Le 14 juillet 2017, premier du quinquennat Macron, est dans le viseur du Front national. Derrière le traditionnel défilé des Forces françaises, le parti de Marine Le Pen, premier parti politique au sein des forces armées, s'élève contre les réductions budgétaires et dénonce des «sacrifices scandaleux». «Emmanuel Macron est dans l'image et n'a pas saisi le fond du problème. Il invite Trump, expose les troupes françaises mais il n'a pas compris que nos forces ont besoin de moyens et n'a pas pris la mesure de leur importance dans la lutte contre le terrorisme» s'insurge Jérôme Rivière, conseiller défense de Marine Le Pen durant la présidentielle.
Lorsqu'elle était en campagne, la candidate du FN avait plaidé pour une augmentation sensible des moyens accordés à la Défense nationale et promis d'augmenter son budget immédiatement si elle était élue. Elle s'était notamment engagée à dégeler 2,6 milliards gelés par Bercy, dès le mois de juillet.
Dans un ouvrage publié jeudi, consacré à la nouvelle géographie politique du pays, (Le Puzzle français. Un nouveau partage politique, avec le soutien de la fondation Jean Jaurès), le démographe Hervé Le Bras et le directeur du département Opinion et stratégies de l'Ifop, Jérôme Fourquet, soulignent la forte implantation du vote FN chez les militaires lors de la dernière présidentielle (un militaire sur deux selon l'Ifop). L'examen des bureaux de vote, dans lesquels sont majoritairement inscrits les fonctionnaires des armées et leurs proches, le révèle de manière indiscutable.
«Arbitrage scandaleux»
Dans un virulent communiqué diffusé le 11 juillet, le parti frontiste a vivement critiqué les «coupes sèches» prévues dans le budget de l'Etat et dénoncé un «arbitrage scandaleux» qui pèserait, selon lui, sur la sécurité des Français. Si le gouvernement et Emmanuel Macron ont expliqué que ces restrictions budgétaires ne toucheraient pas les activités les plus sensibles des armées, les soldats ne l'entendent pas de la même oreille. A la veille du défilé, le chef d'état-major Pierre de Villiers a menacé de démissionner, au risque de provoquer la colère du président qui est aussi le chef des Armées.
Mais au FN, le ras-le-bol des militaires n'étonne personne. «Le président Macron avait promis pendant la campagne de porter le budget des Armées à 2% du PIB d'ici 2025. Alors que cet objectif déjà très lointain aurait nécessité un effort progressif et constant, le premier geste du gouvernement consiste à amputer de 850 millions d'euros le budget des Armées, ce qui revient à reculer la ligne de départ avant même le début de la course» a condamné le parti frontiste. Le FN fustige le «cynisme» d'Emmanuel Macron et réclame un nouvel arbitrage pour «préserver l'intégralité» de trois budgets ministériels qu'il juge «absolument prioritaires» (Armée, Intérieur et Justice).
«Soldats très exposés»
Durant la présidentielle, Marine Le Pen s'était rendue au Tchad. Elle avait rencontré les soldats de l'opération Barkhane, installés en première ligne contre le terrorisme djihadiste au Sahel. Une fois élu, Emmanuel Macron avait fait le même déplacement et assuré les forces de son soutien. «Je serai un chef des armées exigeant, lucide et toujours présent. Je ne risquerai pas vos vies pour rien» avait-il notamment écrit sur Twitter.
«Dire que nos forces ne subiront pas ces coupes budgétaires est un mensonge, accuse Jérôme Rivère qui s'était rendu avec la candidate FN au Tchad, nos armées et nos policiers sont à l'os. Dès le 17 juillet, elles ne pourront plus faire appel aux réservistes alors qu'ils jouent un rôle important pour notre sécurité et celle de nos militaires. Au Mali, quand on alimente en eau les postes éloignés, nous n'avons plus les moyens de le faire par hélicoptères et la vie de nos soldats est très exposée car ils sont contraints de traverser des zones tenues par des forces armées rebelles» s'indigne le cadre frontiste.
Enfin, pour lui, le coup de gueule du chef d'Etat-Major des Armées, réprimandé par le chef de l'Etat, est légitime. «Pierre de Villiers, qui arrive en fin de carrière et que Macron avait reconduit en croyant faire un bon coup de communication, avait déjà expliqué que sans effort budgétaire, il ne pourrait pas tenir le contrat opérationnel signé avec la France. Il est normal qu'il tienne cette position aujourd'hui. Il met simplement à jour la responsabilité du président et du gouvernement. Ce qui est invraisemblable est que le chef de l'Etat, élu sur la promesse d'augmenter le budget des Armées, annonce des coupes budgétaires quelques jours avant le 14 juillet. C'est cela qui est irresponsable!» considère le conseiller défense de Marine Le Pen.