À quelques semaines de Noël, les produits fabriqués en France sont à l'honneur dans plusieurs enseignes.
Impossible de rater le slogan: «Cette année, le Père Noël est toujours fier de fabriquer et de créer en France.»Il est visible dans les rayons des magasins de jouets, qu'il s'agisse de JouéClub, La Grande Récré, Toys'R'Us ou King Jouet. La profession s'est mobilisée le mois dernier pour placer le début de la saison sous l'égide de l'Association des créateurs-fabricants de jouets français (ACFJF), créée il y a deux ans. Dans les catalogues des principaux distributeurs spécialisés, le logo «made in France» a également fait son apparition. Les centres E.Leclerc aussi souhaitent aller plus loin dans cette démarche. Dans les nouveaux magasins Jouets E.Leclerc, l'enseigne indiquera en rayon, sur une carte de France, l'origine géographique des marques qu'elle commercialise.
Ces initiatives sont un moyen de sensibiliser les consommateurs et de gagner en visibilité, à l'approche de Noël. Aujourd'hui, un peu plus de 7 % des jouets vendus en France sont produits sur le territoire national, selon l'organisme qui rassemble 34 marques. C'est deux points de plus qu'il y a cinq ans. «Nous sommes convaincus que les jouets français vendus au niveau national pourraient atteindre 10 % d'ici à trois ans», estime Serge Jacquemier, président de l'ACFJF. Le marché du jouet français est estimé à un chiffre d'affaires annuel de 3,3 milliards d'euros.
Même si la concurrence face à la Chine est rude (65 % des jouets y sont fabriqués), le «made in France» n'a jamais été aussi en vogue, dans l'alimentaire comme dans le jouet. Plus que jamais, les consommateurs veulent connaître l'origine des produits et être rassurés sur leur qualité. «Cela fait cinq ans environ que les clients y sont plus sensibles, souligne Alain Bourgeois-Muller, président de JouéClub. Les crises sociales dans certains secteurs industriels interpellent et incitent à jouer la solidarité avec la production nationale.» Certes, il est difficile pour ces fabricants français de rivaliser avec les poids lourds comme Hasbro, Mattel ou Lego, avec des phénomènes comme Pokémon ou les Yo-kai Watch, ou avec les licences de personnages de films (Star Wars, La Reine des Neiges…). Il n'empêche, certains jouets se sont fait une place au classement des meilleures ventes à l'image des jeux de société d'Asmodee ou de Dujardin. «Les fabricants de jouets français ont réussi à se tailler de belles positions dans de nombreuses catégories, estime Franck Mathais, porte-parole de La Grande Récré. Ils parviennent à exprimer leur savoir-faire et leur talent sans avoir recours à des moyens marketing massifs.» C'est le cas de Sentosphère dans les jeux créatifs, de Smoby et d'Ecoiffier dans les jouets de plein air ou de Sophie La Girafe en premier âge. Des nouveaux venus tirent aussi leur épingle du jeu à l'image de Mako Moulages, qui connaît une deuxième vie après vingt ans de sommeil, ou de Topi Games (Memotep, Sauve Ton Permis), start-up lancée en 2014.
Beaucoup n'ont pas hésité à rapatrier tout ou partie de leur production en France. C'est le cas de Smoby, racheté par l'allemand Simba, qui a fait le pari de doper ses usines hexagonales en y investissant 30 millions d'euros depuis 2008. Même pari pour les maquettes en plastique d'Heller Joustra. L'entreprise a relocalisé sa production en Normandie depuis le début des années 2000 et ouvert un atelier de conditionnement. «Cela nous permet de faire la différence à l'international, notamment vis-à-vis de la clientèle asiatique», explique une porte-parole de l'entreprise.
De son côté, Sentosphère a racheté une société de cartonnage et dispose désormais de trois sites en France, ce qui lui permet de renforcer son autonomie en matière de production. «Fabriquer en France a un coût réel, notamment en raison du niveau des charges, commente Véronique Debroise, PDG de Sentosphère. Mais produire en Asie présente des risques financiers, des coûts de stockage et limite la réactivité en raison des délais liés au transport. Cela pose problème lorsqu'un jouet fonctionne bien avant Noël et que le temps manque pour réapprovisionner.»
