Chaque Province décide de la date de ses élections et c’est ainsi que les Québécois seront appelés le 4 septembre prochain à voter pour les députés du Parlement de leur Province qui se trouve dans la ville de Québec. Ces élections ne se déroulent jamais à date fixe – c’est un privilège du Premier ministre de chaque Province d’en décider la date dans un laps de temps de 5 ans. Le Printemps Erable, caractérisé par la crise des étudiants qui luttaient contre la hausse des frais d’inscription universitaires, décidée par le gouvernement libéral et son Premier ministre Jean Charest, a été l’un des éléments déclencheurs les plus probants de ces élections.
Quatre grands partis sont en lice, les Libéraux, le Parti Québécois (P.Q) mené par Pauline Marois (photo), la CAQ (Coalition Avenir Québec) dirigée par un dissident, de sensibilité de droite, du parti québécois, François Legault et l’extrême gauche Québec Solidaire dont les deux porte-paroles sont Françoise David et Amir Khadir.
Tous ces partis proposent des solutions diverses au problème de la santé qui est l’une des préoccupations majeures des Québécois, car il manque cruellement de médecins au Québec notamment généralistes, la résolution du conflit des étudiants, le sort des richesses nationales, la mise en valeur de la primauté du français et bien sûr la question nationale. Ainsi les Libéraux sont, dans leur ensemble, fédéralistes alors que le P.Q. est davantage souverainiste c'est-à-dire qu’il souhaite œuvrer, d’une manière ou d’une autre, à une autonomie plus prononcée du Québec voire à son indépendance.
Jean Charest (photo) met en valeur son bilan positif en matière de gestion de la crise financière mondiale, mais il est contesté pour son attitude au cours de la crise étudiante. Il traine aussi des problèmes de corruption, en particulier dans le domaine de la construction, révélés notamment par la Commission Charbonneau. Aussi est-ce le P.Q. qui apparait en bonne position de challenger pour remporter ces élections. Mais quel que soit le gagnant, toute la question est de savoir si celui-ci sera majoritaire ou devra composer avec d’autres mouvances, car les élections restent néanmoins très ouvertes.
Le Canada est la 5ème communauté juive au monde avec 350.000 âmes dont plus ou moins 90.000 vivent au Québec, qui se partagent entre 60.000 Juifs ashkénazes majoritairement anglophones et 30.000 sépharades plutôt francophones.
Comment se positionne la communauté juive à l’égard de ces différents partis ?
Comme partout ailleurs, différentes sensibilités la traversent, mais il y a une inclinaison pour les partis fédéralistes. En effet, les Juifs majoritairement anglophones sont préoccupés par les aspirations souverainistes de certains autres partis mettant bien évidemment l’accent sur la préservation et le développement de la langue française. Quant au monde sépharade, nonobstant l’affinité linguistique, il ne se désolidarise pas de l’ensemble de la communauté et se perçoit ainsi comme appartenant au Québec, mais aussi à l’entité globalisante de l’Amérique du Nord.
A deux reprises, en 1980 et en 1995, le P.Q. au pouvoir avait organisé un referendum pour la souveraineté du Québec et avait échoué de peu en 1995. Le premier ministre de l’époque, Jacques Parizeau, avait attribué cet échec au vote ethnique et la communauté juive s’était alors sentie visée voire stigmatisée. La question nationale reste donc un sujet sensible.
En ce qui concerne le rapport à Israël, les Libéraux, comme le P.Q. entretiennent de bonnes relations avec l’Etat hébreu même si ce dernier parti charrie en son sein un courant pro israélien voyant ce pays comme un modèle et un autre plutôt palestinien, tandis que Québec Solidaire appelle régulièrement au boycott des produits israéliens. Il est trop tôt pour dire comment se positionne la C.A.Q, parti nouvellement créé, il y a un an.
Quant aux rapports communautaires, les Libéraux comme le P.Q., ont le souci d’une bonne entente qui se concrétise par un désir de proximité régulière. Toutefois, même si au temps de sa gouvernance, il a octroyé des subventions conséquentes pour l’achat du bâtiment de la Fédération Juive et la rénovation du Musée de l’Holocauste, le P.Q. accuse un déficit d’image auprès de la communauté juive « at large ».
Si les Libéraux gagnent, ces bonnes relations se poursuivront ; si c’est le P.Q., il lui restera à mettre en valeur son actif à l’égard de la communauté. Défi que ce parti comme la communauté juive du Québec auront certainement à cœur de relever.
Sonia Sarah Lipsyc, sociologue, réside à Montréal depuis plus de trois ans où elle dirige ALEPH-le Centre d'Etudes Juives Contemporaines au sein de la Communauté Sépharade Unifiée du Québec (CSUQ). Elle écrit régulièrement pour le site d'infos et de ressources : "Judaismes et Questions de Société". blog : http://soniasarahlipsyc.canalblog.com
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