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Crimée : un défi à la démocratie encadrée

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Le 17 mars 2014
Aucun observateur de bonne foi ne peut contester la sincérité du scrutin et la liesse de la population à l’annonce des résultats.
         

La démocratie directe n’est pas seulement la forme primitive mais la forme la plus pure de la démocratie. Le peuple souverain y exerce lui-même le pouvoir dont il est la seule source. La démocratie représentative ou parlementaire n’est, dans son principe, qu’une commodité qu’impose le réalisme. Faute de pouvoir trouver une salle assez grande pour réunir le peuple tout entier, et parce que celui-ci ne peut se mobiliser en permanence, il délègue pour un temps donné son pouvoir à des représentants. Dans la pratique, ceux-ci sont d’autant plus enclins – on ne le sait que trop – à prendre des libertés avec leur mandat que celui-ci n’est pas impératif et qu’il n’existe pas de procédure de révocation des élus infidèles. Au moins des consultations périodiques les contraignent-elles à remettre en jeu la délégation qui leur a été consentie et le recours au référendum est censé donner au peuple la parole sur les questions qui engagent les grandes orientations et l’avenir de la collectivité.

Cela étant dit, le suffrage universel étant la règle générale, les élus – à défaut de satisfaire leur rêve secret, qui est de s’y dérober – s’ingénient et excellent à inventer des subterfuges pour ruser avec le peuple dont ils sont supposés être les serviteurs et dont ils aspirent à devenir les maîtres. C’est à cette finalité qu’appartient ce dévoiement, en voie de généralisation et d’aggravation, que l’on pourrait qualifier de démocratie encadrée.

L’encadrement de la démocratie a pour raison d’être, lorsque le peuple n’a pas voté comme il aurait dû le faire, de contourner, d’ignorer, de bafouer ou de rejeter ses choix qui sont qualifiés par ceux qui savent mieux que lui ce qui est bon pour lui d’erronés, d’irréfléchis, d’inacceptables, voire, comme hier après le référendum de Crimée, d’illégaux et illégitimes.

La méthode la plus douce consiste, après avoir constaté l’erreur commise par un peuple, à le faire voter de nouveau sur le même sujet jusqu’à ce qu’il soit revenu à la raison. Ainsi fut-il fait lorsque, en 1992, le Danemark se permit de refuser le traité de Maastricht. De nouveau convoqués en 1993, les Danois vinrent à résipiscence. De même les Irlandais, qui avaient osé dire « non » au traité de Lisbonne en 2008, convinrent-ils de leur faute en 2009.

Les Français, en 2005, eurent droit à un traitement plus sévère. Une nette majorité avait repoussé le traité constitutionnel européen. Plutôt que d’affronter de nouveau un électorat dont l’hostilité à la construction européenne ne cesse de croître, la caste politique qui gouverne la France n’a pas hésité à abolir, en fait, le référendum et à faire voter par un Parlement docile, sous une autre dénomination, les dispositions mêmes qui avaient été rejetées par le peuple.

Pour avoir restreint, il y a un mois, la libre installation de travailleurs étrangers sur le sol national, les Suisses n’ont pas seulement eu droit à la réprobation générale de tout ce qui compte en Europe. N’ayant pas les moyens de les faire revenir en arrière, l’oligarchie européenne les a avertis qu’ils seraient l’objet de mesures de rétorsion qui leur feraient regretter amèrement leur votation.

Si précipité et brutal qu’ait été le processus que la Russie a imposé en Crimée, aucun observateur de bonne foi ne peut contester la sincérité du scrutin et la liesse de la population à l’annonce des résultats. Alors, franchissant un pas de plus dans l’encadrement de la démocratie, les États-Unis et leurs satellites européens ont aussitôt annoncé un premier train de sanctions qui devrait être suivi d’un deuxième train de rétorsion et d’un troisième convoi de représailles contre les initiateurs et les organisateurs du référendum de dimanche dernier.

C’est, nous dit-on, que ce vote est illégal. La remise en cause des frontières intangibles d’un État souverain constitue une violation flagrante du droit international. Accessoirement, il n’a pas été tenu compte des aspirations de la minorité tatare. On n’a pas souvenir que l’OTAN ait été aussi scrupuleuse lorsqu’elle a détaché le Kosovo de la Serbie au mépris de l’histoire, des traités et des droits de la minorité serbe. Quels étaient les fondements légaux du rattachement de la Crimée, russe de fait, de droit et de cœur depuis 1783, à l’Ukraine ? Une décision prise par Nikita Khrouchtchev, il y a soixante ans, lorsque l’Ukraine et la Crimée étaient également incluses dans l’Union soviétique, et l’indépendance concédée à cet ensemble hétérogène, en 1991, par un Boris Eltsine qui ne maîtrisait pas plus sa politique étrangère que sa consommation interne. C’est sur une base fragile, pour ne pas dire arbitraire, que reposait un État, création aussi artificielle que nombre d’entités consécutives au traité de Versailles ou à la décolonisation, qui apparaît clairement comme un puzzle dont vingt ans n’ont pas réussi à faire une nation.

Quoi que l’on pense de Vladimir Poutine et de son indifférence aux objections juridiques comme aux menaces financières de l’Occident, le référendum du 16 mars a remis l’église au centre du village et la légitimité à son seul détenteur : le peuple.

Dominique Jamet

BOULEVARD VOLTAIRE

Commentaires

  • Le gros avantage de la démocratie représentative, c’est qu’il est beaucoup plus facile d’acheter 575 députés dociles comme des moutons que 65 millions d’habitants ! Et comme les mondialistes ne manquent pas d’argent vu qu’ils ne cessent pas de nous le voler, tout va très bien pour eux !

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