Mais tous déplorent que, pour les jouets nécessitant des moules à injection ou ayant une composante électronique ou textile, il soit presque impossible de produire hors de Chine. «Il est difficile d'être compétitif lorsque les produits demandent beaucoup de main-d'œuvre, même si les coûts ont augmenté en Chine, déclare Serge Jacquemier. Pour continuer à créer en France, il est indispensable de se démarquer par l'innovation. Si le produit est basique, il est vite copié. On est alors battus!»
L'export représente une planche de salut pour de nombreux fabricants. Le succès des tracteurs Falquet ou des jeux Dujardin (Mille Bornes, Chrono Bomb'!…), vendus aux quatre coins du globe, illustre le potentiel du jouet français à l'international. Encore faut-il disposer de distributeurs ou d'équipes spécialisées dans l'export. Ce qui reste complexe, notamment pour les PME. Pour la première fois, les fabricants français disposeront d'un pavillon au salon de Nuremberg, la grand-messe du secteur, en janvier. Business France joindra ses forces pour promouvoir le savoir-faire hexagonal. Tous comptent bien profiter de cette nouvelle tribune.
Trois réussites en France et à l'export
•SMOBY,premier fabricant de jouets français, racheté en 2008 par l'allemand Simba, se porte bien. L'entreprise, qui est de nouveau en croissance depuis deux ans, a réalisé 150 millions d'euros de chiffre d'affaires l'an passé (+ 6 %). Son actionnaire a investi 30 millions d'euros en huit ans dans ses usines. Ce qui lui permet de continuer à miser sur le «made in France»: 70 % de ses jouets sont fabriqués dans l'Hexagone, 10 % en Espagne (tricycles, poussettes) et 20 % en Chine (nounours, poupées…). Cette année, le fabricant jurassien lance une gamme d'instruments de cuisine pour enfants (Smoby Chef) afin de séduire les 5-8 ans.
•SOPHIE LA GIRAFE ,qui fête ses 55 ans, a permis à Vulli de quadrupler ses ventes en dix ans, à 29 millions d'euros. Ce jouet mythique, né à Paris, est fabriqué en Haute-Savoie. Il connaît depuis dix ans une nouvelle vie à l'international. Sur ses emballages, Vulli a choisi des tours Eiffel, une surpiqûre qui rappelle la couture à la française et des couleurs censées incarner un chic français, beige et blanc. Il est vendu dans 77 pays dont les États-Unis, son premier marché. Après le Brésil, Sophie vient de partir à la conquête des bébés chinois. Hochets, jouets de bain, doudous, meubles… La licence fait partie de ses leviers de croissance.
•BIOVIVA, avec ses jeux éducatifs (Bioviva Le Jeu, Sauve Moutons, L'Arbre des 4 Saisons…), souhaite favoriser une prise de conscience collective du respect de l'environnement. Son grand succès, Bioviva Le Jeu, qui permet de découvrir la planète et ses richesses naturelles, s'est vendu à 200.000 exemplaires dans le monde. Cette PME de l'Hérault, qui fête ses 20 ans, fabrique ses jeux dans la Drôme. Tous sont labellisés Origine France Garantie, une spécificité du secteur. En forte croissance, l'entreprise a enregistré 2,5 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2016.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 02/11/2016. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
Commentaires
Voilà une bonne nouvelle ! Les magasins de jouets grand public ne vendent plus que des produits "made in China", à quelques exceptions près ! La qualité de ces jouets et leur dangerosité ont souvent été dénoncées par les associations de consommateurs. Jamais je n'y achète mes Nounours ( mais non ! Pas pour moi !!!) :-)
Il faut favoriser les fabricants français: leurs jouets (en bois notamment) sont plus beaux, plus solides, mieux finis, originaux…"Y a pas photo!"