23/04/2016
Chronique n°61
Le Prince de ce monde
Voilà qu’avec la mort d’un certain Prince, dont j’ignorais l’existence, la presse a trouvé l’occasion d’un de ces orgasmes planétaires qui lui permettent de se détourner davantage de la vérité, et même de l’obsession des « migrants » – 500 d’entre eux ayant pourtant fait naufrage, cette semaine, « redoute » l’ONU, pour peu qu’il ne s’agisse pas d’un mensonge destiné à rappeler les bobos à leur office lacrymal, quel que soit le stade du jour ou de la nuit, tandis que les décideurs malthusiens trouvent que de tels naufrages sont un excellent régulateur démographique de l’immigration clandestine, en même temps qu’un avertissement lancé « en direction » de ces réfugiés économiques. La chaîne de propagande franco-allemande Arte a bien diffusé, avec le ton d’indignation frémissante qui lui est propre, un reportage sur une très méchante milice bulgare qui seconde la police dans la chasse aux « migrants » qui traversent clandestinement la frontière ; il n’en reste pas moins que le cliché migratoire est fatigué, ou épuisé, et que la mort de Prince, marque déposée, toxicomane, érotomane et Témoin de Jéhovah (je comprends pourquoi, lors de mon séjour à Minneapolis, on ne m’a pas parlé de cet androïde), cette mort a donné à la propagande l’occasion de déverser exactement les mêmes, serviles et pornographiques louanges que pour la mort de David Bowie.
La sous-musique et ses consommateurs dégénérés mènent le monde ; et il y a longtemps que je soupçonne ce genre de musique d’être un des instruments favoris du Prince de ce monde. J’imagine que je recevrai encore des courriels courroucés de lecteurs qui tenteront de me représenter que je suis dur, élitiste, intolérant. Ne pas savoir qui était Prince est nonobstant une nécessité pour les esprits libres et purs. Rappeler que Satan, Prince de ce monde et Seigneur des mouches littéraires et politico-journalistiques, mène le bal en un monde entièrement inversé est un devoir constant.
Infiniment plus importante que la mort de ce chanteur à la voix de châtré : les procès qui ont lieu en Turquie, où des journalistes et des universitaires se sont vus inculpés d’atteinte à la sûreté de l’Etat pour avoir montré les liens du pouvoir turc islamiste avec Daech, dans sa tentative pour prendre en tenaille les Kurdes du PKK et leurs alliés irakiens. Il s’agit donc là d’un délit d’opinion, d’une atteinte à la liberté d’expression, et je suis enclin à mettre sur le même plan ces inculpations et mon licenciement à la suite de l’article paru dans le n° 61 de la Revue littéraire. Dans un cas comme dans l’autre, et sans perdre de vue les proportions, il s’agit de museler ou de faire payer ceux qui disent la vérité, là au nom de la sûreté de l’Etat, ici au nom de la sûreté d’une entreprise phare du système médiatico-littéraire, lequel est aux mains non pas (encore) d’un sultan islamiste mais d’un groupe de banquiers de gauche, riches homosexuels, éditeurs fortunés, journalistes francs-maçons, les uns et les autres responsables, avec la déchéance de l’Education nationale, de l’état de misère en milieu littéraire et du bannissement des déviants qui montrent les liens entre la sous-littérature qui a pris le pouvoir et, par exemple, les ravages du multiculturalisme –ce qui n’implique pas, comme le stridulent quelques insectes, dans la presse stipendiée, que je me prenne pour un martyr, ni que je juge tout mauvais dans ce qui se publie, ni même que je me prenne pour le dernier écrivain, ces imbéciles se fiant à mes seuls titres, au lieu de me lire vraiment.
Oui, parler coûte cher, en Turquie comme en France, pays où, cependant, tout en gardant leur poste, un journaliste peut être convaincu de plagiat ou un ministre soupçonné d’un accès de priapisme sur une femme qui se penchait devant lui. Je suis loin, aujourd’hui, de cette pourriture… Me voilà inscrit au chômage. Il n’y avait pas un seul bobo, hier, dans les bureaux de Pôle emploi. C’est aux bigots du nouvel ordre moral, actuellement en vacances, que je songeais devant ces visages clos ou défaits, ces corps malhabiles, quasi honteux, pour certains – la honte d’être chômeur finissant par me gagner à mon tour.