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Clearstream: une justice aux ordres

Hier matin, à la première heure, le procureur de la République de Paris a annoncé à la radio son intention de faire appelde la relaxe de Dominique de Villepin. Une décision juridiquement légitime, mais pourtant largement considérée comme une forme d'acharnement. Et qui poseà nouveau le problèmede l'indépendance du parquet dans la procédure judiciaire française.

 

Entre le moment où le président Dominique Pauthe a lu la décision de relaxe à l'audience, jeudi midi, et la sortie de Dominique de Villepin dans la grande salle des pas perdus, il s'est écoulé au moins trois quarts d'heure. De longues minutes d'attente durant lesquelles journalistes et magistrats - parmi les plus fameux de la justice française - en convenaient ensemble : « Il n'y aura pas d'appel. C'est impossible. »

Liens avec le ministère

Pas juridiquement, bien sûr. Mais de fait, il est très rare qu'il soit fait appel d'une relaxe. Et puis, même si certains rappelaient que le procureur Jean-Claude Marin avait requis une condamnation, à l'audience, il faut également se souvenir qu'en tout premier lieu, en 2008, il avait requis le non-lieu, pour Dominique de Villepin. C'est-à-dire qu'il préconisait alors qu'on ne le renvoie même pas devant le tribunal, faute d'éléments contre lui. Et puis, il avait changé d'avis. Finalement, il fallait bien le renvoyer, et même le condamner, donc, fut-ce en cette bizarre qualité de complice par abstention. Comment s'y retrouver ?

Déjà, au moment des premières réquisitions de Jean-Claude Marin, on avait évoqué les liens qui unissent les procureurs et le ministère - donc l'Elysée. Et, depuis hier, ces liens-là sont revenus au beau milieu d'une polémique inévitable. Les procureurs dépendent directement du ministère de la Justice, qui les nomme et gère leur carrière. Il est normal, dans la procédure, qu'ils reçoivent des instructions : poursuivre dans tel dossier, faire appel dans tel autre - c'est l'usage.

Le problème, ici, c'est bien la crédibilité de la décision de Jean-Claude Marin. Parce que, parmi les parties civiles, il y a bien un justiciable pas comme les autres - quoi qu'il en dise - parce qu'il est aussi président de la République. « Ce qui me gêne, c'est que, comme d'habitude, les suspicions sont généralisées sur les décisions prises par le parquet, parce qu'il est dépendant du pouvoir politique », soulignait Christophe Régnard, président du principal syndicat de magistrats, l'USM. « C'est l'image de la justice qui en est éclaboussée ». Et l'avocat général Philippe Bilger renchérissait : « Ce qui me paraît grave, c'est le fait que personne ne croira que Jean-Claude Marin a agi librement et spontanément. » Nicolas Sarkozy est bien trop souvent intervenu - dans cette affaire comme dans d'autres - et avec bien trop d'imprudence pour cela.

Alors, Dominique de Villepin a beau jeu de se présenter en victime : « On préfère me voir occuper la scène juridique que la scène politique.

 » Et hier soir, sur Canal+, il lâchait : « Le procureur n'a pas l'autorité pour prendre une telle décision. Il y a eu une réunion hier (jeudi) à l'Élysée où cette décision a été prise. C'est un fait. J'ai été sept ans secrétaire général de l'Élysée. Je connais l'État, je connais la fonction publique... Et donc, je vous le dis, je vous l'affirme. Je n'ai pas l'ombre d'un doute. » Il y aura de l'ambiance, jusqu'au procès en appel, dans un an. 

  

« C'est de l'hypocrisie »

 >  Le PS déplore le « soupçon » pesant sur la décision du parquet de faire appel du jugement, le jugeant « extrêmement malsain », a expliqué hier la députée socialiste Élisabeth Guigou, ancienne ministre de la Justice.

Celle-ci s'est dite « choquée, consternée » de « voir la justice prise en otage par les règlements de compte personnels ». « Sur le parquet pèse une grande suspicion. Tout le monde se demande si l'appel interjeté » par le procureur de la République de Paris « a été fait sur instruction ou pas ».

 >  Les proches de l'ancien Premier ministre, après avoir affiché leur « soulagement », jeudi, ont attendu l'annonce de l'appel du parquet pour lancer la charge contre le chef de l'État. « Personne n'est dupe », a jugé le député UMP François Goulard. « C'est de l'hypocrisie de la part du chef de l'État, qui se donne apparemment le bon rôle, hier, et envoie son procureur faire appel ce matin sur une radio », a-t-il critiqué. « C'est aussi un instrument politique, car il y a une crainte réelle du chef de l'État que Dominique de Villepin soit un rival, qui le menace demain. »

La Voix du Nord - 31.01.10

Commentaires

  • L'affaire Clearstream ou qui sera le plus ridicule dans cette histoire. Cette affaire donne un beau visage à nos institutions politiques et gouvernementales, pas étonnant que les audiences électorales soient si faibles ensuite. Vilepin peut se dire victime d'un acharnement, cette affaire lui permet de le mettre au devant de la scène médiatique, or faire le buzz est devenu une arme suprême avec le développement des réseaux sociaux. Même s'il semble s'en sortir plutôt bien, cette arme reste toutefois à manier avec précaution ...

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