LCI.fr : Nicolas Sarkozy pourrait annoncer dès cet après-midi la suppression du juge d'instruction, cela vous surprend-il ?
Christophe Régnard, ancien juge d'instruction et président de l'Union syndicale de la magistrature : Il y a de quoi être doublement surpris. Sur la forme, d'abord, car il existe actuellement une commission de réflexion, mise en place par Rachida Dati, qui doit rendre le mois prochain ses premières conclusions sur cette question précise du juge d'instruction. Il est donc étonnant que le chef de l'Etat annonce des mesures avant même la remise de ce rapport. Cela étant, on pourrait s'en accommoder si, sur le fond, la situation n'était pas aussi grave. Car l'idée même de transférer des pouvoirs qui appartiennent à un juge indépendant à un autre magistrat, du parquet, qui ne l'est pas, représente une atteinte grave aux libertés publiques.
LCI.fr : Quelles seraient les conséquences directes sur les conditions de l'instruction ?
C.R. : Actuellement le juge d'instruction n'intervient que dans 5% des affaires judiciaires. C'est peu, mais cela représente tous les dossiers les plus compliqués et les plus graves en matière de crimes et d'affaires correctionnelles. C'est parce qu'il est indépendant et qu'il n'a de compte à rendre à personne qu'il est saisi de ces affaires. Il est une garantie pour les citoyens. Si on transfère cette compétence au parquet, il va y avoir un gros problème car ce dernier est complètement dépendant du pouvoir politique, par sa nomination et par sa structure hiérarchique. Cela veut dire que demain, les mêmes affaires devront être traitées par quelqu'un qui sera sous la mainmise directe des hommes politiques en place.
LCI.fr : Cela signifierait-il la fin des enquêtes dites "sensibles" ?
C.R. : C'est évident qu'avec un tel système il ne pourra plus y avoir d'enquêtes sur des affaires politico-financières, ou de santé publique, ou sur toute autre affaire où des politiques pourraient se voir mis en examen. Se pose également la question de l'action publique. Si on supprime les juges d'instruction, je ne vois pas bien vers qui les parties civiles pourront se tourner pour que l'enquête puisse être menée si le parquet refuse de se saisir. Alors que les victimes sont mises au cœur de toute la procédure pénale par Rachida Dati depuis 18 mois, la réforme préconisée va nuire à leurs droits !
LCI.fr : Ce n'est pas la première fois qu'est envisagée la suppression du juge d'instruction. Sa double casquette de juge et d'enquêteur est critiquée depuis longtemps. Tout comme certains abus de pouvoir. Il y a eu l'affaire d'Outreau, mais aussi l'affaire Philippis, plus récemment…
C.R. : C'est un vieux serpent de mer. On en parlait déjà en 1988. A l'époque, il n'y avait pas encore eu l'affaire d'Outreau. Et Mireille Delmas-Marty (ndlr : pénaliste, professeur au collège de France) qui avait mené d'importants travaux sur cette question, avait mis l'indépendance du parquet comme corollaire à la suppression du juge. Le post-Outreau est donc un faux argument. D'autant que depuis, des améliorations ont été apportées. Des pôles de l'instruction ont été créés depuis 9 mois et début 2010, il devait y avoir une nouvelle étape de franchie, à savoir la collégialité de l'instruction. On n'a même pas tiré le bilan de tout cela que l'on décide de tout casser.
La vérité, c'est que le pouvoir politique en place veut se payer le juge d'instruction parce qu'il a dans les années 80-90 fait preuve de beaucoup d'allant pour poursuivre et condamner les hommes politiques et un certain nombre de grands patrons, comme il le faisait avec des citoyens lambdas. Nicolas Sarkozy veut lui régler son compte définitivement. Alors on nous invente tout un tas d'excuses hypocrites. La réalité, c'est qu'on a récemment eu la grâce partielle de Jean-Charles Marchiani. Et maintenant, on s'arrange pour qu'il ne puisse plus jamais être inquiété puisqu'il ne pourra plus jamais y avoir d'enquête. Le parquet ne peut être indépendant vu les atteintes
massives faites à l'institution judiciaire depuis 18 mois.
LCI.fr : c'est-à-dire ?
C.R. : Jusque là, on n'avait jamais vu un procureur convoqué à la Chancellerie pour répondre de propos tenus à l'audience, on n'avait jamais vu des magistrats entendus à 3 heures du matin pour rendre compte sur des décisions qu'ils ont pu rendre, on n'avait jamais vu des procureurs généraux venir rendre compte de décisions prises par des juges du siège, donc indépendants… Tout ceci a créé une situation explosive dans le corps judiciaire. Il faut ajouter à cela une réforme du Conseil supérieur de la magistrature dans laquelle les magistrats deviennent minoritaires, ce qui est un exemple unique dans les démocraties dans le monde. Visiblement, on raye complètement de la carte le troisième pouvoir, au profit de l'exécutif. C'est scandaleux. Et nous resterons vent debout contre une réforme qui paraît contraire aux intérêts de nos concitoyens.
LCI.fr : Pour pallier la disparition du juge d'instruction, il est envisagé que les enquêtes judiciaires soient confiées au parquet, sous le contrôle d'un magistrat du siège, appelé "juge DE l'instruction"...
C.R. : C'est un leurre ! Le contrôle du parquet ne pourra être que formel. L'intérêt du juge d'instruction, c'est qu'il assure le suivi d'un dossier dans la continuité. Le juge "de" l'instruction n'interviendra que de manière ponctuelle, pour autoriser une perquisition, une écoute téléphonique, ordonner ou pas une expertise... Comme l'a dit mardi le juge antiterroriste Gilbert Thiel, le juge "de" l'instruction va se transformer en "tamponneur". Submerger par le nombre de dossiers, il se contentera d'apposer son paraphe sur ce qu'on lui demandera de signer. Je le répète, c'est un leurre, les garanties offertes en parallèle n'existent pas.
LCI.fr : L'autre syndicat de magistrats, le SM, ainsi que de nombreux avocats, ne s'opposent pas, voire sont favorables à la suppression du juge d'instruction, à la condition expresse que le parquet devienne indépendant. Pas vous ?
C.R. : C'est une question à laquelle je n'ai même pas envie de répondre. Le parquet en France, sauf nouvelle réforme de la Constitution, n'est pas indépendant. Il est nommé par le pouvoir politique. Tout ce qui pourrait être proposé dans le contexte actuel, avec le pouvoir actuel, serait un marché de dupe.
LCI.fr : Le SM appelle à un boycott du discours de Nicolas Sarkozy devant la Cour de
cassation ce mercredi. Et vous ?
C.R. : Non, je serai présent pour entendre exactement ce qu'il va se dire. Pour ensuite pouvoir réagir.
Commentaires
"...atteinte aux libertés publiques...", etc...
Il faut bien comprendre que toutes les mesures qui sont prises, ou seront prises, le seront dans le but d'installer EURABIA!
Mettez le vous bien dans vos têtes. C'est un entonnoir, tout converge vers ce projet.
Ce magistrat se plaind, qu'il commence à étudier la charia, il pourra faire carrière dans le monde de demain.
Mettre en place Eurabia, je ne sais pas , mais éviter les mises en examen des hommes politiques du bon camp, ça j'en suis sur !