Un tract OAS, provenant du Colonel Vaudrey, demande à la population d’aller vers Bab el Oued, drapeaux en tête, pacifiquement, sans arme. Le préfet Vitalis Cros interdit la manifestation et met en place un dispositif impressionnant. Avenue du 8 Novembre, des chars de 30 tonnes braquent leurs canons de 75. Square Bresson, ce sont des half-tracks et des auto-mitrailleuses. Le boulevard Carnot est rempli de CRS.
Bizarrement, un bataillon de Tirailleurs, composé en majorité de musulmans appelés (qui avaient déjà peints en vert leurs casques), faisait partie du bouclage. Dès lors que le cessez le feu avait été proclamé et que l’indépendance était imminente, ces tirailleurs avaient le choix entre donner des gages à la rebellion où mourrir. Le chef de cette unité, le colonel Goubard, était absent, remplacé par le commandant Poupat. Ce dernier avait reçu les ordres suivants (par écrit) : arrêter la manifestation par tous les moyens, au besoin par le feu. Il transmit ces ordres à ses subordonnés en précisant que le feu devait être ouvert qu’en cas de légitime défense.
Vers 14h45 la foule, composée d’hommes, de femmes et d’enfants, arriva aux abords de la rue d’ISLY. Ils étaient venus là en famille comme au 13 Mai 1958.
Les manifestants butent sur un barrage de Tirailleurs commandés par le lieutenant Daoud Ouchène. Après négociations, le lieutenant laisse passer une délégation avec un drapeau en tête. Mais la foule s’engoufra dans la brèche et envahi la rue d’ISLY.
Le commandant Poupat envoie en renfort une compagnie aux ordres du capitaine Gilet pendant que le lieutenant OUCHENE reconstitue son barrage. Le cortège de manifestants est trançonné.
14h45 : Soudain une rafale de pistolet mitrailleur est tiré par un tirailleur situé près du bar du Derby. Cela va déclencher une fusillade qui durera plusieurs minutes. C’était la confusion et la panique générale. Les manifestants courraient dans tous les sens. Les Tirailleurs, les yeux fous, en transe, vidaient chargeurs sur chargeurs, utilisant même des balles explosives. La rue fut bientôt qu’un amas de corps sanglants et le sang coulait dans les canniveaux. Au fracas des armes s’ajoutait les hurlements de peur, les plaintes. Mais la pitié n’habitait pas les monstres qui tiraient sans discontinuer.
"Halte au feu" criaient les manifestants encore vivants. "Mon lieutenant, faites cesser le feu, je vous en prie..."
Combien de temps cela durera-t-il ? Difficile à dire.
La foule subissait cette fusillade folle sans pouvoir rien faire. Des flots de prières s’élevaient de cette arène sanglante. Au milieu des plaintes, des rales et des supplications, les assassins achevaient les blessés. Voici le témoignage du Professeur Pierre Goinard de la faculté de médecine d’Alger :
Une femme blessée, couchée par terre boulevard Laferrière, se relève. Un soldat musulman la tue d’une rafale de PM malgré l’intervention d’un officier.
Un vieillard rue d’Isly ... le soldat musulman lui crie "couche toi, tu ne te relèveras plus.." et l’abat.
Deux femmes blessées gisant à terre sont achevées à coup de fusil-mitrailleur.
Une femme blessée, place de la Poste, gisait sur le dos. Un soldat musulman l’achève d’une rafale. L’officier présent abat le soldat.
Un soldat portant des bandes vertes sur son casque visait lentement : un pauvre vieux à 50 mètres courait... le coup parti ... et ce fut fini..
Un civil, ancien de la 1ère armée, cria en direction du lieutenant Ouchène : "Vous tirez sur une foule désarmée...Halte au feu !" Et le lieutenant de répondre "Je devais faire mon devoir, j’avais des ordres..." Puis s’apercevant de la méprise le lieutenant Ouchène et le capitaine Techer hurlèrent : "Halte au feu !". Mais certains tirailleurs musulmans, hystériques et haineux, continuaient à tirer.
Le lieutenant Daoud Ouchène que pressaient et injuriaient les civils, fondit en larmes, à bout de nerfs. Cette scène a été enregistrée par René Duval, envoyé spécial d’Europe 1.
Il n’y eut pas que les tirailleurs musulmans pour tirer dans la foule. Il y eut : La CRS 147 à l’entrée du bd Baudin, la CRS 182 qui bloquait l’avenue de la gare, la CRS 12 qui occupait la rampe Chasseriau et les Gardes Mobiles.
Témoignage de René Louviot : "à la fin de la fusillade à laquelle ils avaient participé, les CRS faisait lever les bras aux passants et les matraquaient sur la tête à coup de crosse...". Un peu plus loin, un garçon et deux jeunes filles portent un drapeau tricolore taché de sang. Les CRS leur disent : "Vous pouvez vous le mettre dans le cul...", d’autres faisaient un bras d’honneur.
Le bruit de la fusillade fut remplacé par la ronde infernale des hélicoptères et le hurlement des sirènes d’ambulances.
La scène du carnage était abominable, insoutenable. Des corps d’hommes, de femmes, d’enfants jonchaient les rues et les trottoirs, le sol était parsemé de souliers, de vêtements, de douilles. Plaintes et râles s’élevaient, les survivants étaient hébétés. L’odeur de la mort se mit à planer sur Alger.
On chargeait les blessés dans les ambulances, les morts dans les camions militaires. Des corps qui ne demandaient qu’à rester français...
Les plaies des victimes atteintes par des balles explosives étaient impressionnantes. Sur les lieux du carnage les survivants prenaient petit à petit conscience de l’horrible réalité de ce génocide. Leur place n’était plus dans ce monde de fous, leur place n’était plus en Algérie, elle n’était plus aussi en France.
Les soldats progressaient en colonne le long de la rue. Une femme exangue trempait un drapeau dans une flaque de sang et leur cria "Pourquoi ... pourquoi avez vous fait cela ?..." puis elle éclata en sanglots.
L’ Hopital Mustapha où avaient été transportées les victimes fut submergé par les familles affolées. Le plasma se mit à manquer, les Algérois retroussèrent leurs manches.
A la morgue les corps étaient disloqués, les yeux ouverts, beaucoup de jeunes femmes, de celles qui hier encore faisait la beauté et le charme de la ville blanche. Ceux qui ont vu ce spectacle ignoble savent que la mort seule les libèrera de cette vision.
62 morts, plus de 200 blessés dont certains handicapés à vie
Le siège de BAB el OUED, la tragédie du 26 MARS, le Génocide du 5 juillet à ORAN, le martyr des Harkis, les disparus..... ont fait l’objet d’un ouvrage intitulé "VERITE" que l’on peut se procurer chez l’auteur José CASTANO Parc de la MEDITERRANEE 34470 PEROLS prix 14 euros port inclus.