Ces établissements profitaient des particularités de la loi espagnole, qui date de 1985. L'IVG y est autorisée dans trois cas : viol, graves malformations fœtales ou danger pour la vie ou la santé physique ou psychologique de la mère, certifié par un médecin. Dans les deux premiers cas, les IVG ne peuvent être pratiquées qu'avant un certain terme : douze semaines de grossesse pour le viol, vingt-deux semaines pour les malformations.
En revanche, aucune limite n'est associée au troisième motif d'avortement. Or c'est sur lui que se fonde l'immense majorité des interruptions de grossesse en Espagne. Et c'est à lui que recourraient les équipes du docteur Morin.
Les cliniques Ginemedex montaient des dossiers truqués pour que les interventions illégales n'attirent pas l'attention de l'administration. Les échographies étaient trafiquées pour que les fœtus y apparaissent plus petits qu'ils n'étaient, de fausses expertises psychologiques étaient glissées pour accréditer l'état mental des femmes.
Les établissements avaient été équipés de broyeurs spéciaux, branchés sur les canalisations ordinaires, pour faire disparaître les corps les plus encombrants. Les praticiens n'auraient pas eu les qualifications requises pour exercer. Guillermo Morin aurait opéré sous de faux noms.
La réputation des cliniques du docteur Morin avait dépassé les limites de la Catalogne. On y venait des autres provinces espagnoles mais aussi de toute l'Europe. Les deux tiers des étrangères qui viennent avorter en Catalogne sont françaises. Les dirigeants de ces établissements avaient constitué des réseaux de prospection de clientèle dans plusieurs pays.
Deux médias avaient attiré l'attention sur le singulier docteur Morin. En 2004, le Sunday Telegraph britannique avait publié un reportage dénonçant les avortements illégaux pratiqués dans ses cliniques et le fait qu'elles drainaient une clientèle européenne. En septembre 2006, une télévision danoise avait diffusé le reportage d'une journaliste enceinte de vingt-six semaines qui, munie d'une caméra cachée, avait rencontré le docteur Morin, lequel avait accepté de l'avorter en falsifiant le rapport psychiatrique.
A la suite de ces informations, les autorités sanitaires catalanes avaient diligenté une inspection qui ne s'était conclue que par une amende de 3 000 euros pour des irrégularités administratives. L'ordre des médecins de Barcelone n'avait rien trouvé de contraire à la déontologie. En janvier, une association catholique anti-avortement, e-Cristians, a porté plainte.
Renseignée par une ex-employée, la police a arrêté le médecin, le 30 novembre, et l'a placé en détention provisoire, ainsi que sa femme et quatre collaborateurs. Des femmes ayant avorté en dépit d'une grossesse avancée ont été entendues. Le docteur Morin exerçait à Barcelone depuis plus de vingt ans. En 1989, alors qu'il pratiquait à Alicante, une première enquête pour avortements illégaux l'avait brièvement conduit en prison, mais le procès s'était soldé par un non-lieu.
Il ne s'agit plus d'avortements à ce stade d'avancement de la grossesse, mais d'infanticides
Commentaires
Merci, Gaëlle, de faire connaître la conduite abjecte de ces criminels. C’est horrible. Il faut savoir que ces choses là se passent de nos jours.