21/02/2015 – MILAN (NOVOpress) – « Il faut faire attention car, parmi les centaines de milliers de personnes qui arrivent et qui débarquent, il est facile que s’infiltre quelqu’un qui vient pour se faire sauter. Mais, même si ce n’était pas le cas, l’immigration est une bombe sociale car ce qui est en cours est un changement de peuple ». Et « cette tentative de changement de peuple qui est en cours, nous la combattrons par tous les moyens possibles ». Voilà ce qu’a déclaré Matteo Salvini, secrétaire de la Ligue du Nord, dans un entretien exclusif, jeudi 19 février, avec le quotidien en ligne Il Primato Nazionale (proche de Casapound), en réponse à une question sur le Grand Remplacement (Grande Sostituzione) [vidéo de l'entretien en fin de notre article].
Une semaine plus tôt, Matteo Salvini avait commenté sur sa page facebook les derniers chiffres désastreux de la natalité italienne : « En 2014 seulement 509.000 enfants sont nés en Italie, le chiffre le plus bas depuis 150 ans. Une société qui ne fait plus d’enfants est une société qui risque de mourir. […] À moins que certains pensent à nous remplacer par des milliers d’immigrés. Moi, je ne me rends pas et je combats ? Et vous ? »
Dans un intéressant article, Adriano Scianca, responsable pour la culture à Casapound, avait alors reconnu en arrière-plan de ces propos « la thèse du Grand Remplacement », c’est-à-dire celle « qui interprète l’immigration de masse comme un phénomène qui va plus ou moins délibérément remplacer un peuple par un autre », et dont la formulation revient en France à Renaud Camus, « personnage original et à sa manière génial ». En Italie, avait souligné Adriano Scianca, pour partie en raison d’une immigration beaucoup plus tardive que de l’autre côté des Alpes, « le concept est encore nouveau », mais Matteo Salvini l’a employé de manière répétée ces derniers mois.
« La gauche, au niveau mondial, a planifié une invasion, un changement de peuple. Moi je ne me rends pas, moi je ne suis pas d’accord », a ainsi twitté Matteo Salvini en novembre 2014. Peu après, au commencement de décembre, il a déclaré sur Rai Radio 1, à l’émission Radio Anch’io : « L’introduction du droit du sol en Italie, je ne l’accepte pas : c’est un changement de peuple, une immigration programmée ». Et encore, quelques jours après, sur les réseaux sociaux : « 82.000 Italiens, l’an dernier, sont partis à l’étranger pour travailler, un record. Dans le même temps, ont débarqué presque 150.000 immigrés sans travail. Une tentative de changement de peuple est en cours, mais moi je ne me résigne pas ».
Adriano Scianca note que ces références insistantes de Matteo Salvini au Grand Remplacement datent « surtout d’après l’intensification des contacts entre le Front National et la Lega Nord ». Affirmant que « le concept est monnaie courante au Front National », il cite un « entretien récent de Jean-Marie Le Pen au quotidien italien Libero, où, interrogé explicitement sur la question, il a répété : “Je le disais bien avant M. Camus. Je le dis depuis 40 ans, en criant dans le désert” ». Des figures du Front National comme Bruno Gollnisch, Julien Rochedy, Philippe Martel ou Fabien Engelmann « ont manifesté leur adhésion en substance » à cette thèse.
Adriano Scianca ne semble pas connaître les voix discordantes qui se sont récemment fait entendre au Front National, de Gaëtan Dussausaye, nouveau président du FNJ (« Le “grand remplacement” relève davantage d’un fantasme racialiste que d’une réalité ») à Marine Le Pen elle-même (« Le concept de grand remplacement suppose un plan établi. Je ne participe pas de cette vision complotiste »), en passant par Florian Philippot (« Certains y verront une conception racialiste que nous ne partageons pas »). Le visage du FN que l’on connaît et que l’on admire en Italie n’est pas celui-là.
Le phénomène européen du Grand Remplacement, d’abord vécu, constaté et formulé en France, devient d’une telle évidence en Italie aussi, Mare nostrum et « Triton » aidant, que l’allié italien du Front National le met désormais au centre de son discours. Si vraiment, au même moment, le Front National choisissait de ne plus en parler, ce ne serait pas seulement paradoxal : ce serait à désespérer.
Flavien Blanchon