Israël et Daesh, les grands perdants
Jean Bonnevey
le 18/07/2015
Riyad et Tel Aviv font grise mine. Une grande puissance mondiale est réintégrée dans le grand jeu régional : l’Iran. L’ancien pays du « soleil des aryens » est bien entendu une puissance islamiste pratiquant à sa façon un obscurantisme musulman. Mais c’est un pays chiite et de population non arabe, un empire historique majeur de l’histoire de l’humanité.
Son caractère chiite fait frémir l’Arabie saoudite et son islamisme inquiète Israël. Les américains, soutiens de ces deux pays devenus des alliés objectifs, se rapprochent de l'Iran dans une nouvelle tentative de quadrature du cercle pour maintenir une domination de plus en plus fragilisée.
Mauvaise nouvelle pour les uns, la nouvelle donne iranienne en est une très bonne pour d' autres. On pense à la Syrie et à l’Irak confrontées, en tant que pays en partie chiite, à la guerre religieuse mené par le prétendu califat.
C’est une bonne nouvelle pour la Russie de Poutine qui voit se renforcer l'un de ses alliés naturels aux côtés de la Chine et des pays du Brics pour contrebalancer l'impérialisme démocratique des Usa et de leur communauté internationale. D’où la tonalité des réactions soulignées par Le Monde.
A part les critiques explicites d’Israël, un concert de congratulations crispées et artificielles a accueilli, au Moyen-Orient, la signature de l’accord sur le nucléaire iranien, mardi 14 juillet à Vienne. Les Emirats arabes unis et le Koweït ont respectivement adressé des télégrammes de félicitations à l’Iran pour cet « accord historique », et d’espoir pour cette « nouvelle page » vers la stabilité et la sécurité dans la région.
Masquant mal sa déception, l’Arabie saoudite a adressé à son grand rival régional ses espoirs de bâtir de « meilleures relations » sur la base du « bon voisinage et de la non-ingérence dans les affaires internes ». Ces félicitations polies et ces vœux pieux masquent mal la réelle inquiétude des puissances arabes sunnites de voir les appétits régionaux de Téhéran aiguisés par son retour en grâce sur la scène internationale et la confrontation avec le rival chiite connaître une nouvelle escalade.
En Iran bien sûr, c’est très différent.
Au lendemain de l’accord sur le nucléaire conclu à Vienne entre l’Iran et les négociateurs du groupe des 5+1, la presse iranienne célèbre la fin des sanctions et l’avènement d’une nouvelle ère.
“Le monde a changé”. C'est ainsi que le quotidien réformateur Etemaad annonce en une l'accord sur le programme nucléaire de Téhéran, avec les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, plus l'Allemagne, à Vienne. «L'univers se renouvelle et cela est une vérité qui se déroule devant nos yeux», écrit Javad Daliri dans l'édito d’Etemaad, intitulé “Une nouvelle ère”. «Rares sont les incidents qui changent le cours de l’Histoire. Sans aucune exagération, les pourparlers entre l'Iran et les pays du groupe des 5+1 en sont un», poursuit ce journaliste.
Un autre quotidien réformateur, Shargh, a publié en une un grand cliché du ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, et de son homologue américain, John Kerry, se serrant la main. Une scène et une photo inimaginables il y a quelques mois, tant l’animosité entre les deux pays, qui n'ont plus de relations diplomatiques depuis 1980, a été grande. “La victoire sans guerre”, titre Shargh en une. Le quotidien évoque en surtitre les scènes de joie dans les rues de Téhéran et d'autres villes du pays, après l'annonce de l'accord.
Le quotidien conservateur Siasat Rooz est allé encore plus loin dans son hommage aux négociateurs iraniens en qualifiant le résultat des négociations d’“échec des Etats-Unis”. Car, selon l'auteur, Mohammad Safari, «les Etats-Unis doivent savoir que la république islamique d'Iran peut, à l'aide de sa bonne gestion et son intelligence, les obliger à accepter ses droits légaux et légitimes».
En revanche, le quotidien ultraconservateur Kayhan est resté fidèle à sa ligne critique de la diplomatie nucléaire d’Hassan Rohani, qui ne fait donc pas ' unanimité. Il consacre sa une aux différences entre le texte publié par le ministère iranien des Affaires étrangères et celui diffusé par les Occidentaux, et conclut que “Les lignes rouges [définies par le guide suprême] n'ont pas été respectées”. «La distance entre cet accord et nos revendications minimales est énorme et impardonnable», se désole le quotidien.
Si la levée des sanctions est limitée, tardive et décevante cela fera le jeu de ceux qui préfèrent un Iran sectaire à un Iran influent.
Quant au droit au nucléaire militaire d’un pays indépendant et la capacité de l'Iran, malgré l’accord, à y parvenir…. C’est une autre histoire…. A suivre.
METAMAG