HERVÉ MESSAGER, masseur-kinésithérapeute, s'occupe de patients « cérébro-lésés » depuis trente-quatre ans.
Qui étiez-vous pour Vincent ?
Hervé Messager. J'étais son masseur-kinésithérapeute. Je le voyais une heure par jour, cinq fois par semaine. Je m'en suis occupé pendant près de deux ans. Et à la fin, je ne le voyais que deux fois par semaine, le mardi et le jeudi.
Vincent Humbert est mort il y a plus de quatre ans. Pourquoi vous réveiller maintenant ?
Depuis 2003, j'ai essayé de parler, d'écrire à droite à gauche dans les journaux locaux mais je n'étais pas entendu parce que je crois que j'étais à contre-courant. Avec le téléfilm qui sort lundi, je veux que l'on dise enfin la vérité sur l'affaire Humbert, même si elle n'est pas belle.
Quelle est cette vérité, selon vous ?
Les gens qui n'ont jamais connu Vincent imaginent un pauvre gamin paralysé à vie, complètement aveugle, souffrant le martyre, qui ne communique que par un pouce, nourri par perfusion... Il y a du vrai, mais tout ça est exagéré. En fait, Vincent n'était pas tétraplégique, il n'a jamais eu de lésion de la moelle épinière. Il avait ce qu'on appelle une double hémiplégie. Alors, bien sûr, pour le commun des mortels, ça se ressemble. Dans les deux cas, on est allongé, paralysé. Mais attention, dans l'un des cas, le tétraplégique a toute sa tête et dans l'autre, comme Vincent, il y a des troubles neuropsychologiques, le raisonnement est perturbé.
« On l'a forcé... »
Ça se manifestait comment pour Vincent Humbert ?
Les patients comme Vincent, quand ils ont une idée en tête, ils ne l'ont pas ailleurs. C'est ce qu'on appelle le syndrome frontal. Lui par exemple, avant chaque séance de rééducation, ne voulait pas prendre tel ascenseur. C'était une fixation. C'était à moi de lui dire « quelle importance Vincent, ou bien, l'autre est en panne » et ça passait. Marie, sa mère, disait toujours : « Titi, il a toute sa tête. » Elle était en plein déni.
Quelle autre contre-vérité sur son état de santé avez-vous notée ?
Vincent n'était pas aveugle, même s'il voyait très mal. Il pouvait regarder la télé assis en fauteuil : à la fin, il changeait de chaîne sur la télécommande tout seul avec sa main droite. Et il savait très bien qui avait marqué un but dans un match, je vous le garantis ! Enfin, il ne souffrait pas du tout physiquement, j'en suis sûr. Moralement, c'est autre chose...
Vous a-t-il confié son envie de mourir ?
Quand on lui a annoncé qu'il devait quitter l'hôpital et partir dans un long séjour, toujours à Berck, il a eu peur car Vincent avait peur de tout changement. Je me souviens qu'il m'a dit : « Puisque je dois partir d'ici, autant que ça s'arrête là. » Mais, je faisais une blague et, trente secondes après, c'était oublié. Si on rentre dans le jeu de ses patients, on s'en sort pas. Profondément, je ne crois pas qu'il avait envie de mourir. On l'a forcé... (NDLR : Hervé Messager a les larmes aux yeux). La veille du geste de sa mère, le 23 septembre, on blaguait encore tous les deux. Il y a beaucoup de patients qui demandent un jour à mourir. Alors, on discute, on apaise et on n'en entend plus parler pendant six mois. Alors, évidemment, la vie de Vincent Humbert, c'était pas une vie, je le reconnais, mais si on commence à accepter ça, il faut fermer l'hôpital et remettre en cause toute réanimation.
Avez-vous vu des gens extérieurs à l'hôpital venir aider Marie ?
Un jour, on a vu un journaliste dans la chambre de Vincent. Un journaliste du coin, de « Montreuil Hebdo ». Je demande à Marie qui c'est. Elle me dit : « C'est un grand ami de Vincent. » Ça m'a intrigué, alors j'ai demandé à Vincent : « Tu le connais bien ? » Il m'a dit : « Non, je ne l'ai jamais vu, c'est la première fois que je le vois. » Après, un autre journaliste, Frédéric Veille (NDLR : le journaliste auteur du livre-testament), est venu une fois un dimanche et je ne l'ai plus jamais revu. Puis Marie s'est mise à poser des questions à son fils et notait tout sur un petit calepin : « Titi, tu penses ci, tu penses ça. » Il n'aurait jamais pu dicter un texte pareil car il ne communiquait qu'avec le pouce, lettre après lettre. Si c'est lui qui avait écrit ce livre, il y serait encore, le pauvre... Je sais que six mois avant sa mort, tout était déjà prévu. Un jour où j'étais en désaccord avec Marie sur un détail, elle m'a dit texto : « De toute façon, dans six mois, vous n'entendrez plus parler de nous... »
« Je n'ai jamais vu une mère aussi seule avec son fils »
Pourquoi, selon vous, Marie Humbert s'est-elle lancée dans cette aventure... ?
