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Le procureur Courroye veut empêcher le juge Isabelle Prévost-Desprez d'enquêter

La guerre de tranchées qui déchire le tribunal de Nanterre au sujet de l'affaire Bettencourt vient de donner lieu à une nouvelle bataille: le parquet a refusé, vendredi 16 juillet, de transmettre à la juge Isabelle Prévost-Desprez une pièce essentielle de la procédure. Le veto du ministère public, dirigé par le procureur Philippe Courroye, porte sur la communication à la magistrate des retranscriptions des enregistrements pirates réalisés au domicile de Liliane Bettencourt par l'ancien majordome de la milliardaire. Un fait qui est tout sauf anodin.

La juge Prévost-Desprez, présidente de la XVe chambre du tribunal de Nanterre, a en effet été autorisée, en début de semaine, par la cour d'appel de Versailles, à mener ses propres investigations sur le contenu des enregistrements clandestins, révélés le 16 juin par Mediapart. Or, avec ce refus de communication de pièces élémentaires de la part du parquet de Nanterre, qui passe outre de facto la décision de la cour d'appel, l'affaire menace de virer au vaudeville; une farce judiciaire qui pourrait faire sourire s'il n'était question d'un dossier aussi sensible.

 

MM. Sarkozy et Courroye
MM. Sarkozy et Courroye© Reuters

Le ton d'une lutte sans merci entre deux magistrats de renom est donné. Où l'on assiste, en coulisses, au choc frontal entre deux modèles de justice antagonistes. Avec d'un côté, un procureur de la République, Philippe Courroye, soumis hiérarchiquement au pouvoir politique, qui donne le sentiment de vouloir coûte que coûte garder le contrôle d'une affaire explosive susceptible d'éclabousser le gouvernement et le président de la République – pour lequel le magistrat ne cache pas son amitié.

 

Et de l'autre, une juge, Isabelle Prévost-Desprez, statutairement indépendante, qui souhaite quant à elle récupérer l'enquête à son compte, en profitant de la découverte d'éléments nouveaux (les enregistrements du maître d'hôtel), comme la loi l'y autorise.

Comment le tribunal de Nanterre, désormais divisé en deux camps qui se haïssent jusque dans leurs conceptions respectives de la justice, en est-il arrivé là?

Petit rappel des faits. Le 1er juillet dernier, Isabelle Prévost-Desprez, présidente de la chambre financière du tribunal de Nanterre chargée de juger le photographe François-Marie Banier, soupçonné d'abus de faiblesse au préjudice de Liliane Bettencourt, a décidé de reporter sine die le procès de l'artiste, en ordonnant un supplément d'information. Soit la réalisation d'investigations complémentaires, jugées indispensables par la magistrate et de nombreuses parties depuis la révélation du contenu des enregistrements pirates, réalisés entre mai 2009 et mai 2010 à l'insu de l'héritière de l'empire L'Oréal et de ses plus proches conseillers, dans son hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine.

Le parquet de Nanterre s'est opposé à la décision de la juge Prévost-Desprez, arguant qu'il menait déjà trois enquêtes préliminaires sur les multiples volets de l'affaire (familial, fiscal et politique), investigations dont les mêmes enregistrements pirates sont à l'origine. Mais mardi 13 juillet, la 8e chambre correctionnelle de la cour d'appel de Versailles, présidée par Marie-José Valantin, a donné raison à Mme Prévost-Desprez en l'autorisant à mener ses propres investigations sur les derniers développements de l'affaire. Parallèlement à celles du parquet, donc.

MEDIAPART - 17/07/10

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