Un rendez-vous préparé très en amont. Le président de la République Emmanuel Macron est arrivé ce samedi vers 7h45 au 55e Salon de l'agriculture, son premier en tant que chef de l'Etat, et devrait sauf incident y passer toute la journée. Accompagné du ministre de l'Agriculture Stéphane Travert, il a commencé sa visite par un petit-déjeuner avec les représentants syndicaux du monde rural.
Emmanuel Macron, dont la relation avec le monde agricole est difficile, ambitionne de rester près de douze heures porte de Versailles, et pourrait ainsi battre au passage le record de son prédécesseur François Hollande : ce dernier avait arpenté les allées pendant dix heures en 2013, après avoir atteint les douze heures en février 2012 lorsqu'il était candidat.
Et rien n'a été laissé au hasard : après un premier repérage des lieux par son entourage cette semaine, des dizaines de gardes du corps seront présents sur place, et Emmanuel Macron sera entouré en permanence par une "bulle de protection" constituée de trois cercles d'agents, révèle BFMTV selon qui "une étape est particulièrement redoutée par le service de protection : le stand des éleveurs".
Avant la visite, l'Elysée a fait savoir que le président se déplaçait toujours avec plusieurs costumes de rechange. L'an passé, il avait en effet reçu un œuf sur le crâne, dont il avait plaisanté, affirmant que le jet de projectile relevait du folklore du salon. Jeudi il a d'ailleurs pris les devants en soulignant qu'il se "moquait totalement" de l'ambiance dans laquelle il serait reçu Porte de Versailles, concentré qu'il est sur la construction du "visage de la France agricole des prochaines années".
Sifflets, Vegans et échanges tendus
En début de matinée, le président a été accueilli par des agriculteurs déguisés, mais aussi par des applaudissements. Vers 10h30 toutefois, une dizaine de membres des JA (Jeunes agriculteurs) d'Ile-de-France ont manifesté en sifflant devant le stand d'Inaporc (interprofession porcine), puis de nouveau devant celui d'Inabev (interprofession bétail et viande). En tout, une centaine d'entre eux (éleveurs, maraîchers...) se sont répartis en différents endroits du salon pour interpeller le chef de l'Etat à son passage, selon un cadre du syndicat agricole.
Le président est allé à la rencontre de certains des siffleurs, des céréaliers de la FNSEA qui protestaient contre la fin du glyphosate et contre la viande aux hormones qui risque d'être importée avec l'accord de libre échange en négociations entre l'UE et le Mercosur.
"Je vous engueule parce que j'aime pas qu'on me siffle derrière ; mais après je viens vous voir et on s'explique", leur a-t-il dit, promettant que "personne ne serait laissé sans solution". Dans un échange très vif avec deux céréaliers capté par un journaliste du "Figaro" et les caméras de BFMTV, et mis en ligne sur le compte YouTube d'Emmanuel Macron, on entend ainsi :
Premier céréalier : "Je vous ai entendu dans votre discours à l'Elysée. Ça ne tient pas, ce que vous dites. Dans toutes les études, il n'y a pas de risqué avéré [du glyphosate]."
Macron : "Vous pouvez pas dire ça. Le glyphosate, quels que soient les désaccords qu'il y a pu y avoir, vos représentants se sont engagés. [...] Y'a aucun rapport qui dit que c'est innocent. Y'en a qui disent que c'est très dangereux, d'autres moyennement dangereux. J'aurai à répondre de ce que je fais, demain, après-demain. Dans le passé on a dit que l'amiante c'était pas dangereux. Les dirigeants qui l'ont laissé passer ont eu à répondre. Les ouvriers agricoles, les consommateurs qui demain diront 'Vous aviez le glyphosate, vous le saviez, vous n'avez rien fait', ils me regarderont les yeux dans les yeux, ils iront pas vous chercher !"
Premier céréalier : "Nous on est calmes, alors vous vous calmez s'il vous plaît".
"Non, attendez, vous êtes calmes ? Non non non, vous m'avez sifflé dans le dos depuis tout à l'heure. [...] Donc le calme, c'est pas vous qui le donnez. Deux, vous me donnez des leçons."
"Ouais, ouais. On est chez nous ici."
"On est chez nous, tous. Ça s'appelle la France et c'est une République."
[...]
Deuxième céréalier : "Vous avez dit que vous êtes attentif à l'être humain, à leurs maladies. Et on va tout ouvrir, avec l'accord sur le Mercosur. Vous allez avoir de la marchandise qui va arriver des autres pays, avec des contraintes autres que les nôtres. La viande c'est quoi ? Des hormones. Vous allez avoir des OGM à plein. Demain comment vous allez faire pour fermer les frontières françaises, en disant 'Ces produits-là on n'en veut pas, on prend du produit français' ? Vous n'en êtes pas capable ! Cette alimentation va se retrouver dans l'assiette des Français."
Macron : "D'abord l'avenir de l'agriculture il n'est pas dans la fermeture, quelle qu'elle soit. [...] Vous êtes dans une filière qui exporte. Ça ne marche pas de dire 'On ferme d'un côté et on ouvre de l'autre'. Notre économie, notre agriculture, c'est une de ses fiertés, elle est exportatrice. Elle a besoin d'être ouverte. On est gagnants sur le Mercosur, la négo n'est pas finie, moi j'ai mes lignes rouges."