Avant de se donner la mort, Dominique Venner s’est expliqué : « Je me donne la mort afin de réveiller les consciences assoupies. Je m’insurge contre la fatalité. »
La mort de Dominique Venner est, en effet, parfaitement claire, lumineuse, éblouissante, et je m’insurge contre ceux qui viennent prétendre qu’elle est obscure et qu’il y a dans tout suicide une part d’inexplicable. Cet homme a donné sa vie pour essayer de réveiller notre peuple endormi, ou plutôt hébété, par l’enseignement de l’oubli, le matraquage idéologique permanent, la « ruquiérisation » des esprits, tout ce que j’appelle justement l’industrie de l’hébétude. Ainsi que je ne me lasse pas de le répéter, un peuple qui connaît ses classiques et sait ce qu’il se doit ne se laisse pas mener sans protester, comme le fait le nôtre sous nos yeux, dans les poubelles de l’histoire. Le geste de Venner est un cri d’horreur et de désespoir mais aussi et surtout un cri d’avertissement, une tentative ultime pour réveiller le dormeur, pour tirer de son abrutissement l’hébété, pour ouvrir les yeux de l’aveugle volontaire, ou du moins consentant à son aveuglement. Il s’inscrit dans la lignée des immolations de Prague, jadis, ou plus récemment du Tibet. La mort de Venner est la mort d’un bonze, et la situation de la France ressemble beaucoup, en effet, à celle du Tibet où la conquête est consacrée, comme elle s’accomplit chez nous, par le truchement du changement de peuple, garant du changement de civilisation. « Le changement, c’est maintenant », ainsi que nous en avertissent cyniquement nos maîtres. « La France d’après », pour parler comme les précédents, la France d’après la France, c’est également maintenant. Venner non plus que moi n’a pu supporter cette abomination. Mais moi, j’ai la faiblesse de crier vivant. Son cri à lui fut une balle dans le crâne, au pied des autels.
Dans son dernier texte paru sur son blog, il vous cite : « Le “grand remplacement“ de population de la France et de l’Europe, dénoncé par l’écrivain Renaud Camus, est un péril autrement catastrophique pour l’avenir… »
Je suis, faut-il le dire, absolument d’accord avec lui. Il faisait allusion en l’occurrence aux manifestations contre ledit « mariage pour tous », et particulièrement à celle qui doit se tenir dimanche. Je découvre à cette occasion que nos positions sont exactement les mêmes. Venner déplore comme moi que nos compatriotes, et d’abord les chrétiens, et même l’Église, soient capables de se mobiliser en masse à propos de cette ridicule affaire du « mariage pour tous » mais soient indifférents à ce dont elle n’est que l’indice, le changement de civilisation, tel que l’entraîne nécessairement la substitution ethnique. Et quand je dis indifférents il faudrait souvent, hélas, dire complices, notamment dans le cas de l’Église. Or, l’Église et le christianisme sont une part essentielle de notre civilisation et de l’histoire de notre race, ce que le lieu du suicide souligne admirablement, comme un muet reproche. Le paradoxe est bien sûr, pour en revenir au « mariage pour tous », que nos remplaçants, quand ils seront tout à fait chez eux, n’auront rien de plus pressé que d’abolir, ils ne sont pas fous, cet indice parmi d’autres de l’effondrement même qui assure leur victoire.
Marine Le Pen a réagi sur Twitter à l’annonce de sa mort, en exprimant son « respect » à Dominique Venner. « Tout notre respect à Dominique Venner dont le dernier geste, éminemment politique, aura été de tenter de réveiller le peuple de France. MLP… »
Elle a, comme souvent, parfaitement raison.
Frigide Barjot parle d’un monsieur « un peu dérangé ». Ajoutant : « Il était assez raciste, d’après ce que j’en sais… »
Raciste va finir par devenir un compliment si par racistes on désigne ceux qui pensent que les civilisations ne sont pas indépendantes des origines, c’est-à-dire que l’homme n’est pas un pion, une pièce de rechange, un zombie hébété désaffilié, déraciné, désoriginé, déculturé, délocalisable et interchangeable à merci.
Pour dénoncer « le fascisme », dit-elle, une militante féministe des Femen, seins nus, le canon d’une arme factice enfoncée dans la bouche, a mimé, ce mercredi dans la cathédrale Notre-Dame, le suicide de Dominique Venner. Que vous inspire cette mascarade ?
Franchement, sur le moment, comme cela, cette mascarade ne m’inspire rien du tout, sinon de l’ennui — pas de l’irritation, de l’ennui. Il faut être chiche de son indignation, sans quoi elle vous ronge le foie. Déjà le surréalisme et dada ne m’ont jamais beaucoup excité quand ils étaient vivants, alors leurs maigres resucées post-post-posthumes… Et je déteste le concept de « transgression », qui sent toujours un peu le séminaire et le pipi de chat. Curieux comme, aujourd’hui, un tour complet de la spirale du sens s’étant opéré, Montherlant ou Sénèque paraissent plus vivants, plus excitants pour l’esprit, que Breton ou Bataille, sans parler de Jean-Jacques Lebel. Ces pauvres filles ne sont pas dignes de la mort, on préférerait qu’elles ne s’en approchent pas.
Renaud Camus, le 23 mai 2013