Rhône. En matière de délinquance, la polyvalence est peu pratiquée. Qui sont ces équipes spécialisées qui ratissent villes et campagnes ? Qui sont ces nouveaux venus qui grignotent le territoire des malfrats locaux ? Inventaire.
Dans un rapport datant de 2012-2013, le Sirasco (1) de la Police judiciaire dressait un panorama de la criminalité organisée sur le territoire.
Constat : la montée en puissance des gangs issus des banlieues et des pays de l’Est. Qu’en est-il dans le Rhône ? Nous avons voulu savoir qui fait quoi dans le département et avons interrogé les services de police, de gendarmerie et des douanes qui nous ont donné les grandes tendances basées sur leurs observations (2) et les arrestations.
Face à une forme de délinquance, ils reconnaissent investiguer dans certaines directions en se référant à des modes opératoires, mais se gardent de généraliser d’autant qu’à l’heure de la communication, rien n’est figé.
De plus ces tendances pointent – forcément – ceux qui ne passent pas à travers les mailles du filet. « Pourquoi arrête-t-on surtout ces populations ?, interroge un haut gradé.
On ne sait pas si c’est parce qu’ils sont plus nombreux à commettre des faits ou qu’ils sont moins doués pour se cacher ».
Les distributeurs de billets et la ferraille
Les distributeurs bancaires : chacun son truc
En 2013, les forces de l’ordre se sont trouvées confrontées à une série d’attaques de distributeurs automatiques de billets (DAB) au gaz explosif. Premiers suspects : les groupes de gitans qui par le passé se sont fait connaître dans le Sud par des arrachages de DAB avec des gros engins. Les soupçons se vérifient. Les gendarmes arrêtent en octobre et en décembre deux équipes différentes actives dans tout l’Est de la France.
Sur les quatre groupes interpellés en France, tous appartiennent à la communauté des gens du voyage. Elles opèrent avec des véhicules volés et de forte cylindrée. Pour les piratages de DAB, les voleurs ont chacun leur spécialité.
Le skimming (copie de cartes bancaires avec un faux lecteur) est plutôt l’œuvre d’équipes de Bulgares ou de Russes,
les Roumains pratiquant le cash-trapping (réglette qui retient les billets). Plus sophistiqué, le système du collet marseillais (dispositif installé dans la fente du distributeur qui capture la carte) est plutôt utilisé par des bandes venues des banlieues marseillaises.
La ferraille : un marché juteux
L’interpellation en janvier d’un chef d’entreprise lyonnais de Gerland a mis en lumière les bénéfices retirés par le trafic de métaux. Les 2/3 de son activité tournaient grâce à des « petites mains », des Roms qui venaient vendre de la ferraille et notamment des câbles volés sur les lignes SNCF. Toujours en janvier, les gendarmes ont arrêté à Belleville un groupe de huit Roms très actifs. Spécialistes du genre : les délinquants itinérants étrangers mais aussi français (gens du voyage).
Trafic de stupéfiants et braquages
Les stups : les caïds des cités
Le trafic de cannabis reste encore détenu à majorité par les bandes des cités et des familles marocaines. Normal : le haschich provient du Maroc et il faut avoir construit des liens avec le Maghreb et l’Espagne pour développer son business. IL faut également disposer d’une infrastructure et d’une main-d’œuvre locale pour stocker et vendre la marchandise et la surveillance du quartier.
Pour l’héroïne, les policiers voient monter depuis quelque temps les Albanais qui disposent d’une source d’approvisionnement en or : le sud du pays est une zone de production. Début mars, le groupe enquête antidrogue Ouest et la brigade des stups de la Sûreté ont mis fin aux activités de deux ressortissants qui écoulaient sur le marché lyonnais.
La mafia albanaise s’est implantée stratégiquement à Anemasse près de la frontière suisse. Elle concurrence les locaux : les toxicos adeptes de « la route du Luxembourg ». Les trafiquants de cocaïne viennent de tous horizons. Pas de groupes bien déterminés mais des personnes qui fréquentent les lieux festifs. On voit néanmoins l’émergence de Dominicains, liens entre vendeurs et acheteurs.
Les braquages près de chez soi
Les gros braqueurs de banques d’autrefois ont laissé la place à une nouvelle génération de malfrats. Si les bandes très organisées en provenance de la banlieue lyonnaise s’attaquent avec de l’armement lourd aux bijouteries ou aux casinos et poussent jusqu’en Suisse, les petits monte-en-l’air frappent au coin de la rue.
Pas encore ancrés dans la délinquance, ils enfilent une cagoule et visent la boulangerie ou le bureau de tabac de leur quartier et se sauvent en scooter. On trouve des très jeunes des cités et des toxicomanes.
