À Stockholm et dans ses banlieues, les émeutes semblent, depuis ce week-end, s'être calmées. Dans la nuit de dimanche à lundi, la police suédoise n'a dû intervenir que sur une poignée d'incendies de voitures, bien loin des centaines de sorties enregistrées la semaine dernière. Cependant, chez certains habitants d'Husby, ville de 12.000 habitants située au nord-ouest de Stockholm et berceau de la révolte, la colère subsiste.
«J'habite ici depuis que je suis née. Mes parents se sont installés à Husby dans les années 1970, à l'époque où on encourageait les Suédois à venir vivre dans les banlieues», raconte Helen, 32 ans, qui promène son bébé. «J'en ai assez d'entendre dire que les gens qui jettent des pierres, qui brûlent des voitures, le font parce qu'ils sont immigrés et, de ce fait, exclus de la société. Ici, ils ont accès à tous les services dont ils ont besoin: bibliothèque, centre d'accueil pour les jeunes, aides sociales… Ils n'ont pas à se plaindre. À mon avis, la police et le gouvernement n'ont pas été assez sévères avec eux!»
Pour le parti anti-immigration des Démocrates de Suède (Sverigedemokraterna), cette exaspération à l'égard des jeunes émeutiers, d'origine immigrée, constitue du pain bénit. Alors que des sondages le plaçaient, déjà, en troisième position des partis les plus populaires de Suède en novembre dernier, les violences lui ont fourni une tribune médiatique inattendue. «Ce qui se passe dans nos banlieues est le résultat direct d'une politique d'immigration irresponsable, et ce n'est pas avec plus de moyens financiers que l'on résoudra le problème», martèle ainsi, depuis la semaine dernière, Jimmie Akesson, le leader des Démocrates de Suède. Ce dernier a pesé sur les discussions au point qu'un débat parlementaire sur les conséquences de cette révolte des banlieues est prévu vendredi prochain.
«Le problème est ethnique»
Pourtant, plusieurs mois après son succès retentissant dans les sondages, le parti, dont l'image fut écornée par plusieurs scandales de racisme parmi ses membres, était en perte de vitesse. «Tout ce dont ils avaient besoin, c'était de saisir une occasion de revenir dans les médias, parce qu'ils savent très bien communiquer. Avec les émeutes, c'était facile», analyse Anders Hellström, chercheur en sciences politiques à l'université de Malmö. L'électorat des Démocrates de Suède, qui a permis au parti de rentrer, pour la première fois, au Parlement en 2010, est rural, éloigné des événements survenus dans les banlieues de la capitale suédoise. «Les gens ne sont pas forcément moins tolérants, mais ils regardent la télévision et se disent que oui, limiter ou supprimer l'immigration est le meilleur moyen de régler ce problème», glisse Anders Hellström.
Pour Paulina de los Reyes, professeur à l'université de Stockholm, les autres partis politiques suédois facilitent, sans le vouloir, la tâche de l'extrême droite. «Le gouvernement de centre droit et les sociaux-démocrates écartent toute responsabilité du modèle nordique dans ces violences en expliquant, à mots couverts, que le problème est ethnique, et que des Suédois n'agiraient pas de la sorte. Les Démocrates de Suède n'ont plus qu'à surfer là-dessus, pour affirmer que la politique d'immigration généreuse et le multiculturalisme n'ont pas fonctionné», déclare-t-elle.
A un peu plus d'un an des prochaines législatives en Suède, ces émeutes risquent donc de modifier le paysage politique du pays. «En gros, il pourrait y avoir les partis qui détestent les Démocrates de Suède, et ceux qui les soutiennent, eux et leurs propositions», estime Anders Hellström. «Le débat sera très polarisé, loin du consensus auquel nous sommes habitués.»
Le Figaro - 28/05/13