Dans une petite église orthodoxe de la banlieue de Saint-Pétersbourg, une icône pas comme les autres a trouvé sa place, sous le regard bienveillant des fidèles : elle représente Staline, imposant, aux côtés d'une sainte.
Elle représente une rencontre de Joseph Staline avec la bienheureuse Matrona de Moscou, qui aurait eu lieu dans la capitale soviétique à l'automne 1941 quelques mois après le début de l'offensive allemande contre l'URSS.
Selon la légende, la sainte (1881-1952) aurait alors conseillé à Staline de ne pas quitter Moscou, alors que la Wehrmacht était aux portes de la ville, et lui aurait promis la victoire du peuple russe sur l'Allemagne nazie.
Sur cette icône, "le petit père des Peuples", vêtu d'un pardessus militaire, se tient debout devant la sainte, assise près de la fenêtre. Aveugle de naissance, Matrona Nikonova, à qui l'on attribue des miracles, fut canonisée par l'Eglise orthodoxe après sa mort.
"J'ai commandé cette icône parce que pour moi, Staline est un grand homme politique qui a gagné la guerre contre les nazis et créé l'Union soviétique", confie à l'AFP Alexandre Evseev.
Il affirme avoir offert l'icône à l'église de la Sainte Princesse Olga à Strelna en raison "de l'amour et du respect" qu'il porte à ce lieu de culte et à son prêtre Evstafi.
Cette petite église, à laquelle on ne peut accéder qu'après un kilomètre de sentier à pied à travers un vieux parc, est très fréquentée. Des dizaines de personnes y affluent le samedi et le dimanche, attirées par la personnalité du père Evstafi Jakov, 67 ans, qui officie là depuis huit ans.
"Je ne connais aucun prêtre qui soit aussi bon, simple, sensible et pur que le père Evstafi", affirme Lidia Nikolaïeva, 55 ans. "S'il a accepté cette icône, il sait pourquoi", dit-elle, tout en assurant ne pas être "du tout staliniste"...
Viatcheslav, un homme d'affaire d'une trentaine années, affirme lui aussi être loin d'admirer Staline mais se refuse néanmoins à tout jugement négatif sur l'icône.
"Pour moi c'est la représentation d'un épisode historique de la vie de la sainte Matrona de Moscou", dit-t-il. "Je ne peux pas juger le credo politique du père Evstafi, c'est une personnalité unique, exceptionnelle, qui fait beaucoup de bien", conclut Viatcheslav.
"Si cela pose problème à batiouchka (père) Evstafi, je retirerai mon icône", ajoute Alexandre Evseev dans une allusion à plusieurs articles sur le sujet dans la presse.
Le père Evstafi, un homme grand et maigre à la longue barbe grise, ne cache pas pour sa part sa sympathie envers Staline et sa surprise devant "tant de bruit autour de cette icône".
"Il y a deux types d'icônes : celles représentant des saints et celles sur des événements liés à la vie des saints", explique-t-il à l'AFP. 'Ce n'est pas une icône de Staline, c'est une icône de la bienheureuse Matrona", dit-il.
"En ce qui concerne Staline, pour moi c'est un vrai père du peuple, qui a créé un Etat fort et une société morale. Après sa mort, la Nation a perdu son père et est devenu orpheline. Je voudrais que Staline revienne", lance le père Evstafi.
Pour nombre de Russes, Staline reste avant tout l'artisan de la victoire sur les nazis, source d'une immense fierté nationale, et de l'empire soviétique, de Berlin-Est à Vladivostok, aujourd'hui défunt.
Près de la moitié des Russes (47%) ont une perception positive de Staline, contre moins d'un tiers (29%) d'avis négatifs, selon un des derniers sondages sur la question publié en février 2006 par l'institut d'opinion russe FOM...
AFP. 02.12.08
Curieux, ce père Evstafi Jakov!