Par Pierre Avril Mis à jour le 01/06/2012 à 19:21 | publié le 31/05/2012 à 20:08
Le président russe, Vladimir Poutine, le 30 mai, lors d'un discours prononcé à l'occasion du vingtième anniversaire du Conseil de sécurité de la Russie.Crédits photo : Alexei Nikolsky/AP
Le président russe dîne vendredi avec François Hollande à l'issue d'une tournée européenne entamée en Biélorussie.
Si la diplomatie est affaire de symboles, sans doute faut-il voir dans la mini-tournée européenne que Vladimir Poutine a entamée jeudi le peu de considération que le nouveau président russe témoigne, en pleine crise syrienne, à l'égard des membres de l'Union européenne. Pour son premier séjour à l'étranger depuis son investiture, le chef du Kremlin a choisi la Biélorussie, dirigée par l'autocrate Alexandre Loukachenko, et dont la plupart des hauts dirigeants, interdits de séjour sur le territoire européen, font l'objet de sanctions de l'UE.
Vendredi, il est allé à Berlin pour rencontrer la chancelière Angela Merkel. Tous deux se sont prononcés en faveur d'une «solution politique» en Syrie. «Cela demande un certain professionnalisme et de la patience», a jugé Vladimir Poutine, qui a par ailleurs catégoriquement démenti toute livraison par son pays d'armes utilisables «dans une guerre civile» en Syrie.
Après sa visite en Allemagne, le président russe se rend dans la foulée en France, où il doit dîner avec François Hollande. Il attendra lundi pour rencontrer à Saint-Pétersbourg les dirigeants de Bruxelles pour un sommet UE-Russie. Un ordre protocolaire jugé «un peu choquant» par un haut fonctionnaire européen, à défaut d'être «étonnant».
Le dossier syrien devrait également dominer la «prise de contact» avec le nouveau locataire de l'Élysée. L'hypothèse évoquée par François Hollande d'une intervention militaire a réveillé les craintes de la Russie, qui, outre son refus catégorique d'une telle option, ne veut pas entendre parler d'une nouvelle résolution à l'ONU condamnant Damas. «Le nouveau président français ne sera pas différent de son prédécesseur», croit Evgueni Satanovski, président de l'Institut du Proche-Orient, pro-Damas. La politique arabe de Nicolas Sarkozy avait irrité Moscou. Après le massacre de Houla, «la situation a changé, il est temps d'ouvrir un nouveau chapitre, et celui-ci ne pourra s'écrire qu'avec les Russes», plaide un diplomate français.
Agir sans mandat de l'ONU?
En attendant, Vladimir Poutine ne semble pas près de fléchir. Toute pression diplomatique de l'Occident serait «très inappropriée», a prévenu son porte-parole, Dmitri Peskov. «La position de la Russie est bien connue, elle est équilibrée, constante et absolument logique», a-t-il insisté. Pour la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, la politique russe en Syrie risque au contraire de «contribuer à une guerre civile».
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a exhorté Damas à appliquer le plan du médiateur Kofi Annan. «Des massacres (comme celui de Houla) peuvent faire sombrer la Syrie dans une guerre civile catastrophique, une guerre civile dont le pays ne pourra jamais se relever», a-t-il dit jeudi. Les rebelles syriens ont donné jusqu'à vendredi midi au régime de Bachar el-Assad pour appliquer le plan Annan, qui prévoit notamment l'arrêt des violences, faute de quoi ils ne s'estimeront plus tenus par ce plan.
Alors que le gouvernement syrien a libéré 500 prisonniers détenus pour leur participation présumée à la révolte, l'armée syrienne a bombardé de nouveau jeudi la région de Houla. Faute d'une initiative rapide du Conseil de sécurité pour faire pression sur la Syrie, les États membres pourraient envisager d'agir sans mandat de l'ONU, a averti mercredi soir Susan Rice, l'ambassadrice américaine auprès des Nations unies.
Moscou, qui fait face à sa propre guérilla islamiste dans le Nord-Caucase, considère que la dégradation de la situation en Syrie lui donne raison. Mais le Kremlin veille aussi à ce que le dossier n'empoisonne pas ses relations bilatérales avec l'Allemagne et la France, ses deux principaux partenaires commerciaux européens. «Poutine est à la recherche du point d'équilibre entre sa politique intérieure et sa politique étrangère», résume un diplomate européen.
Le Figaro