E.L.M. | | MAJ :
«Pour votre sécurité. Accès interdit. Danger »… Le petit panneau qui a été apposé juste dans la perspective de la tour Eiffel, sur les barrières qui entourent le mur de la Paix en dit long sur l’état de ruine de ce monument. Cela n’empêche pas les touristes de venir prendre des photos.
La perspective est intéressante, bien que toutes les vitres sérigraphiées soient brisées et que le verre soit totalement éclaté.
Ce Mur pour la Paix édifié sur l’esplanade du Champ de Mars (VIIe) a été inauguré en l’an 2000 par Jacques Chirac, alors président de la République. «C’était un symbole des célébrations du passage à l’an 2000 », affirme Marek Halter, grand défenseur de l’œuvre de son épouse, Clara. Une structure de verre et de fer de 52 t, réalisée par l’architecte Jean-Michel Willlemote, près de la place Joffre.
Depuis, des artistes du monde entier l’ont visité et des représentants de toutes les religions s’y sont recueillis. En même temps, le mur aux écrans tactiles, aux immenses vitres comportant le mot paix en 32 langues s’est dégradé. Il n’a sans doute jamais été aussi délabré.
«Il a été édifié ici il y a 15 ans avec une autorisation d’occupation provisoire de quatre mois. Il est sur un site classé. Il est temps que le droit s’applique est qu’il soit démonté », estime Alexandre Gady, président de la société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (Sppef), qui se réserve le droit d’intenter une action en justice. De son côté, la Ville attend que l’association «le Mur pour la Paix-2000 » réalise des travaux pour garantir la sécurité des visiteurs.
Mais peut-on abattre un monument pour la paix ? La charge symbolique est-elle réellement attachée à ce mur ? Peut-il être sauvé, réparé ? Qui peut encore payer son entretien ou même son démontage ? Aujourd’hui, alors que Marek Halter en appelle aux citoyens sur un site Internet*, les dons s’élèvent à 1 247€, soit 1 % des 75 000 €, indispensables pour les premières réparations. Vingt-quatre contributeurs, c’est peu.
*Sauvons le Mur pour la Paix(LP/E.L.M.)
Ecrivain français, juif d’origine polonaise, Marek Halter défend aujourd’hui l’œuvre de sa femme, Clara Halter : le mur de la Paix du Champ de Mars, victime de vandalisme.
Dans quel état se trouve aujourd’hui le mur de la Paix ?
MAREK HALTER. Aujourd’hui, c’est une ruine. On dirait les restes d’un monument de l’époque romaine. Je n’en veux pas à Anne Hidalgo (PS) qui est une amie. Mais je regrette que la Ville de Paris n’ait jamais voulu entretenir ce mur. Pourtant, tous les jours des touristes viennent ici prendre la tour Eiffel en photo à travers les plaques de verre sur lesquelles le mot paix est écrit en 32 langues. Le mur de la paix donne un sens à la tour Eiffel. D’autant plus aujourd’hui après les attentats de 2015.
Qui selon vous en veut à ce symbole ?
Des soûlards ? Des activistes antipaix ? Des associations de promeneurs de chiens qui vont se plaindre à Madame Rachida Dati qui en appelle aux bulldozers ? Je ne sais pas. Je constate seulement que depuis le début des vandales s’attaquent à ce site.
Pensez-vous encore pouvoir le sauver ?
Je ne baisse pas les bras. La structure est solide. Je reçois beaucoup de lettres de soutien. Mais je ne peux plus payer les réparations. J’ai épuisé la générosité de tous les grands patrons comme Decaux ou Bouygues qui m’ont longtemps soutenu. J’en appelle donc aux citoyens. Prouvons que nous sommes capables d’entretenir en plein Paris un tel symbole. Il suffit que 10 000 personnes donnent 5 ou 10 € et on aura sauvé le mur. J’ai promis à Bernard Cazeneuve que le monument serait réparé en mai. Avec 75 000 €, on peut changer en trois semaines les vitres sérigraphiées. Sinon, je lancerai un appel aux télévisions. Quelle honte ce serait de laisser détruire ce mur.
Propos recueillis par Eric Le mitouard
(LP/Delphine Goldsztejn.)
Evoquer le Mur de la Paix, devant la maire (LR) du VIIe, c’est déclencher une virulence que Rachida Dati exprime depuis plus de 6 ans, en réclamant au mieux sa destruction ou son déplacement. L’ouverture d’une souscription pour sauver l’édifice l’a fait évidemment fulminer. Elle s’est rapidement lâchée sur Twitter contre cet « appel à financement choquant, pour une structure illégale et dangereuse ». «Cette structure n’est pas un monument et n’a pas qualité d’œuvre, or elle se trouve sur un site classé », insiste aujourd’hui la maire du VIIe. Elle est plus favorable que jamais à la destruction du Mur, pour une simple raison de sécurité, à l’occasion de l’Euro de football, dont le Champ-de-Mars accueillera des événements et des retransmissions sur écrans géants. «Il y a une véritable opportunité de faire respecter la loi si la préfecture prononce un arrêté de péril imminent », affirme-t-elle.
«Pourquoi les époux Halter réagissent-ils maintenant, après des années de défaut d’entretien ?, fustige Gérard Roubichou secrétaire général du Comité d’aménagement du VIIe. L’accès au Mur est fermé depuis l’automne pour raison de sécurité, la dangerosité y est réelle. C’est un monument privé sur un domaine public, installé sans autorisation mais toléré ». L’association a déjà tenté plusieurs recours pour le faire démolir, mais a été déboutée par deux fois depuis 2012. «La seule personne qui peut décider, c’est la Maire de Paris en faisant constater le péril imminent », affirme Gérard Roubichou.
Élodie soulié
LE PARISIEN