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La tragédie ethnique du Kenya

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Un fragile retour à la normale s'ébauchait, mercredi matin 2 janvier, à Nairobi. Comme d'autres villes du pays, la capitale kényane a été secouée par cinq journées de violences nées de la contestation par l'opposition du résultat des élections générales du 27 décembre 2007, qu'elle estime entachées de fraudes. Dans le centre-ville, des rues interdites à la circulation ont été rouvertes par la police, banques et commerces ont repris leurs activités.

Alors que le bilan des victimes s'alourdissait, mardi, pour atteindre environ 300 morts, preuve est faite que les troubles mêlent ethnies et politique, jusqu'à l'horreur. Lundi, au moins 35 personnes réfugiées dans une église dans la région d'Eldoret, dans la vallée du Rift, et appartenant à l'ethnie kikuyu, celle du président réélu de manière contestée, Mwai Kibaki, ont été brûlées vives.

Un groupe de jeunes appartenant à une communauté opposée aux Kikuyus sur la carte politico-ethnique kényane semble avoir délibérément incendié le bâtiment. Et ce alors que des familles y avaient cherché refuge, comme le font des dizaines de milliers d'autres personnes dans les lieux de culte, les postes de police ou les hôpitaux à travers une partie du pays pour échapper aux violences.

Dans plus de la moitié du Kenya, notamment dans l'Ouest, où les routes sont coupées depuis plusieurs jours, les émeutes ne mettent pas seulement aux prises forces de sécurité et opposants frustrés par les élections, mais se compliquent d'interactions entre rivalités ethniques et politiques, laissant planer la menace d'une conflagration majeure.

L'inquiétude est d'autant plus forte que le Kenya ne découvre pas brusquement ces tensions. L'adhésion politique, dans le pays, est souvent dépourvue de base idéologique, mais repose sur l'appartenance d'un leader à une communauté. Avant le scrutin, 39 % d'électeurs avaient admis, dans un sondage, qu'ils choisissaient leur candidat sur une base purement ethnique.

De plus, la course au pouvoir, local, régional ou national, est souvent accompagnée de troubles. Déjà en 1997, une flambée de violence avant l'élection présidentielle, visant essentiellement les Kikuyus, avait été orchestrée au plus haut niveau de l'Etat par l'ex-président Daniel Arap Moi, d'ethnie kalenjin.

Dans ce contexte, les deux ethnies dont les antagonismes sont les plus marqués forment depuis un demi-siècle un curieux couple. Kikuyus et Luos sont alternativement alliés et antagonistes. Plus importants en nombre (près de 20 % de la population), les Kikuyus, "peuple guide" kényan durant la colonisation, sont les plus influents économiquement.

Alors que les Luos constituent, numériquement, la troisième ethnie du pays, leur rôle politique national fait figure de drame depuis l'indépendance, lorsque Jamarogi Oginga Odinga, le propre père de l'opposant battu à la présidentielle de 2007, Raila Odinga, avait soutenu l'accès au pouvoir du "père de la nation", le Kikuyu Jomo Kenyatta.

L'idée s'était alors installée, durablement, parmi les Luos, que leur communauté avait été privée d'un accès mérité aux richesses nationales. Le même "hold-up" semble s'être reproduit une génération plus tard, en 2002. Lors de la transition "modèle", le président Moi avait quitté le pouvoir après un quart de siècle de mise à sac des ressources du pays grâce à un pacte tactique scellé entre politiciens luos et kikuyus prévoyant que, une fois au pouvoir, Mwai Kibaki, un Kikuyu, fasse de Raila Odinga son premier ministre.

Jamais tenu, cet engagement a eu pour conséquence de jeter l'ensemble des Luos dans l'opposition. Ravivant aussi des tensions entre différentes ethnies, qui s'étendent au-delà des rivalités entre Luos et Kikuyus.

En vacillant ainsi, le Kenya menace toute une région, alors que le pays fait figure d'îlot de stabilité dans la partie orientale de l'Afrique depuis l'indépendance, en 1963. Allié pendant la guerre froide du bloc occidental, jamais secoué par les guerres civiles qui ont déchiré ses voisins, le Kenya a vu s'installer sur son sol des agences des Nations unies, les sièges régionaux de multinationales ou ceux de grandes ONG.

Grâce au dynamisme de son secteur privé, le Kenya attire les investisseurs, aligne des taux de croissance importants depuis la transition de 2002 (6,1 % en 2006) et fait figure de locomotive en Afrique de l'Est.

La locomotive a déraillé dans l'horreur...

(Le Monde 02.O1.08)

 

Commentaires

  • Une fois de plus, on retrouve la question centrale du partage des richesses entre les différentes communautés dont les identités ethniques ou confessionnelles ou autres critères, n'en sont que l'illustration.
    Ceci ne justifie en rien la sauvagerie et l'horreur de tous les actes.

    Simplement, ces faits rappellent que nous sommes loin, très très loin d'un monde civilisé, dans lequel j'inclue notre pays qui voit sa pauvreté violemment affichée. Je ne condamne pas, mais je souligne que les actes des dirigeants, y compris chez nous, ne peuvent résoudre et encore moins contenir, cette violence née d'une frustration exacerbée.

    Je reste persuadé que cette question est centrale.

  • Ave un peu de retard, bonne année ! et puissiez-vous continuer longtemps votre blog que je lis toujours avec intérêt même si je ne commente que rarement.

  • Cher Pharamond, meilleurs voeux 2008 pour toi! Merci de m'écrire! - je n'ai pas bcp de temps avec ce blog pour visiter comme je le voudrais les blogs amis... y laisser des coms... Je n'ai pas encore mis une Note aujourd'hui, des choses à faire avant, et je reste parfois jusqu'à 2-3h du matin devant l'écran pour trouver une bonne vidéo, une belle photo! Cela me plaît, c'est sûr, mais je suis crevée! - je ne suis pas une personne raisonnable, tu vois!

    Amitiés!

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