Pour la deuxième fois, le Sénat a levé hier son immunité parlementaire
La justice soupçonne le président PS du Conseil général d'avoir commis des délits de "corruption passive, de trafic d'influence et de participation à une association de malfaiteurs".
Photo Thierry Garro
Connu pour son tempérament superstitieux, au point de nourrir une véritable phobie pour le vert ou de ne pas supporter que l'on prononce certains mots en sa présence, Jean-Noël Guérini espérait peut-être que le 12/12/2012 lui porte chance...
Raté, le bureau du Sénat a pour la deuxième fois de l'année décidé de lever l'immunité parlementaire du président PS du Conseil général. Une décision qui va permettre au juge Duchaine de faire placer l'élu en garde à vue, afin de l'interroger notamment sur des marchés publics qui auraient donné lieu à du favoritisme et sur des pots-de-vin versés par des entrepreneurs pour pouvoir ouvrir une maison de retraite dans le pays d'Aix.
Les sénateurs n'ont pas hésité
En mars dernier, lorsque les 26 membres du bureau du Sénat avaient dû étudier une première demande de levée d'immunité parlementaire de Jean-Noël Guérini, certains avaient fait part de leurs réticences, qu'ils avaient manifestées en s'abstenant lors du vote à bulletin secret.
Rien de tel hier, selon un des élus appelés à se prononcer : "Le dossier était beaucoup plus lourd". De bonne source, les récentes mises en examen dans cette instruction judiciaire de Bernard Barresi et de Michel Campanella, deux noms du grand banditisme marseillais, n'ont pas échappé aux sénateurs.
En fait, après l'exposé du rapport du centriste Jean-Léonce Dupont qui avait analysé le courrier adressé par le juge Duchaine, les débats ont surtout porté sur les "fuites" apparues dans la presse. Dans le communiqué, le bureau a donc exprimé "ses préoccupations sur la violation du secret de l'instruction" : "L'application de cette règle, qui doit être pleinement respectée, notamment par ceux qui en ont la charge, pourrait faire l'objet d'une réflexion et de propositions dans le cadre des travaux de contrôle et d'évaluation de la Haute Assemblée".
"Je souhaitais cette décision"
"Je souhaitais cette décision, car je veux, dans les délais les plus brefs, apporter toutes les explications nécessaires à la manifestation de la vérité", a réagi Jean-Noël Guérini. Il rappelle qu'il est "un citoyen comme un autre, bénéficiant de la présomption d'innocence". Pour son avocat, Me Dominique Mattei, "c'est un peu de la justice spectacle ! Cela ne changera pas la teneur de ses réponses aux questions que le juge aurait pu lui poser directement".
Quel calendrier pour le juge Duchaine ?
Accordée hier matin, la levée d'immunité parlementaire a été aussitôt transmise au ministère de la Justice : "Elle est sur le bureau de Christiane Taubira et doit être publiée ce jeudi au Journal officiel", indiquait-on dans l'après-midi.
Autrement dit, le juge Duchaine aura la possibilité à partir de la semaine prochaine de franchir une nouvelle étape (1). Reste à savoir sous quelle forme : Jean-Noël Guérini sera-t-il à l'avance convoqué par courrier ce qui impose un délai, recevra-t-il un appel téléphonique lui demandant de se présenter chez les gendarmes toutes affaires cessantes ou les enquêteurs procéderont-ils à une interpellation ?
Dans tous les cas, il est plus que probable que son frère Alexandre sera également placé en garde à vue dans le même temps.
Il se pourrait également que cette opération survienne au moment où la cour d'appel d'Aix se prononcera sur la mise en détention provisoire ou non de Bernard Barresi et de Michel Campanella. Si rien ne se passe la semaine prochaine, il ne faut pas pour autant s'attendre à une "trêve des confiseurs" durant les fêtes de fin d'année : à plusieurs reprises, le magistrat a fait procéder à des perquisitions ou à des auditions au moment de Noël.
(1) Légalement, il aurait selon une source gouvernementale pu agir dès la décision du bureau connue, autrement dit dès hier après-midi.
La Provence