AFP. Jean-Marie Le Pen, président du Front national, a suscité un tollé et s'est attiré des menaces de poursuites judiciaires en qualifiant à nouveau les chambres à gaz de "détail de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale", dans un entretien au magazine "Bretons" publié vendredi.
Le parquet a annoncé qu'il étudiait la possibilité de poursuivre l'ex-candidat à la présidentielle.
"J'ai dit que les chambres à gaz étaient un détail de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale qui avait fait 50 millions de morts: ça me paraît tellement évident", déclare M. Le Pen dans le mensuel généraliste, diffusé en Bretagne et en région parisienne.
Le leader frontiste, dont la fille Marine a souligné qu'elle ne partageait pas les vues de son père sur ce point, avait été condamné à 1,2 million de francs (183.200 euros) d'amende pour de premières déclarations sur le "détail", en 1987 sur RTL.
Alors que "Bretons" lui fait remarquer que l'on a "déporté des gens pour les amener dans des camps pour les faire tuer", M. Le Pen répond: "Mais ça, c'est parce que vous croyez à ça. Je ne me sens pas obligé d'adhérer à cette vision-là. Je constate qu'à Auschwitz, il y avait l'usine IG Farben, qu'il y avait 80 000 ouvriers qui y travaillaient. A ma connaissance, ceux-là n'ont pas été gazés en tout cas. Ni brûlés."
M. Le Pen a affirmé dans un bref communiqué vendredi avoir "interdit expressément par lettre recommandée il y a déjà 15 jours" à "Bretons" de publier cet entretien.
Ses propos ont immédiatement été condamnés par politiques et associations, qui ont pointé du "négationnisme".
L'Union des étudiants juifs de France a annoncé avoir "décidé d'engager des poursuites judiciaires" et SOS Racisme dit avoir décidé de se constituer partie civile.
La Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme veut en faire autant après consultation de sa commission juridique.
Pour le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), l'ex-candidat à l'Elysée, "en pleine perdition politique", s'avance "encore plus sur la voie du négationnisme".
Le MRAP a dénoncé une "volonté de contestation de crimes contre l'humanité d'une part et d'incitation à la haine".
Le Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme (BNVCA) a exprimé "son indignation et sa colère".
Le Mouvement des Jeunes socialistes a dénoncé un "révisionnisme clairement assumé".
Pour Julien Dray, porte-parole de ce parti, c'est "à la justice d'agir pour que de telles paroles, qui prennent sciemment le risque de générer haine et division dans notre pays, ne restent pas impunies".
Même tonalité chez le député (app-communiste) Jean-Pierre Brard. Il a aussi demandé à la vice-présidente du FN Marine Le Pen, "qui prétend vouloir donner une nouvelle image au parti", de "condamner sans réserves" ces déclarations et de "présenter les excuses de son parti".
"Je dis ce que j'ai toujours dit: je ne partage pas sur ces événements la même vision que mon père", a fait valoir Mme Le Pen sur BFM TV.
"Je crois que Jean-Marie Le Pen ne voulait pas créer cette polémique, puisqu'il a interdit au journal la publication de cette interview", a-t-elle ajouté. "Le journal est passé outre, il ne voulait pas cette polémique, mais du coup elle existe."
Jean-Marie le Pen s'insurge d'ailleurs contre la condamnation judiciaire qui avait suivi sa première utilisation du mot "détail", en 1987 sur RTL. "Est-ce un pays de liberté où une phrase, si contestable soit-elle, et prononcée par un homme public, mérite 150 millions d'amende [d'anciens francs], et la mise à l'index de l'individu, et de son parti ?", s'interroge le président du FN. Les propos tenus par M. Le Pen évoquant "un détail" lui avait valu une condamnation sur le fond à 1,2 million de francs [soit 120 millions d'anciens francs]. Il avait déjà rappelé et confirmé ses propos sur les chambres à gaz en 1997 en Allemagne et dans un entretien à la BBC en 2005.
Entre autres provocations, il affirme aussi, dans cet entretien, qu'il n'est "pas sûr" que la France existera encore dans cinquante ans, expliquant que "sur le papier" elle sera "à majorité musulmane", comme c'est le cas aujourd'hui, selon lui, à "Roubaix", "Marseille", ou dans la "banlieue parisienne où, en sortant du métro vous vous trouvez à Tombouctou ou Casablanca".
Depuis 1971, Jean-Marie Le Pen a été condamné à de multiples reprises par la justice française pour "apologie de crime de guerre", "contestation de crime contre l'humanité" ou encore "provocation à la haine, à la discrimination et à la violence raciales".