par Walter Gibbs
OSLO (Reuters) - Anders Behring Breivik était sain d'esprit lorsqu'il a massacré 77 personnes l'été dernier en Norvège, a estimé mardi un collège d'experts psychiatriques, contredisant un précédent rapport qui le jugeait pénalement irresponsable de ses actes.
L'auteur de l'attentat à la bombe d'Oslo et de la fusillade sur l'île d'Utoya insiste lui-même pour que ces attaques soient jugées comme des actes politiques et non l'oeuvre d'un esprit dérangé.
Breivik les a conçues comme une action punitive contre les "traîtres" qui favorisent l'immigration, soulignent les experts, dont la principale conclusion est que l'accusé "n'était pas psychotique le 22 juillet 2011", dit dans un communiqué le tribunal d'Oslo devant lequel son procès doit s'ouvrir lundi prochain.
"Nous parlons de psychoses, et nous n'en avons trouvé aucune preuve", a dit à la presse Asgar Aspaas, un des deux psychiatres chargés de cette nouvelle expertise de l'état mental de Breivik. Leur rapport de 310 pages n'a pas été rendu public dans son intégralité.
Le précédent rapport d'experts rendu en novembre estimait à l'inverse qu'Anders Behring Breivik souffrait de troubles psychotiques et avait développé une forme de schizophrénie à tendances paranoïaques au moment des faits.
"Il vit dans son propre monde délirant, et ses pensées et ses actes sont déterminés par cet univers", avait alors rapporté le procureur Svein Holden.
CINQ JUGES
Mais les conclusions de ce premier rapport psychiatrique avaient suscité un débat en Norvège, où de nombreux survivants et proches des victimes ont souligné que seul un individu en pleine possession de ses facultés mentales avait pu commettre une tuerie de manière aussi froide et systématique.
Et la justice avait demandé une seconde expertise.
La décision finale sur l'état de santé mentale du militant d'extrême droite de 33 ans sera prise par un panel de cinq juges peu avant la fin de son procès, qui devrait durer dix semaines.
Si Breivik est reconnu responsable de ses actes, il sera passible d'une peine de 21 ans de prison. Le droit norvégien permet en outre de prolonger sans limitations une peine si un risque de récidive est avéré.
Si les juges estiment à l'inverse qu'il est pénalement irresponsable, il sera probablement interné dans un asile psychiatrique fermé pour une période indéterminée.
Dans une longue lettre écrite de sa cellule et transmise au début du mois à plusieurs médias, Breivik estimait qu'être déclaré pénalement irresponsable serait "la pire chose" susceptible de lui arriver.
"Envoyer un militant politique en asile psychiatrique est plus sadique et mauvais que de le tuer", ajoutait-il dans ce texte.
Selon son avocat, Geir Lippestad, Breivik a accueilli avec satisfaction les conclusions de ce second rapport d'expertise.
L'avocat a également conseillé à ses compatriotes de se préparer au témoignage cru de son client devant la cour. "Non seulement il s'expliquera mais il dira aussi qu'il regrette de ne pas être allé plus loin", a-t-il prévenu.
Avec Victoria Klesty; Tangi Salaün et Henri-Pierre André pour le service français, édité par Gilles Trequesser
Le nouvel Observateur - 10/04/12