discutées. Watson évoque alors la possibilité de découvrir un «gène de l’homosexualité», et de le dépister chez le fœtus. Et il lance : «Les femmes doivent pouvoir avorter si leur enfant est testé homosexuel.» Ravageur. «C’est parce que la plupart des femmes veulent des petits enfants», ajoute-t-il à présent.

 En 2000, Watson émet l’hypothèse que les noirs ont une plus forte libido que les blancs. Nouveau tollé! Le généticien se lance bientôt dans une autre aventure : le séquençage à grande vitesse du génome d’un individu. Le sien. Le 31 mai dernier, le texte de son ADN est mis en ligne. Ou plutôt une partie. Il a omis de publier certaines régions du génome, contenant notamment des gènes de susceptibilité à Alzheimer.

James Watson est arrivé hier à Londres, précédé par cet article sulfureux que la commission britannique des droits de l’homme et de l’égalité étudie. Elle pourra aussi lire son livre où l’on apprend qu’«il n’y a pas de raison de supposer que les capacités intellectuelles de peuples qui ont évolué de façon séparée au plan géographique ont suivi une évolution identique. Notre désir de considérer l’égalité des capacités de raisonnement comme un héritage universel ne suffira pas à faire qu’il en est ainsi». Le titre de son livre ? Avoid borring people : lessons from a life in science. Autrement dit : «Evitez d’être rasoir, leçon d’une vie dans les sciences…»

( Libération.fr 18 octobre 2007)

Commentaires

  • Les persécutions commencent contre Watson : il vient d’être suspendu de son laboratoire ; et, condamné de toutes parts, il est interdit de parole.
    Mais Watson n’est pas le premier Prix Nobel à qui arrive pareille mésaventure pour avoir exprimé des opinions « politiquement incorrectes » ; on peut, par exemple, rappeler Gell Mann ou Shockley.

    Il se trouve que je suis en train de relire ce grand livre de Louis Rougier : Le génie de l’occident. Il me paraît opportun de le citer. Il écrit au début du chapitre XIV, intitulé « La conquête de la liberté de penser » :
    « Une des libertés fondamentales pour laquelle les Occidentaux ont le plus versé de sang, est la liberté de penser : par où il faut entendre le droit d’exprimer ses opinions par la parole et par écrit, sans être inquiété ou persécuté ».
    Plus loin : « Sans [la liberté de penser], il n’y a pas de gouvernement démocratique,…, pas de progrès, mais une stérile stagnation ».
    Qu’il semble lointain le temps où Rougier écrivait ce texte !

  • Les soi-disant journalistes de libération reprennent la fable, lancée il y a quelques années, selon laquelle Watson et Crick devraient leur découverte à leur assistante Rosalind Franklin. Watson et Crick n’eurent aucun mal à montrer que leur assistante avait fait son travail d’assistante, la question n’étant pas de réussir les photos, même si c’était un exploit, mais de leur trouver l’interprétation physique qui permettait de déterminer la structure moléculaire de l’ADN.

  • Rama Yade l'a mis K.O.
    http://gargamelo.canalblog.com/archives/2007/10/19/6581741.html

    Ha ! Ha ! Ha !

    Gargamelo

  • Cher abad, après le JDD, Libération reprend l'information pour James Watson: il faut enrober tout cela, nécessairement! Nous sommes en France, abad! pas aux States ni en Angleterre!

    Prix Nobel qui dérangent: Alexis Carrel, et le norvégien Knut Hamsun. Il y a des précédents. Selon un de mes amis, Watson mériterait le "prix de probité"...
    L'ADN, ça ne pardonne pas!

    Amitiés

  • @abad: quel beau texte de louis Rougier! merci!

  • Cher Garga: dans ton ADN, on trouverait sûrement un gène de super-humour! Attention, l'humour semble très "Occidental" !

    K.O! J'en ris encore!!!!!

    Je vais aller sur ton blog illico!

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