Marie, ce qui lui a fait du mal, c'est d'être seule, isolée. Elle était là tous les jours, elle travaillait la nuit et elle passait tous les après-midi là. Il y a des jours, elle saturait. Je crois qu'elle a accepté l'idée de la mort de son fils parce qu'elle savait qu'elle ne pourrait pas vivre comme ça encore vingt ans. Or, Vincent était en excellente santé physique et aurait pu vivre longtemps dans cet état. En plus, elle n'était pas aidée... Je me souviens de la grand-mère qui est venue une semaine et qui disait : « Ah, laissez-le mourir... » Le père de Vincent, je ne l'ai vu qu'une fois, un lundi ; le frère de Vincent qui est passé partout à la télé, je ne l'ai vu que trois fois en trois ans, il vivait en Guadeloupe. Le peu d'aide qu'elle avait, c'était la marraine de Vincent. Je ne lui en veux pas, à Marie, elle était très seule puis elle a été manipulée par des associations.
Mais comment font les autres familles dans l'hôpital ?
Marie était-elle un cas ?
En trente-quatre ans, je n'ai jamais vu une mère aussi seule avec son fils. J'ai vu des patients dont la famille ne vient plus du tout. J'ai vu des familles qui se relaient. Marie et Vincent, c'était comme un couple. Tous les deux, toujours dans la chambre. La dernière année, elle ne le sortait même plus. On a proposé plusieurs fois à Marie d'aller voir la psychologue de l'hôpital. Elle refusait. Moi, si j'avais été le père de Vincent, j'aurais pas laissé la mère faire ça, je l'aurais sortie dehors, je l'aurais secouée un peu... Merde, il avait plein de choses à vivre encore.
Le DVD qui contient votre témoignage a été financé par l'association SOS Fin de vie. On peut aussi vous accuser d'être récupéré par des associations catholiques militantes contre l'euthanasie...
Premièrement, moi, je fais ce témoignage pour moi. Je n'avais pas les moyens ni les connaissances techniques pour faire ce DVD. Je m'en fous que ce soit les cathos qui m'aient aidé. Ça ne changera pas mes convictions, je ne me suis pas marié à l'Eglise, mes enfants ne sont pas baptisés. Mais il fallait que je parle !
Quelle est votre position sur l'euthanasie ?
Je suis contre l'euthanasie active, c'est très clair. Mais je suis contre l'acharnement thérapeutique. Quand un patient est en fin de vie, qu'il souffre, il faut le soulager, quitte à ce que la mort vienne.
Avez-vous peur que Marie Humbert vous attaque ou bien que vous receviez des pressions de votre hôpital ?
Marie ne peut pas m'attaquer, tout ce que je dis est vrai. Ça sera sa parole contre la mienne. J'ai prévenu ma hiérarchie à l'hôpital de mon initiative.
Vous avez regretté le non-lieu dont elle a bénéficié ?
Oui ! Pour moi, il n'y a pas non-lieu. Il y a lieu. Ça m'intéresse pas de voir Marie Humbert en prison mais j'aurais voulu un vrai procès avec un débat.
Allez-vous regarder le film sur TF 1 lundi prochain ?
Ah oui, et je suis sûr qu'il va faire pleurer dans les chaumières. Ça va être sûrement très réussi. Mais il y aura des mensonges ici ou là que je ne pouvais plus laisser passer.
(Interview du PARISIEN - 28.11.2007)
Il y a quelque chose de profondément répugnant dans ce témoignage si tardif , qui coïncide avec le film sur TF1... Personnellement, je ne crois pas à la bonne foi d'Hervé Messager. Pourquoi torturer encore Marie Humbert ? N'a-t-elle pas déjà assez souffert? Elle a donné à son fils la plus grande des preuves d'amour.
Commentaires
Il voyait Vincent Humbert deux heures par semaine et il prétend mieux savoir ce qu'il pensait que sa propre mère, qui était tout le temps auprès de lui ?
Il faut vraiment être une ordure pour remuer ainsi le couteau dans la plaie d'une mère qui n'a déjà que trop souffert.
Cher jerome, merci pour ton commentaire. Ce sujet est très délicat, j'en suis consciente, mais je dis tout de même ce que je pense. Il est ignoble de torturer encore Mme Humbert, qui a droit à notre respect. Elle était dans une solitude atroce. Et son fils lui demandait de l'aider à mourir, à quitter une existence qui n'était pas vivable pour un jeune homme. Ce kiné salit une pauvre mère, sa démarche soi-disant morale et chrétienne est d'une rare ignominie.