MAX GALLO, académicien, HISTORIEN et écrivain, Max Gallo, ancien ministre de François Mitterrand, aujourd’hui proche de Nicolas Sarkozy, vient de publier « le Roman des rois » (Fayard).
Relancer aujourd’hui le débat sur l’identité nationale est-il opportun ?
Max Gallo. Oui. Il a toujours été important que les historiens, mais aussi les politiques, définissent l’identité nationale.
Nous sommes dans une période de transition où le visage de la France change. D’importants transferts démographiques vont se produire avec l’arrivée de nouveaux immigrés extra-européens. Le problème est de savoir si nous pourrons, avec eux, faire évoluer la nation française, en conservant un certain nombre d’éléments décisifs pour son identité.
Par exemple ?
La présence d’une religion musulmane forte, qui puisse s’exprimer, ne pose aucun problème.
Encore faut-il que soit respecté le principe de laïcité qui est fondamental dans l’identité nationale.
« On peut admettre qu’il y a aussi une intention politique » Selon notre sondage, la langue est considérée comme l’élément le plus important de l’identité française… La langue française est décisive. Une langue c’est une façon de penser, de vivre l’histoire d’une nation.
On ne peut pas imaginer que le français ne soit pas enseigné et je dirais même imposé aux nouveaux Français.
Et le drapeau tricolore ?
Le drapeau et « la Marseillaise », qu’on peut lui associer, sont les traces visibles de la Révolution française, de ce creuset d’où nous sommes sortis.
Le drapeau, qui unit le blanc de l’Ancien Régime et le bleu et rouge de Paris, me paraît être le symbole même de ce qu’est l’histoire nationale.
Pourquoi la gauche a-t-elle un problème avec la nation ?
D’abord parce que la gauche a identifié la nation avec le nationalisme, c’est-à-dire avec la guerre. Ensuite, elle est internationaliste et réservée à l’idée même de frontières et de nation. Et puis la gauche, qui a souvent pensé la société en termes de classes sociales et d’économie, a oublié qu’une nation c’était aussi une histoire et une culture. Enfin, la mémoire récente l’a persuadée que ces valeurs, le drapeau, Jeanne d’Arc, « la Marseillaise », avaient été abandonnées au Front national.
Comment l’extrême droite a-t-elle réussi à s’en emparer ?
Il y a eu dans les élites françaises, et pas seulement à gauche, l’idée que la nation était une forme politique dépassée, que tous ceux qui continuaient à en parler étaient au mieux des archaïques, au pire des gens d’extrême droite enfermés dans leurs préjugés et leur nationalisme. Penser que la nation est une idée de droite est pourtant une erreur historique. Et l’expérience montre que, depuis la chute du mur de Berlin et la fin de l’Union soviétique, on assiste partout à un regain de la forme nationale.
N’y a-t-il pas de la part du gouvernement, à cinq mois des régionales, une manoeuvre électoraliste ?
On peut admettre qu’il y a aussi une intention politique.
Mais qui empêche la gauche de s’emparer de ce débat ?
Peut-on encore sauver le modèle d’assimilation àla française ?
C’est essentiel. Si on ne réussit pas l’intégration dans le modèle républicain français ouvert et laïc, ce n’est pas la grande fraternité universelle qui va se créer, c’est une série de communautés en conflit les unes avec les autres. Le pire, c’est le communautarisme qui fige chacun dans une identité étroite.
P/O Gaëlle Mann - Le Parisien 1/11/2009