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Pyongyang prépare les funérailles grandioses de Kim Jong-il

À l'entrée du mausolée Kumsusan, le visiteur passe dans un sas de décontamination où une soufflerie époussette le moindre grain de poussière. Auparavant, ses semelles ont été brossées et, parcourant un long tapis roulant, il a croisé des familles en costume traditionnel, les traits amaigris, à l'expression terrifiée. Puis, dans le hall des lamentations, il patiente sous les haut-parleurs qui rappellent les millions d'hommages qui ont convergé vers «le plus grand homme de l'histoire de l'humanité». Enfin, le visiteur pénètre dans le saint des saints, au cœur de ce palais aux allures de bunker, fossilisé depuis la mort de Kim Il-sung, en 1994. Au plafond, une lumière orangée tamise l'obscurité et accentue le mystère. Au centre de la pièce, sous des projecteurs blafards, la dépouille du «président éternel» brille sur un catafalque rouge sang, protégé d'un cercueil de verre. L'épicentre d'une secte d'État, qui a érigé en dieu son fondateur.

C'est ici, à quelques kilomètres du centre de Pyongyang, que Kim Jong-il rejoint définitivement le panthéon nord-coréen, mercredi, lors de funérailles grandioses. Le déroulement précis de cette gigantesque mise en scène reste un mystère pour les étrangers qui ne sont pas conviés, mais le sens idéologique est évident: les obsèques marqueront le passage de témoin symbolique entre la seconde et la troisième génération de «la lignée du mont Paekdu», du nom du lieu de naissance mythique de la nation coréenne. Une première dans l'histoire du monde communiste. Le jeune héritier Kim Jong-un succédera à son père décédé le 17 décembre et sera le grand ordonnateur de cette cérémonie visant à justifier la passation de pouvoir dynastique.

Suivant le modèle des funérailles de son grand-père, fondateur du régime, le jeune général âgé de moins de trente ans sera le dernier à s'incliner devant la dépouille embaumée. Avant lui, les personnages clés du nouveau pouvoir défileront, en particulier son oncle Chang Song-taek et sa tante Kim Kyoung-hui, générale quatre étoiles et sœur du défunt. Avant le dernier envoi, le corps du «cher dirigeant» traversera la capitale à bord d'une gigantesque limousine noire afin de recevoir l'hommage des habitants massés le long des immenses avenues staliniennes. Son père avait effectué cet ultime voyage à bord d'une Cadillac ; peut-être Kim Jong-il roulera-t-il une dernière fois à bord de son auto immatriculé 216, en l'honneur de sa date de naissance (16 février)?

L'ère du Songun

Le périple permet au régime de passer en revue les grands monuments de la cité bâtis à la gloire des Kim, afin de mieux justifier une transmission du pouvoir par le sang qui ne va pas de soi dans un régime communiste. Après avoir roulé le long de la rue de la réunification, le convoi saluera la tour du Juché, cette idéologie exaltant l'autarcie et inventée de toutes pièces pour asseoir l'indépendance des Kim vis-à-vis des grands frères Moscou et Pékin. Puis le cortège traversera la place Kim Il-sung, au cœur de la capitale de 3 millions d'habitants, où le pouvoir montre ses muscles, lors de parades militaires grandioses. En 1996, Kim Jong-il décréta l'ère du Songun, la «priorité à l'armée», pour consacrer plus de 25% du PIB à la défense et décrocher la capacité nucléaire, dix ans plus tard. Une priorité déjà confirmée par son troisième fils et héritier, qui vient d'être bombardé «commandant suprême».

En dépit des apparences, «il ne s'agit pas d'un régime communiste. Il s'apparente beaucoup plus à l'idéologie fasciste de l'entre-deux-guerres», juge Brian Myers, expert ès propagandes nord-coréennes à l'université Dongseo, à Busan. «Kim Il-sung a emprunté beaucoup au modèle raciste du Japon impérial des années 1930», ajoute le professeur américain, dont l'ouvrage, la «race des purs» résume le projet de Pyongyang. Empruntant également à l'imagerie chrétienne, telle l'étoile mystérieuse apparue le jour de la naissance de Kim Jong-il et à la tradition confucéenne du respect filial, la propagande a établi un socle idéologique visant à prolonger la mainmise totale d'une famille sur 23 millions d'habitants.

Kim Il-sung et Kim Jong-il, dont les portraits ornent chaque appartement, sont les pères protecteurs d'une population coupée du monde grâce à un contrôle absolu sur l'information. Aucun accès à Internet ou aux télévisions internationales pour des sujets qui portent tous sur la poitrine un petit pin's rouge, en l'honneur de leur «père».

Un héritage lourd à porter pour le jeune héritier, désormais au pied du mur pour maintenir au pouvoir la «lignée du Mont Paekdu».

Le Figaro - 27/12/11

Commentaires

  • tout se déroule dans la grande tradition du culte de la personnalité , style stalinien, avec le coeur des pleureuses , etc!!
    salutations.

  • Cela plaît aux foules.

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