Cambriolages et vols
Vols par effraction : la vague des casseurs de l’Est
Les cambriolages sont le nouveau fléau auquel sont confrontées les forces de l’ordre dans le Rhône comme ailleurs. Leur nombre a flambé : plus 30 % en 2013. Les arrestations permettent de voir la part occupée par les étrangers (un tiers) dont la plupart sont des groupes itinérants et organisés venant d’Europe de l’Est. Les deux tiers restants se partagent entre les jeunes mineurs des banlieues, les toxicomanes et les gens du voyage.
Policiers et gendarmes ont appris à reconnaître les techniques d’effraction des bandes de l’Est. En pointe : les mafieux géorgiens (les voleurs dans la loi), redoutables d’efficacité en ville et les réseaux albanais plus actifs en zone semi-urbaine. Très mobiles, ils marquent les esprits parce qu’ils frappent en série alors que les cambrioleurs « classiques » se contentent d’un casse par jour. Ils recherchent surtout les bijoux en or.
Les cambriolages éclairs de sociétés
Ici, le profil des casseurs est différent. « On a affaire à des bandes structurées qui viennent avec des fourgonnettes et du gros outillage comme des disqueuses thermiques », détaille un gradé. Ceux qui opèrent ? Essentiellement des groupes de gens du voyage et des gangs des cités. Peuvent vider en quelques minutes un magasin de vêtements ou d’électroménager.
Chapardages : très visibles mais petit préjudice
Les chapardeurs de portefeuilles ou de sacs dans les transports en commun interpellés sont en grande majorité des mineurs roms. Le vol dit à la tire est un moyen de subsistance pour la communauté. « On a beaucoup de gamins et de gamines qui mentent sur leur âge, donnent n’importe quelle identité et disent ne pas avoir de parents », confie un enquêteur lyonnais.
Mais il existe aussi des « tireurs » locaux, plus âgés et expérimentés et qui opèrent seuls. La délinquance rom qualifiée de « clanique », « primaire » et « multicartes » est présente aussi dans la fauche dans les commerces. « Le vol à l’étalage a toujours existé et tout le monde en fait, confie un gendarme mais les Roms, surtout les femmes, ont industrialisé la chose ».
Les vols par ruse : cherchez les femmes
Un classique qui marche toujours malgré les mises en garde répétées des forces de l’ordre. Par deux ou trois, ils se présentent au domicile de personnes âgées, se font passer pour des plombiers, agents des eaux, etc. pour qu’on leur ouvre la porte. Imparable. « Le vol par ruse, c’est manouche, constate un policier chevronné. On a arrêté des couples, des groupes de trois qui montent des stratagèmes ». Nouvelles venues sur le marché, des femmes de l’ex-Yougoslavie qui simulent des malaises sur le palier de leur future victime.
Point par point
Prostitution : l’autre vague de l’Est
C’est un des rares secteurs où on trouve des réseaux « black ». Sous la coupe de mères maquerelles (les « mamas »), les prostituées africaines (Guinée équatoriale, Nigéria, Sierra Leone…) représentaient en 2012, 40 % des filles qui « tapinaient » dans la rue (en camionnettes ou à pied). Mais les Africaines voient de plus en plus leur trottoir assiégé par des filles de l’Est.
Les réseaux pourvoyeurs recrutent en Roumanie, Albanie et Bulgarie. Tout en bas de l’échelle, les Roms ont fait aussi leur percée. Les Russes et les Ukrainiennes prospectent surtout sur le net et visent une clientèle plus fortunée.
Contrebande de cigarettes
Une affaire a été résolue le mois dernier dans le quartier de Lyon-Perrache qui mettait en cause un Kosovar. Les vendeurs kosovars de cartouches « montent en puissance ». Ils travaillent avec les mafias ukrainiennes, polonaises et biélorusses ou s’approvisionnent au Luxembourg. Le marché de la contrefaçon de cigarettes en provenance de Chine est plus difficile à appréhender.
Trafic d’armes
Provenant de l’ex-Yougoslavie, les armes de guerre ont longtemps été la spécialité du milieu manouche. Ont été rattrapés par les mafias des Balkans qui alimentent le grand banditisme (caïd des cités).
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(1) Sirasco : service d’information, de renseignement, d’analyse stratégique sur la criminalité organisée. « Le Monde » du 14 décembre 2013.
(2) Les statistiques par nationalité ne sont pas autorisées.
Annie Demontfaucon
Le Progrès
Commentaires
A noter que le tableau fait davantage référence à la "délinquance" plutôt qu'à la "criminalité".
Quant à ce qu'il est convenu d'appeler la "criminalité en col blanc", l' article fait totalement l'impasse sur le phénomène..., sans doute parce qu'elle n'est pas toujours "très catholique"...
une diversité comme l,aime la gauche . .!!
salutations.