Emmanuel Macron a accueilli Vladimir Poutine ce lundi au château de Versailles pour une journée de discussions et de visite culturelle.
La dernière visite prévue de Vladimir Poutine à Paris en octobre dernier avait dû être annulée en raison des différends sur le conflit en Syrie.
Le président français accompagne son homologue dans la galerie des batailles du château. Les deux hommes ont consacré une partie de leur temps à la visite de l'exposition consacrée à Pierre Le Grand. Vladimir Poutine s'est déclaré «très impressionné par la grandeur de la France». Au menu des discussions ont figuré les relations franco-russes, leurs visions respectives de l'avenir de l'Union européenne, la lutte antiterroriste et les crises régionales, l'Ukraine et la Syrie, mais aussi la Corée du Nord et la Libye.
Interrogé sur la question des droits de l'homme en Russie, le président français a rétorqué n'avoir «jamais considéré que, ni la vie politique, ni la diplomatie ne consistaient à commenter soi-même des éléments de thermodynamique». «On partage des désaccords, mais au moins on voit comment construire concrètement une action commune».
Vladimir Poutine a réaffirmé la position russe sur la Syrie, lors d'une conférence de presse conjointe. Les deux présidents ont cependant affirmé que «la lutte contre le terrorisme était leur priorité commune».
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Lors de sa première rencontre avec le président russe, le chef de l'État s'est montré ouvert sur la lutte antiterroriste mais ferme sur les principes.
Envoyée spéciale à Versailles
Ils sont tous deux sensibles aux symboles et présidents d'anciens empires attachés à l'Histoire. Aussi était-il logique que leur conférence de presse soit organisée dans la magnifique galerie des Batailles du château de Versailles, qui célèbre les grands faits d'armes de l'histoire de France. Vladimir Poutine et Emmanuel Macron ont parlé côte à côte devant une magistrale représentation de la bataille de Fleurus, gagnée par le général Jourdan en 1794. Ils avaient auparavant inauguré l'exposition consacrée au tsar Pierre le Grand, prétexte officiel à la rencontre.
Il n'y eut pas entre eux de bataille de poignées de main, comme ce fut le cas jeudi à Bruxelles entre Donald Trump et Emmanuel Macron, dont les corps s'étaient affrontés de manière virile lors de leur premier face-à-face. Mais l'ambiance, à la conférence de presse, était glaciale. Emmanuel Macron était à l'aise, autoritaire, maîtrisant parfaitement ses sujets, et surtout très sûr de lui. Vladimir Poutine paraissait tendu, il avait le visage fermé et des rictus autour de la bouche. Son discours a semblé désincarné. Interrogé sur le manque de chaleur de la rencontre, Emmanuel Macron a évacué le sujet d'un revers de la main. «La diplomatie n'est pas une affaire de chimie personnelle mais consiste à apporter des solutions à des problèmes concrets. La chaleur est dans la pièce et dans l'histoire qui nous entoure. Nous avons eu un dialogue franc et direct. Nous nous sommes tout dit.»
Relancer les relations diplomatiques franco-russes
Il s'agissait pour les deux dirigeants de relancer les relations diplomatiques de leurs pays, malmenées depuis plusieurs années par les sanctions internationales contre la Russie, par l'annulation de la vente des bateaux de guerre Mistral et par le report d'une précédente visite du président russe en octobre, au plus fort de la bataille d'Alep, bombardée par les forces du régime syrien et les avions russes. La guerre, celle des valeurs, mais aussi celles de Syrie et d'Ukraine, fut pourtant bien présente dans la rencontre en petit comité et pendant le déjeuner. Emmanuel Macron se rendait à Versailles en position de force, face à un Vladimir Poutine ayant des choses à se faire pardonner - la visite au Kremlin de Marine Le Pen et les attaques informatiques russes contre le mouvement En marche!. À en juger par leurs mines respectives et la position défensive de Vladimir Poutine, le «rapport de force» auquel s'était préparé le président français tout comme le dialogue «exigeant» et «sans concession» ont bien eu lieu. Tout juste élu, avec déjà à son actif un sans-faute diplomatique la semaine dernière à l'Otan et au G7, Emmanuel Macron a aussi capitalisé sur une conjoncture internationale favorable à la France. Face à Poutine, il avait toute la place pour s'imposer: le Royaume-Uni est aux abonnés absents depuis le Brexit, les États-Unis sont imprévisibles depuis l'élection de Donald Trump, et l'Allemagne est occupée à préparer ses prochaines élections.
«Quand j'ai dit les choses une fois, je n'ai pas pour habitude de les répéter»
Emmanuel Macron
Cette visite de travail a vu défiler les grands dossiers internationaux du moment. L'Ukraine d'abord, où les accords de Minsk sont en panne, bloqués par les tanks russes dans le Donbass. Emmanuel Macron, qui avait affirmé au G7 que «la Russie a envahi l'Ukraine», a appelé de ses vœux une prochaine rencontre du format «Normandie» (France, Allemagne, Russie, Ukraine) pour relancer le processus de paix. Autre sujet de contentieux, la Syrie. Le président français voulait «parler avec la Russie» pour relancer une future «solution politique inclusive». Il considère en effet que la mise à l'écart des Occidentaux sur le dossier, au profit d'un cessez-le-feu parrainé par la Russie, la Turquie et l'Iran, mène à l'échec. Là aussi, le contexte est favorable au retour de la France, qui a toujours exigé le départ de Bachar el-Assad, sur le sujet. Les diplomates croient savoir que Vladimir Poutine ne considère plus que le président syrien puisse incarner une solution pour son pays à terme. Si elle a fait bouger les lignes, l'intervention militaire russe n'a pas permis de relancer le processus politique. Tout le monde, aujourd'hui, a intérêt à sortir de l'impasse. Les deux présidents ont annoncé leur intention de coopérer en matière de lutte contre le terrorisme. Emmanuel Macron s'est dit prêt à faire preuve de pragmatisme, notamment à discuter «avec des représentants de Bachar el-Assad». Mais il a aussi révélé deux lignes rouges de la France, l'utilisation d'armes chimiques et l'accès humanitaire. En cas de violation de la première, les Français, a-t-il prévenu, riposteront immédiatement.
Mais le «dialogue sans concession» s'est aussi appliqué, et c'est plus rare, aux droits de l'homme. Rompant avec la discrétion de François Hollande, Emmanuel Macron a rappelé l'attachement de la France au respect des minorités et du droit des personnes dans la société civile, évoquant même la situation des LGBT… La question des piratages informatiques russes n'a en revanche pas été abordée. Emmanuel Macron préfère l'avenir au passé. «Nous avons parlé de cette question au téléphone après mon élection. Quand j'ai dit les choses une fois, je n'ai pas pour habitude de les répéter», a-t-il affirmé. Sur tous les sujets, les deux présidents ont convenu de «chercher des solutions communes». «Si nous n'avons pas un dialogue franc et sincère, nous n'obtiendrons aucune avancée en Syrie et en Ukraine», a prévenu Macron. Au vu des différends qui les séparent, la partie n'est pas gagnée. «Mais les grandes choses se font dans la durée», affirme Emmanuel Macron.
LE FIGARO