Le procureur général de Versailles a fait appel de l'acquittement de Lydie Debaine qui avait tué en 2005 sa fille handicapée motrice cérébrale de 26 ans, refusant un verdict qui pourrait être pris pour «un encouragement à l'atteinte volontaire à la vie des handicapés».
Le 9 avril, la cour d'assises du Val-d'Oise avait acquitté Lydie Debaine, 65 ans, qui avait reconnu avoir noyé dans un bain sa fille gravement handicapée dont l'état physique et mental se dégradait depuis plusieurs années.
«Sans méconnaître la situation dramatique de Mme Debaine, son profond désarroi et sa grande souffrance, il m'est apparu que le ministère public, avait le devoir, dans le souci de l'intérêt général, de requérir l'application de la loi et la condamnation de l'accusée», a expliqué Jean-Amédée Lathoud, le procureur général de la cour d'appel de Versailles.
«Ce verdict d'acquittement pourrait en effet être compris comme un encouragement à l'atteinte volontaire à la vie des handicapés, qui méritent notre protection et notre soutien», a-t-il ajouté.
Les acquittements de ce type sont rarissimes. Ces vingt dernières années, la justice avait, le plus souvent, prononcé des peines de prison avec sursis pour ce genre de dossiers.
Selon Me Caty Richard, l'avocate de Lydie Debaine, «l'acquittement ne devait pas être interprété comme un permis de tuer mais comme la reconnaissance d'un acte juste, d'un acte d'amour». «Si un procureur général doit faire appliquer la loi, il doit aussi juger de l'opportunité des poursuites», a-t-elle insisté.
Me Richard, qui avait plaidé l'acquittement, a estimé que «l'épreuve continue dans la douleur» pour sa cliente qui comparaissait libre.
D'après Christine Lazerge, professeur de droit pénal à la Sorbonne, «l'acquittement, en l'espèce, est indéfendable du point de vue du droit car la mère a reconnu les faits».
«Il n'est pas étonnant, après l'auto-euthanasie de Chantal Sébire, que le procureur général ait fait appel. On peut imaginer que la Chancellerie souhaite éviter que ces cas se multiplient et que l'opinion puisse penser que la règle est l'impunité», a-t-elle ajouté.
Le procureur général qui avait un délai de dix jours, en a mis huit pour prendre sa décision. Selon plusieurs sources judiciaires, il s'est entretenu auparavant avec l'avocate de Mme Debaine et la procureure de Pontoise, Marie-Thérèse de Givry.
Le porte-parole du ministère de la Justice, Guillaume Didier, a affirmé que Jean-Amédée Lathoud n'avait «pas pris d'instructions auprès de la Chancellerie mais il y a eu des contacts sur l'analyse juridique».
La ministre de la Justice Rachida Dati, en déplacement à Besançon, a souligné que le parquet, qui avait requis une peine au procès avait fait «appel en accord avec ses réquisitions», et que son rôle était «de défendre l'ordre public et de protéger la société».
Le président de l'Unapei (Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales), Régis Devoldère, s'est dit «pas étonné» de l'appel «parce que l'acquittement, quelque part, peut paraître choquant. Tuer sa fille ou son fils, c'est un acte inadmissible, ce n'est pas une solution». Il a néanmoins estimé que «la société n'a pas le droit de laisser des personnes dans un tel isolement».
La Fnath (accidentés du travail et handicapés) a estimé que l'affaire illustrait «la souffrance des aidants familiaux» et le manque de places en établissements.
La chambre criminelle de la cour de cassation doit décider quand et où va se tenir le procès en appel qui devrait avoir lieu «début 2009 à Versailles ou Nanterre», selon Me Richard.
Que faisaient les médecins pour soulager les souffrances perpétuelles de la fille de Lydie Debaine? Il y a handicapés et handicapés. Celle-ci, d'un âge mental de 5 ans, incapable de parler, ne pouvait plus dormir ni manger à cause d'un handicap moteur cérébral. Sa mère a accompli un acte d'amour. Il est plus facile d'être la ministre de la justice que d'être la mère d'une enfant de 26 ans handicapée et souffrant depuis sa naissance.