
LA HAYE (Reuters) - L'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, a eu un geste de menace envers des survivants du massacre de Srebrenica au premier jour de son procès devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) à La Haye.
En entrant dans la salle d'audience, mercredi, l'ancien général serbe, accusé de génocide et crimes de guerre pendant la guerre civile de 1992-1995, a applaudi et levé les pouces.
Vêtu d'un costume sombre, il s'est ensuite assis derrière son avocat, lunettes à la main, pour écouter avec attention les déclarations liminaires des procureurs.
A 70 ans, Ratko Mladic est poursuivi notamment pour avoir dirigé le siège de Sarajevo qui a fait 10.000 morts et pour le massacre de Srebrenica, en juillet 1995, au cours duquel près de 8.000 musulmans de Bosnie ont été exécutés.
Le procureur Dermot Groome a accusé Ratko Mladic et d'autres responsables serbes d'avoir mis en place un nettoyage ethnique et divisé le territoire de l'ex-Yougoslavie.
Captant le regard d'une musulmane proche de victimes, Munira Subasic, présente dans la salle, Ratko Mladic a fait un geste explicite de la main, comme s'il allait lui trancher la gorge. Le juge-président Alphons Orie a alors brièvement suspendu la séance et a appelé à mettre fin à "ces interactions inappropriées."
"Je pensais qu'en venant ici, j'aurais au moins pu voir des remords dans ses yeux", raconte Munira Subasic, dont le fils de 18 ans, le mari et les frères ont été tués à Srebrenica. "Au lieu de ça, j'ai vu sa soif de sang."
Le procès du "boucher des Balkans", qui encourt une peine de prison à perpétuité s'il est reconnu coupable, a ravivé les douleurs des proches de victimes et des rescapés.
Un vingtaine de mères de victime du massacre de Srebrenica s'étaient rassemblées devant le tribunal, brandissant pour certaines des pancartes, où l'on pouvait lire : "Mladic, le plus grand meurtrier de personnes et d'enfants innocents."
"CRIMINEL ET LÂCHE"
A Sarajevo, le procès était retransmis en direct sur de grands écrans.
"J'ai envie de pleurer lorsque je pense à ce qu'ils nous a fait : il a tué 8.000 personnes uniquement à Srebrenica, mais également Foca, Visegrad, et nos enfants à Sarajevo", confie Hasna Hadzic, une retraitée qui a passé la guerre à Sarajevo. "Ils n'auraient jamais dû le faire comparaître en justice, ils auraient dû le liquider immédiatement."
"J'espère que les personnes qui pensent que Mladic est un héros serbe changeront d'avis et que ce procès montrera qu'il n'est qu'un criminel et un lâche", a dit à Reuters le président de l'association des parents et enfants tués lors du siège de Sarajevo, Fikret Grabovica.
Arrêté en mai 2011 après onze années de clandestinité, Ratko Mladic rejette ces accusations "monstrueuses" et estime qu'il est trop faible pour comparaître devant la justice.
"Le monde entier sait qui je suis", avait-il lancé lors d'une audition l'année dernière. "J'ai défendu mon peuple, mon pays, maintenant je me défends moi-même."
A la fin du conflit, en 1995, il a été inculpé avec Radovan Karadzic, le chef politique des Serbes de Bosnie, de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité par le TPIY. Les deux hommes avaient été recherchés pendant plus de dix ans avant d'être finalement arrêtés et transférés à La Haye.
Le procès de Radovan Karadzic est en cours. L'ancien président serbe Slobodan Milosevic, inculpé en 1999 et transféré à La Haye en 2001, est quant à lui décédé en 2006 en détention avant le verdict, alimentant les critiques sur la lenteur des procédures du TPIY.
"ENTREPRISE CRIMINELLE"
Selon les procureurs, Ratko Mladic faisait partie d'une "entreprise criminelle visant à éliminer les Musulmans de Bosnie à Srebrenica en tuant les hommes et les adolescents et en chassant par la force les femmes, les enfants et quelques vieillards". Les forces serbes de Bosnie avaient tenté à l'époque de cacher le massacre en enterrant les corps des victimes dans des tombes anonymes.
Ratko Mladic est également poursuivi pour le siège et le bombardement de Sarajevo. "Il ne fait aucun doute que Mladic a contrôlé le bombardement de Sarajevo", a dit le procureur.
L'ancien général serbe bénéficie d'un suivi médical depuis son transfert à La Haye. Lors de sa première apparition devant le tribunal, il s'était révélé incapable de lever un verre avec son bras droit ou de placer de lui-même ses écouteurs pour écouter la traduction en serbe des propos tenus au tribunal.
La liste de témoins de l'accusation compte 411 personnes. Leur audition devrait prendre environ 200 heures.
Marine Pennetier pour le service français, édité par Gilles Trequesser
Yahoo!Actu - 16/05/12