Le procès n'a pas commencé qu'on en devine déjà sa théâtralité. Le prévenu bat lui-même le tambour depuis des jours pour appeler ses soutiens à «venir nombreux» à l'audience, mercredi à 13h30 devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris. «La Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, NDLR), officine juive communautariste dite antiraciste, me fait un procès politique pour délit d'opinion, ironise-t-il avec un sens accompli de la provocation. Thèmes abordés: la musique nègre, le racisme juif, le coefficient de blancheur des équipes de balle au pied».
Un appel passé sur son «site officiel de campagne», puisque celui qui comparaît devant la justice est candidat à la présidentielle 2017. Il s'agit d'Henry de Lesquen, haut fonctionnaire de 67 ans, plus connu du monde et de la ville pour être le patron de l'ultradroitière Radio Courtoisie. Sur signalement de la Licra et du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap), le parquet met Henry de Lesquen en cause pour «injure raciale» et «contestation de crime contre l'humanité».
Musique nègre et racisme des juifs
Ce procès en trois actes - il y a trois citations distinctes réunies en une seule audience - vise «le particulier» qu'il est, précise-t-il au Figaro, et non le dirigeant de la radio, car les propos incriminés n'ont pas été tenus à l'antenne mais sur ses comptes Twitter et sur son site Internet. Ainsi, le 29 décembre 2015, il tweete: «Centrée sur le rythme, la musique nègre s'adresse au cerveau reptilien». Le 24 janvier 2016 il écrit: «C'est le racisme des juifs qui les a conduits au monothéisme quand ils ont privé de leurs dieux les ‘‘Goyim'' qu'ils haïssaient». Des propos qu'Henry de Lesquen maintient aujourd'hui «s'étonnant», dans le premier cas, que «la critique d'art» et, dans le second cas, «une discussion théologique» soient convoquées devant un tribunal.
Les autres tweets en cause concernent la Shoah. «Je suis émerveillé de la longévité des ‘‘rescapés de la Shoah'' morts à plus de 90 ans. Ont-ils vécu les horreurs qu'ils ont racontées?», écrit Henry de Lesquen le 27 avril 2016 pour commenter le décès de Martin Gray. Lequel, selon lui dans un autre tweet, «a tout inventé». «Quand je dis qu'il a inventé, je ne remets pas en cause l'existence de la Shoah, se défend-il, mais l'imposture avérée du récit ‘‘autobiographique'' de Gray dans Au nom de tous les miens, écrit par Max Gallo, car il n'a jamais mis les pieds dans un camp de concentration. Je dis seulement que c'est un affabulateur et que ce n'est peut-être pas le seul». La cour priera aussi Henry de Lesquen de s'expliquer sur cet autre tweet: «La plantureuse Simone Veil, ‘‘rescapée de la Shoah'', qui ‘‘va bien'' à 88 ans». En mars 2016, Henry de Lesquen avait été convoqué à un stage de citoyenneté au mémorial de la Shoah de Paris, en raison de propos sur l'inégalité des races, signalés par la Licra.
Coefficient de blancheur
La troisième citation, elle, concerne une salve de tweets de juillet dernier sur la «mélanisation» du sport en général et du football en particulier, «dramatique pour les identités nationales», a tweeté Henry de Lesquen. Ou encore «À cause du cosmopolitisme, le coefficient de blancheur de l'équipe de France de balle au pied est en chute libre», et «comment franciser l'équipe de France de balle au pied? 1-Expulser les Français de papier 2-Réprimer le communautarisme».
Naturellement, la Licra, le MRAP ou encore SOS Racisme jugent «intolérable» le «caractère antisémite et négationniste» de ces propos, qui lui valent dans certains médias le qualificatif de «multirécidiviste de la haine». Toutes ces déclarations ont d'ailleurs entraîné, depuis juin dernier, une crise dans la station de radio Courtoisie. Onze responsables d'émission ont réclamé son départ tandis qu'il dénonce «une cabale» et demeure «candidat à [sa] réélection» à la présidence de la station en 2017.
Quant au procès, mercredi, c'est pour lui «très clair»: «c'est un procès politique pour délit d'opinion, pour imposer une pensée unique qui s'appelle le cosmopolitisme, souligne Henry de Lesquen. Or je suis résistant, et la Licra collabo». À l'audience, il compte citer le Général De Gaulle et dénoncer «un terrorisme intellectuel relayé par un terrorisme judiciaire, qui enfreint la loi sur la liberté d'expression».