Paris vient de célébrer le 70e anniversaire de sa libération du joug allemand, l'un des plus grands jours de son histoire. Parmi les plus sombres, sans doute ce 23 juin 1940 où le leader nazi vient voir sa nouvelle conquête.
Charles de Saint Sauveur | 13 sept. 2014, 07h00
Le marchand de journaux de la place de l'Opéra, qui ajuste son présentoir, s'arrête tout à coup, comme pétrifié. Pas de doute, c'est bien Hitler, l'homme qui vient de faire tomber la France ! Sanglé dans un long manteau de cuir boutonné jusqu'au col, le chef nazi est flanqué d'une escorte qui avance d'un pas raide. La casquette, trop grande, lui mange le visage, barré par son étrange ruban de moustache.
Ce petit tour au Palais Garnier a sorti Hitler de l'humeur maussade qui ne le quitte pas depuis que son Condor, un quadrimoteur beige, s'est posé au Bourget, à 5 h 30. La veille pourtant, il a tordu le bras à la France, en lui faisant signer à Rethondes un armistice humiliant. Et en cette aube du 23 juin 1940, le voici à Paris, la ville qu'il rêve de voir en vrai, et plus seulement dans les nombreux livres de sa bibliothèque personnelle. Alors quoi, puisque tout lui sourit ? Son escorte, une trentaine de dignitaires, sait à quoi s'en tenir quand leur Führer rumine ses pensées. A l'arrière de la Mercedes qui traverse la porte de la Villette, le sculpteur officiel du III e Reich, Arno Breker, et l'architecte Albert Speer s'en tiennent prudemment à quelques généralités. Son humeur est peut-être assombrie par l'atmosphère lugubre qui enveloppe la Ville Lumière, aux mains des nazis depuis déjà dix jours. Le bruit des bottes allemandes a fait décamper un tiers des habitants, et c'est une forêt de volets clos que traverse la file des cinq berlines allemandes.
Il est 6 heures dans ce Paris désert, quand le cortège se gare à l'Opéra. En levant les yeux sur sa façade néoclassique, ce fou de Wagner donne enfin le la : « Le plus beau théâtre du monde », s'extasie-t-il, affichant un air enfin détendu.
A l'intérieur, il grimpe l'escalier monumental jalonné de statues, s'arrête au foyer de la danse illustré par Degas, demande à voir la loge du président de la République... Sa connaissance parfaite des plans de Garnier bluffe sa petite suite de courtisans.
Direction la Madeleine, qui le laisse de marbre, puis la place de la Concorde qu'il trouve magnifique quoiqu'un peu trop ouverte. La décapotable de tête, où il a pris place, emprunte maintenant les Champs-Elysées vers l'Arc de Triomphe qui, selon Breker, le « transporte d'enthousiasme ».
Il veut le même à Berlin, mais en deux fois plus grand pour célébrer l'Allemagne victorieuse ! Il faut dire que Napoléon, qui a fait édifier le monument, inspire Hitler. Aux Invalides, il s'incline longuement devant le tombeau en quartz rouge abritant les cendres de l'empereur français. Pour l'occasion, il troque son manteau pour une gabardine blanche, ôte sa casquette, s'incline légèrement puis médite de longues minutes. Il confiera plus tard avoir vécu « le plus grand et le plus beau » moment de sa vie.
Entre-temps, il a sillonné l'ouest bourgeois vidé de ses résidents, posé pour la propagande avec la tour Eiffel en arrière-fond. Le Panthéon -- où il est gêné par l'odeur de moisi --, Notre-Dame, l'hôtel de ville, la place Vendôme, puis le Ventre de Paris. Aux Halles, un petit groupe de poissonnières s'approche. « La plus corpulente leva la main, montra Hitler et se mit à crier : c'est lui, c'est lui ! », se souviendra un accompagnateur. La Blitz Besuch (« visite éclair ») se termine au Sacré-Coeur, qualifié d'« horreur ». Peu importe puisque du haut de la butte Montmartre, tout Paris est couché à ses pieds. « Je remercie le destin. Il m'a permis de voir cette grandiose cité qui m'a toujours fasciné », lâche-t-il à Breker.
A 8 h 30, le quadrimoteur orné d'une croix gammée redécolle du Bourget. Avant de s'évanouir dans l'horizon, il survole Paris une dernière fois, tournoyant comme un aigle surveillant sa proie.
Le Parisien
Commentaires
Une occasion manquée, parmi bien d'autres .
Certains pensèrent alors que le dictateur allemand, stupidement prisonnier du nationalisme d'antan , avait tout raté .
Ils avaient raison , hélas !
Le faux grand homme manqua l'occasion unique de favoriser à l'encontre des ganaches réacs , une véritable révolution socialiste dans les pays vaincus .
Il en aurait gagné les peuples à sa cause . Peut-être le cauchemar actuel nous serait-il épargné ...
Il a quand même eu la chance de voir un Paris sans racailles ;o)
Ce qui ne fut pas une chance pour la France
le chef des envahisseurs d,antan avait au moins apprécié les charmes de la capitale , ceux de nos jours l,apprécient moins . .!!
salutations.
Paris , ville qui fascine les marseillais !....- il parait que Marseille fascine les parisiens.....! , tiens c est rigolo d entendre cela ..!! , , ok Hitler était inquiétant , néfaste,dangereux etc ...mais quand je vais à Paris , je vois bien d autres individus qui ne "vaudraient" pas mieux s ils le pouvaient.....et parfois.....ils le "peuvent".......GAUTHIER MICHEL 13