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BAUDELAIRE - L'invitation au voyage

Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Les Fleurs du mal - 1857

 

Commentaires

  • Merci, chère Gaëlle pour ce merveilleux poème, certainement un des plus beaux de la langue française et que Henri Duparc a si bien mis en musique.

  • Cher abad, merci! J'ai vu hier soir des vidéos sur "L'invitation" mise en musique par Henri Duparc, mais j'ai hésité, ne sachant quel chanteur lyrique choisir...

    Amitiés!

  • Merci Gaëlle. Dans ce poème tout n'est qu'ordre et beauté,
    luxe, calme et volupté ! C'est du grand art et une bien belle langue.

  • Tant que tout cela est vivant dans nos coeurs et nos esprits, c'est toujours bien vivant. Nous connaîtrons d'autres périodes heureuses. En attendant, profitons de ces petites parcelles de bonheur.

  • Chère Gaëlle, suivant votre suggestion j’ai écouté quelques interprétations de la mélodie de Duparc sur youtube. Voici, mon avis, mais je n’ai pas tout vu. Beaucoup sont faites par des femmes de grand talent, mais cette mélodie doit être chantée par un homme, un baryton. La meilleure interprétation est celle de Charles Panzera ; elle date de 932 ! Sinon, il y a celle plus récente du grand Gérard Souzay. Il y a aussi celle de l’immense ténor espagnol Alfredo Kraus, à la voix si pure, si souple et au chant si élégant ! Mais c’est un ténor !

  • En 932, Guillaume Ier dit "Longue-Épée" devient comte de Normandie. Il épousa Liutgarde de Vermandois.
    L'histoire ne dit pas si ils ont écouté l'interprétation de Charles Panzera lors de leur voyage de noce...
    Peut être abad le sait-il?

  • Rien n’échappe à l’abbé ! Effectivement j’ai oublié le ‘1’ devant 932. Pardonnez-moi!

  • Chère Gaëlle, je suis ravie que vous nous remémoriez ce magnifique poème ! Cela me rappelle quand j'étais en première, au lycée, j'avais un professeur de français, M. Moreau, qui était un grand admirateur de Baudelaire et qui m'avait transmis sa passion. Les Fleurs du Mal ont ainsi bercé mon adolescence !
    Que c'est beau ! D'une grande musicalité ! Une grande douceur émane de ces vers, leur lecture est très apaisante...

  • Chère LENI, je suis heureuse de lire votre excellent commentaire et de vous avoir rappelé des souvenirs heureux du lycée: il existe encore de très bons professeurs de Lettres, mais ils sont perdus dans la foule des enseignants, hélas!

    A moi, au lycée, jadis, on m'avait dit que le poète parlait sans doute à son âme et l'invitait au dépaysement... Voyage en Hollande, sans doute... au pays de Vermeer...

    Amitiés

  • Cher abad: votre avis m'importait! Justement, hier soir, c'était celle de Charles Panzera que j'avais envie de placer! Je "sentais" que c'était la meilleure, mais je doutais de moi... Je suis heureuse de voir que nos goûts coïncident!

    Amitiés

  • Cher Philippe, cher voyageur: vos commentaires très sensibles me plaisent et m'encouragent à placer de grands poètes sur ce blog. Il ne faut pas oublier l'immense richesse poétique, littéraire de l'Occident, de la France, parce que l'Elysée est occupé par un ignare qui massacre le français... et par une ex-top chanteuse sussurante...

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