Décidément, Nicolas Sarközy n’a pas fini d’essuyer des rebuffades avec son Union pour la Méditerranée (UPM) lancée à la va-vite en décembre dernier. Les premiers ennuis, on s’en souvient, étaient venus du « Nord ». La chancelière Angela Merkel n’avait pas apprécié une initiative française qui s’était arrogé le droit de choisir parmi les pays européens ceux qui seraient aptes à figurer dans cette nouvelle zone de libre-échange. Sarközy avait dû se replier en bon ordre : tous les pays membres feraient donc partie de la nouvelle Union, limitée au demeurant à une coopération sur quelques grands dossiers comme l’eau, l’énergie et l’environnement. Mais voilà à présent que les ennuis viennent du Sud.
Un mois tout juste avant la proclamation de l’UPM, le 13 juillet à Paris, un vent de fronde souffle depuis l’Algérie. Les pays arabes, réunis vendredi à Alger pour préparer cette échéance, ont demandé à la France des éclaircissements sur la participation israélienne. La ficelle, en effet, est un peu grosse. En intégrant Israël à cette entité économico-politique, la France contraint les pays arabes à un partenariat qu’ils n’ont pas choisi. De fait, Nicolas Sarkozy obtiendrait, au plus grand profit d’Israël, une normalisation des relations entre l’État hébreu et le monde arabe. Et cela, sans contrepartie. Or, si cette normalisation est souhaitée depuis 2002 par la Ligue arabe, c’est en échange d’un retrait israélien des territoires palestiniens occupés depuis 1967.
Cette proposition de troc diplomatique a encore été renouvelée par la Ligue arabe en mars dernier, n’obtenant guère plus qu’un haussement d’épaules des responsables israéliens. Non seulement il n’est pas question de décolonisation, mais nous évoquions ici même la semaine dernière un nouveau plan de constructions en Cisjordanie récemment rendu public par Ehud Olmert. La situation est si désespérée que même Mahmoud Abbas, d’un naturel si prudent, s’apprête à renouer le dialogue avec le Hamas, bravant l’interdit posé par les États-Unis. Façon pour lui de prendre acte (enfin !) de l’arnaque d’Annapolis, ce « processus de paix » mort-né initié par George Bush fin 2007. Est-ce donc vraiment le moment de donner à l’État hébreu tout ce qu’il peut souhaiter, et même davantage, sur la scène internationale ? De le récompenser pour bonne conduite ? L’invitation faite à la Syrie de participer à la réunion du 13 juillet s’inscrirait aussi dans cette stratégie qui solderait en quelque sorte le conflit israélo-palestinien sans tenir compte des revendications palestiniennes.
Damas obtiendrait son intégration économique à une large zone incluant l’Union européenne en échange de son abandon de la cause palestinienne. Paradoxalement, ce seraient ainsi les Européens - notre Sarkozy en tête - qui porteraient l’estocade en retirant aux pays arabes et aux pays membres de l’Union les moyens de pressions diplomatiques et économiques qui restaient en leur possession. Tout cela serait d’ailleurs cohérent avec l’ordre du jour du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’UE, le 16 juin à Luxembourg, qui prévoit un renforcement des liens avec Israël.
L’aboutissement de cette stratégie d’ensemble se heurte toutefois aux réticences, pour ne pas dire plus, de plusieurs capitales arabes. Mais l’UPM disposerait de quelques arguments pour les « convaincre ». À la fin des années 1970, l’Égypte et la Jordanie ont été grassement récompensées par les États-Unis pour leur reconnaissance d’Israël aux dépens des Palestiniens. Certaines capitales pourraient aujourd’hui trouver intérêt à se montrer discrètes sur une normalisation des relations avec Israël qui passerait ainsi « en contrebande » de la proclamation de l’Union pour la Méditerranée. Après l’Égypte, la Tunisie pourrait par exemple obtenir une « sanctuarisation » de sa politique intérieure, de sa conception de la démocratie et des droits humains. Et cela au moment même où des mouvements de protestation sociale s’intensifient dans le Sud tunisien. En outre, on ferait miroiter à ces pays l’intégration dans un ensemble ultralibéral semblable à l’Accord de libre-échange nord-américain.
Mais peut-on faire comme si la paix régnait au Proche et au Moyen-Orient ? Comme si le conflit israélo-palestinien n’existait plus ? À Damas, comme à Alger, comme à Tunis et au Caire, la question palestinienne reste le symbole de l’injustice à l’encontre du monde arabo-musulman. Ce déni international piégeant les capitales arabes dans un ensemble dont Israël serait un partenaire en vue aurait - à supposer qu’elles y consentent - un inconvénient de taille aux yeux des responsables occidentaux : plus que jamais, il consacrerait l’Iran comme le pays de la résistance. Est-ce souhaitable pour tout le monde ?
par Denis Sieffert
Commentaires
« plus que jamais, il consacrerait l’Iran comme le pays de la résistance. » : bien sûr et c’est pourquoi il a toutes les chances d’être vitrifier d’ici la fin de l’année.
Saviez vous que notre grand historien N. Sarkosy à décrété que c'était une erreur historique d'incriminer Damas dans l'attentat du Drakkar.
Il y a eu la femme de Mao ré-écrivant l'histoire de la Chine maintenant les livres d'histoires vont passer par la plume de notre historien national.
4 ans ! ça va être très très dur.
Oui, chère Mélanie, ceux qui réécrivent l’histoire sont très nombreux depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Ils sont tous du même bord. Et ils ont fait passer des lois qui interdisent à quiconque de rétablir la vérité !