TRIPOLI (Reuters) - Mouammar Kadhafi, qui a dirigé d'une main de fer la Libye pendant 42 ans avant d'être tué la semaine dernière au terme d'un conflit sanglant, a été inhumé mardi à l'aube dans la plus grande discrétion dans un lieu tenu secret.
"Kadhafi vient tout juste d'être enterré dans le désert aux côtés de son fils" Moutassim, a déclaré à Reuters le commandant Abdel Majid Mlegta, du Conseil national de transition (CNT).
L'ancien "guide", âgé de 69 ans, et son fils ont été tués jeudi après avoir été capturés lors de la prise de Syrte par les forces rebelles, dernière poche de résistance des pro-Kadhafi.
L'imam personnel de Kadhafi, Khaled Tantouch, également arrêté jeudi, a prononcé des prières devant les deux dépouilles reposant depuis quatre jours sur le sol d'une chambre froide de la ville de Misrata.
Deux cousins de Kadhafi, Mansour Dhao Ibrahim et Ahmed Ibrahim, arrêtés jeudi alors qu'ils tentaient de fuir la ville de Syrte, étaient présents lors de cette courte cérémonie funéraire.
"Les responsables du CNT ont récupéré le corps à la fin de la cérémonie qui s'est déroulée tôt ce matin et l'ont emmené quelque part loin dans le désert", a rapporté le commandant Mlegta du CNT.
Dans son testament, Mouammar Kadhafi avait demandé à reposer à Syrte, sa ville natale, mais les nouvelles autorités tenaient à ce qu'il soit inhumé dans un endroit tenu secret afin d'éviter que sa sépulture ne devienne un lieu de pèlerinage pour ses partisans.
Depuis sa mort, sa dépouille, transférée à Misrata, avait été exposée au public et des milliers de Libyens avaient défilé pendant quatre jours dans une chambre froide de cette ville martyre de la révolution libyenne.
Face à l'émoi suscité à l'étranger par l'exhibition des deux corps, le CNT avait finalement décidé de bloquer l'accès à la chambre froide lundi.
ENQUÊTE
"J'ai rigolé quand je l'ai vu être roué de coups comme il le méritait et je ris maintenant de le savoir sous terre", confie Emani Zad, un étudiant de 20 ans, à Tripoli. "Si les hommes qui l'ont enterré sont des vrais Libyens libres, ils garderont le secret de sa tombe".
Un soulagement que tous ne partage pas. Ce jeune serveur de café de 33 ans qui, sous couvert de l'anonymat, salue le "courage" de l'ancien dirigeant.
"Si vous dites que Kadhafi est mort comme un lâche, vous avez tort. Il est mort fier comme un lion. Il a dit qu'il ne quitterait jamais la Libye et il ne l'a pas quittée. Il s'est battu, battu, battu. Je n'était pas un partisan de Kadhafi avant cette révolution mais quand je vois son courage, je sais qu'il était le seul dirigeant possible pour la Libye", déclare-t-il.
Sous la pression de ses alliés occidentaux, le gouvernement de transition a promis d'ouvrir une enquête sur la mort de Kadhafi et de son fils. Les deux hommes étaient apparus vivants peu après leur capture sur des images filmées par des téléphones portables.
L'organisation Human Rights Watch (HRW) a par ailleurs appelé les nouvelles autorités libyennes à ouvrir une enquête sur l'exécution sommaire de 53 partisans de Mouammar Kadhafi.
Selon l'ONG basée à New York, 53 corps ont été découverts la semaine dernière sur la pelouse d'un hôtel abandonné de Syrte, ville natale de l'ex-homme fort libyen.
INTROUVABLE
Trois jours après la mort de Kadhafi, le CNT a proclamé la libération du pays et annoncé un avenir démocratique basé sur l'application de la charia (loi coranique).
Lundi, le président du CNT, Moustapha Abdeljalil, s'est efforcé de dissiper les craintes sur un glissement de son pays vers un fondamentalisme religieux.
Il a par ailleurs indiqué que des tractations étaient en cours en vue de former d'ici deux semaines un nouveau gouvernement provisoire. Le CNT devrait se réunir la semaine prochaine pour régler la succession de Mahmoud Djibril, président démissionnaire du comité exécutif.
L'un des fils de Mouammar Kadhafi, Saïf al Islam, reste pour sa part introuvable. Selon un responsable du CNT, il se trouverait dans l'extrême sud-ouest de la Libye, à proximité des frontières avec l'Algérie et le Niger, et préparerait sa fuite.
Sa fuite serait préparée par l'ancien chef des services de renseignement, Abdallah al Senoussi, également dans la région.
Depuis la mort de Mouammar Kadhafi, Saïf al Islam, qui était considéré comme son dauphin, a été signalé tour à tour dans la région de Syrte, puis près de Bani Walid, beaucoup plus au nord.
Saïf al Islam Kadhafi et Abdallah al Senoussi sont tous deux visés par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale de La Haye pour crimes contre l'humanité.
Avec Taha Zargoun à Syrte, Rania El Gamal et Tim Gaynor à Misrata, Henri-Pierre André et Marine Pennetier pour le service français
Yahoo!Actualités - 25/10/11