La Corée du Nord commence à lever le voile sur son plan d'attaque vers le territoire de Guam dans le Pacifique.
Le jeu de ping-pong entre Washington et Pyongyang continue. La Corée du Nord a surenchéri ce jeudi dans l'escalade de tension, se moquant de Donald Trump accusé d'avoir «perdu la raison». Elle a également présenté un plan détaillé pour tirer une salve de missiles vers le territoire américain de Guam, dans le Pacifique.
Ce plan d'une rare précision, qui vise un avant-poste stratégique des forces américaines sur la route de l'Asie, constituera «un avertissement crucial aux Etats-Unis», a prévenu le régime nord-coréen, car, selon lui, «seule la force absolue» aura un effet sur le président américain. Ce plan sera présenté au dirigeant Kim Jong-Un mi-août, «pour une évaluation».
Selon l'armée, quatre missiles seront tirés simultanément et «voleront 17 minutes et 45 secondes sur une distance de 3 356,7 km, et s'écraseront en mer à 30 ou 40 km de Guam». Ils s'abîmeraient ainsi à l'extérieur des eaux territoriales américaines, après avoir survolé le Japon.
«Personne n'a intérêt à déclencher un cataclysme»
«La Corée du Nord n'a pas l'intention d'attaquer les Etats-Unis mais doit montrer qu'elle peut répliquer en cas d'attaque américaine. C'est un coup de semonce de leur part», analyse Juliette Morillot, historienne et co-auteure de «La Corée du Nord en 100 questions» (ed. Taillandier). «La Corée du Nord est dans une attitude de dissuasion, elle cherche à poursuivre son programme nucléaire et à assurer la pérénité du régime.» Si le risque que le pays mette sa menace à exécution existe, l'historienne souligne que «personne n'a intérêt à déclencher un cataclysme.»
Tokyo, qui a déjà averti qu'il abattrait tout missile menaçant son territoire, a réaffirmé qu'il ne pourrait «jamais tolérer les provocations» du pays reclus.
Des tirs vers Guam placeraient Washington dans une position délicate : si les Etats-Unis ne tentent pas de les intercepter, leur crédibilité en prendrait un coup et Pyongyang se sentirait pousser des ailes pour mener un test de de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) grandeur nature. Mais si une interception était tentée et qu'un missile y survivait, l'efficacité des systèmes de défense balistique américains serait remis en cause.
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Une guerre rhétorique inquiétante
Cet avertissement nord-coréen fait suite à un tweet menaçant du chef de la Maison Blanche affirmant que l'arsenal nucléaire américain est «plus fort et plus puissant que jamais». Quelques heures auparavant, Donald Trump avait stupéfait la communauté internationale en promettant au dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un la «colère» et le feu», mise en garde qui semblait tout droit sortie du répertoire oratoire de Pyongyang. «Chaque parti emploie la rhétorique de l'autre, note Juliette Morillot. Lorsque Kim Jong-Un parle de Trump comme d'un "gars qui a perdu la raison", il réemploie le vocabulaire que les autres lui réservent habituellement.»
Cette guerre rhétorique autour des programmes balistique et nucléaire de Pyongyang alimente les craintes d'une erreur de calcul qui aurait des conséquences catastrophiques sur la péninsule coréenne et au-delà. Pour rappel, en juillet, la Corée du Nord a mené deux tirs réussis de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM), mettant une bonne partie du continent américain à sa portée.
Bien que les tensions «n'ont jamais été aussi importantes», selon ses propres mots, Juliette Morillot estime tout de même qu'il «est difficile d'imaginer que le Pentagone laisse Trump entrainer les Etats-Unis dans un conflit qui impliquerait la Chine, le Japon, la Corée du Sud ainsi que la Russie qui ne laissera pas faire.» «Il y a cependant un signe très ténu d'apaisement», note l'historienne. Alors que la tension est à son comble, un pasteur canadien retenu depuis plus de deux ans et demi a en effet été libéré ce jeudi. L'homme avait été condamné en janvier 2015 aux travaux forcés à perpétuité. «Ce n'est pas anodin de la part de la Corée du Nord» estime Juliette Morillot.
Le Parisien